Le chant féminin a longtemps été cantonné au metal symphonique et au metal gothique. On a ainsi créé une nouvelle catégorie, le metal à chanteuse. Cependant, au fil des années, les femmes ont pris le micro dans un spectre de plus en plus large du metal. C'est une très bonne chose, qui contribue à détruire la réputation du metal comme étant une musique d'homme. En France le phénomène s'est caractérisé par des groupes comme
Eths,
Kells,
Lux Aeterna ...
Pyrah se situe donc dans cette lignée, offrant un metal que l'on peut qualifier de progressif, mais aussi de plein d'autres choses. Les influences sont variées, et proviennent aussi bien de l'inclassable
Tool que de l'éclectique
Opeth.
La première étape de la carrière de
Pyrah s'est déroulée en 2013, lors de la sortie d'une démo, nommée
Rusty. Le groupe alsacien a donc réalisé cet album en à peine un an, ce qui est une petite prouesse, quand on sait que les chose peuvent prendre beaucoup plus de temps en auto-production. En général c'est une question de volonté, ce qui est souvent révélateur par rapport à l'ambition du combo (c'est donc tout bon pour
Pyrah). On remarque rapidement que beaucoup de soin a été accordé au visuel. La pochette, dans un style "dessin" est jolie, et colle parfaitement au titre de l'opus. Quant aux illustrations du livret, celles-ci sont du même acabit, et plutôt qu'une photo, les membres du groupe ont eux aussi été dessinés.
Comme une introduction fait toujours plaisir, les alsaciens ne se gênent pas pour nous en offrir une, qui prend la forme d'Entering the
Maze. Des bruits sourds se font entendre au loin, ils se rapprochent, et finissent par nous envelopper totalement, dans une atmosphère sombre mais fascinante. La première chanson, Trapped, débute dans la foulée, et impose un riff de guitare incisif et diabolique. La batteuse (et oui, le batteur est une femme) frappe ses fûts avec force et ferveur, tandis que la basse se fait galopante et trépidante.
Si les instruments révèlent d'emblée un bon niveau (mis en relief par une production d'assez bonne qualité), c'est véritablement la vocaliste qui mène la danse. Stéphanie Montel est une chanteuse capable aussi bien de chant lyrique que de chant hurlé ou growlé, et elle ne s'en prive pas. Tout cela est bien maîtrisé, et la voix, convaincante, se place comme l'un des points forts de l'album. Un petit détail me chagrine cependant : le chant mériterait d'être mieux articulé et compréhensible. On retrouve dans beaucoup de titres de l'album une ambivalence réussie entre les deux types de chants, ce qui créé un admirable contraste. Ce contraste sert autant la musique que les paroles, et atteint son point d'orgue sur le très bon
Reflection, qui met en scène une fille (représentée par le chant clair) qui se pose des questions sur l'importance de l'apparence dans notre société, tandis qu'une voix (le chant growlé) lui dit de prendre conscience et d'être elle-même.
Parmi les morceaux les plus remarquables de cet album on retiendra sans hésiter le puissant et impressionnant Who I Am. L'introduction de ce morceau pose une ambiance étrange, avant que n'arrivent les guitares, lourdes et sèches. Le jeu de guitare est très bon sur ce titre, avec un petit côté épique, couplé à une frappe de batterie bien nette. Le chant est toujours bon, et même jubilatoire lors de certains passages particulièrement aiguës (I want to go back !).
Sea You, Atlantis est certainement le morceau le plus progressif de tout l'opus, suivant tantôt un rythme rapide et entraînant, tantôt un rythme lent et doux. En début de morceau se trouve un passage tout calme, pouvant évoquer la douceur de l'océan, ou bien l'album Orama du groupe de doom grec
On Thorns I Lay pour ses atmosphères lourdes mais douces. Les vocaux hurlés qui suivent ce passage ainsi que les mélodies presque malsaines de la guitare confèrent au morceau un aspect dérangeant mais fascinant. L'ambivalence de ce titre donne un rendu très progressif que n'aurait pas renié pas
Opeth il y a quelques années.
When
Voices Quiet
Down, comme son nom l'indique, est un morceau instrumental, plutôt réussi. De petites expérimentations sont tentées, surtout au niveau de la guitare, qui donne un petit côté "math metal" intéressant. Stand Tall fait apparaître un violon en son milieu, pour une sorte d'intermède.
Dreamland n'apporte rien de vraiment différent, mais est juste un très bon titre, résolument heavy, et qui monte peu à peu en puissance pour un final grandiose. Lack of Words termine brillamment l'album, avec des ambiances sombres et torturées, le tout secondé par une batterie hallucinante lors de passages plus rapides.
Que retenir de
Pyrah alors ? La réponse est : beaucoup de bien. Les alsaciens se servent habilement de leurs influences diverses et variées, pour se créer une âme qui leur convient, et pouvoir tracer leur route. Du côté de la technique c'est quasiment tout bon, surtout pour les filles, les garçons ayant moins de place pour s'exprimer (pas de soli bien techniques ici). Là où le bât blesse, c'est du côté de la composition. Indépendamment les uns des autres, les titres sont presque tous bons ; seulement, et comme souvent, ils ont une fâcheuse tendance à se ressembler et à se confondre. Ceux énoncés plus haut sont les plus originaux et reconnaissables, mais le reste tend à se fondre dans la masse, même si, encore une fois, tout est bon séparément.
Tout cela laisse à
Pyrah une marge de progression suffisante, en laissant apercevoir toutes les qualités du groupe. Pour une première expérience du full-lenght, on peut considérer que c'est bien, et presque très bien. Cela pourrait facilement les amener à signer un contrat chez une maison de disque, ce qui ne peut augurer que des bonnes choses pour l'avenir.
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