Warhead

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16/20
Nom du groupe More
Nom de l'album Warhead
Type Album
Date de parution 1981
Style MusicalNWOBHM
Membres possèdant cet album33

Tracklist

1. Warhead
2. Fire
3. Soldier
4. Depression
5. Road Rocket
6. Lord of Twilight
7. Way of the World
8. We Are the Band
9. I Have No Answers

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More


Chronique @ Hibernatus

15 Septembre 2016

Beaucoup d'anonymes héros sont morts sous les murs de Troie

Me sentant d'humeur agréablement nostalgique en ce jour, je me propose de vous narrer une expérience importante et fondatrice de ma brûlante jeunesse : ma perte de virginité. Ah, mais je discerne déjà d'égrillardes et peu équivoques lueurs dans les yeux de certains d'entre-vous : aussi me dois-je de dissiper immédiatement tout malentendu. Hors de question que je vous entretienne par le menu des premiers émois sensuels que je partageai avec une tendre petite amie, le sujet est bien trop intime. Non, il s'agit de mon dépucelage métallique, avec le tout premier groupe que je vis en live. J'en vois déjà ranger leur paquet de Kleenex et s'éloigner dépités : tant pis pour eux.

Bordeaux, 1981. En compagnie d'un copain de fac, nous nous apprêtions, frétillant d'excitation, à aller voir Saxon en concert. Comme il se doit, la déjà iconique formation se voyait précédée d'une première partie pour ouvrir les hostilités et chauffer un public qui n'en avait guère besoin. Le nom de ce tout premier groupe que je découvris sur scène tenait en quatre lettres porteuses d'ambition et d'un programme alléchant : More. Absolument inconnu de ma part à l'époque, mais cela n'a rien d'étonnant dans la mesure où je venais juste de plonger résolument dans le chaudron des sorcières.

Souvenez-vous de votre première fois : on est souvent gauche, emprunté, on commet des maladresses. Et mon camarade était tout aussi puceau que moi en la matière (du diable si je me souviens de son nom, seulement de son surnom : on l'appelait Starsky pour sa ressemblance avec l'acteur d'une série TV qui dira peut-être quelque chose aux plus croulants d'entre vous). Bref, nous allâmes bien sagement nous asseoir sur les gradins... Aïe. Voilà comment en un simple aveu ruiner le peu de considération péniblement accumulée au terme d'années de fréquentation d'un forum. Mais je le jure sur l'Huïtre Bleue, ce fut la seule et unique fois que je commis ce faux-pas : à partir de mon concert suivant (le Killers Tour!), je me jetai résolument dans la fosse aux lions.

Cette fameuse première fois... Bon, je ne prétendrai pas que la prestation de More éclipsa celle de la bande à Biff, mais elle me marqua suffisamment pour que le lendemain matin je coure rue Sainte Catherine me procurer leur album « Warhead » chez mon disquaire habituel (disquaire : pour les plus jeunes, consultez ce mot dans le dictionnaire. Heu, je veux dire, sur Wikipédia). Et je découvris que ma première fois fut aussi la leur en tant que groupe : non leur premier concert mais leur premier album, lourd des promesses dont ils m'avaient abreuvé lors de leur prestation de la veille. Des promesses que, contrevenant à toute convention littéraire, je vous annonce déjà qu'elles ne seront pas tenues. Mais qu'importe : cet album est vraiment bon et plus de trois décennies plus tard, j'y reviens toujours épisodiquement, avec le même plaisir renouvelé.

Pour simplissime qu'elle soit, la pochette a fière allure : sur un fond noir brillant se détache en motifs dorés l'élégant logo du groupe, avec en lettres blanches le titre du disque. Une sobriété classieuse, sans doute privilégiée pour l'économie, mais qui tranche avec pas mal de groupes de la NWOBHM qui optèrent alors pour des couvertures d'un goût parfois douteux. L'album fut fort bien classé dans les charts et le groupe ouvrit le festival de Donington cette même année 1981.

Le quintette britannique est composé de noms peu connus, qui ne laisseront pas de trace immortelle dans l'histoire du Metal. Il comporte deux guitaristes, pas inoubliables, mais d'un très bon niveau : Laurie Mansworth et Kenny Cox. Ce dernier, à la forte présence scénique, joue le mataMore en brandissant sa Flying V sur la photo du groupe au dos de l'album. Le batteur binoclard, Frank Darch, a un jeu très agréable, fluide et inventif. Le bassiste Brian Day est fort présent dans les compos et y apporte un indéniable plus. Seule demi-célébrité du groupe, le chanteur Paul Mario Day peut s'enorgueillir d'avoir été le premier vocaliste de la Vierge de Fer. Épisodique apparition, certes, mais on conviendra que cela ne fait pas tâche sur un CV de musicien.

La composition est collective, chaque titre étant porté au crédit de l'ensemble du groupe, et de cette collaboration fructueuse émerge une personnalité bien affirmée. Sans être complexe, la structure des morceaux n'est pas du basique couplet-refrain, mais s'agrémente de nombreux ponts et variations dans la ligne vocale. Sans avoir la hargne rustique d'un Di'Anno ou la force lyrique et l'étendue d'un Dickinson, la voix de Paul Mario Day tient un peu des deux, pas étonnant finalement que Harris l'ait embauché. Les ambiances sont ponctuellement soutenues par de judicieux renforcements choraux. Les titres sont souvent empreints d'une secrète fêlure, d'un pessimisme et d'un désespoir sous-jacent. À ce dernier détail près, et sans le génie qui se transforme ici en un « simple » talent, le groupe évoque un peu le grand Angel Witch.

La cover du disque illustre leur don de composition. Fire est la reprise d'un hit de 1968 issu du « Crazy World of Arthur Brown ». Tout en restant fidèles à l'original, nos gaillards parviennent avec aisance à transformer ce Rock énergique, mais éminemment psychédélique, en un Heavy Metal racé parfaitement d'équerre avec le reste de leur production (au passage, n'hésitez pas à découvrir sur YT la vidéo live d'Arthur Brown, elle vaut son pesant de cacahuètes).

Tout groupe de la NWOBHM se doit d'avoir un titre fusant et scintillant, et le fier et saxonien Road Rocket emporte la mise. De même, un hymne au Metal et à la joie de jouer ensemble est de rigueur : introduit par la basse, le rond et carré (je suis pas matheux, j'ai une approche spéciale de la géométrie...) We Are the Band emporte la conviction.

Après une intro plombée, le véloce Warhead nous entraîne vers des considérations plus graves et nous rappelle qu'à l'époque l'Europe était le sandwich promis à l'apocalypse nucléaire, comprimée entre une URSS surarmée et un Oncle Sam dopé aux amphétamines guerrières de Reagan : le final « Warheads end world » exprime bien la plaisante tonalité du titre. Le lourd et implacable Soldier, aéré de fort jolis leads, enfonce le clou d'un antimilitarisme alors répandu sur le vieux continent.

Après viennent les titres chargés d’amertume qui font un peu la marque de l'album. Le bien nommé Depression, peut-être le meilleur morceau, hésite entre la lourdeur initiale du riff et la trompeuse espérance que semble introduire le refrain, au milieu desquels soli et break entretiennent la confusion. Le pesant Lord of Twilight alterne aussi neurasthénie et fallacieux rebonds d'énergie. Entamé sur une bouillante intro Rock prog, I Have no Answers est plein d'allant, mais sa lumière est tempérée par le titre même de la chanson, les inflexions vocales, un jeu de basse extraordinairement expressif et les derniers mots : « it's too late ! ». Way of the World (sans doute ma préférée du disque) est de la même eau. Superbe riffing, enthousiastes développements, ça bouge bien, mais le vibrant refrain se termine sur les mots prophétiques « no future for me ».

De fait, More n'était pas appelé à un grand avenir. Les défections surviennent, un second album paraît, bien moins bon, et puis c'est la disparition. Une reformation a lieu dans les années 2000, mais ce ne sera que pour la scène et on n'y trouvera aucun des membres ayant travaillé sur ce « Warhead ». RIP, mon enthousiasmante compagne d'une première et torride soirée de Metal.

Quand l'ingrate histoire ne garde que les noms d'Achille, Hector et autres Ajax, beaucoup d'anonymes héros sont morts sous les murs de Troie. More est à leur image et mérite de voir son nom gravé sur le granit d'un monument aux morts. Humbles soutiers de la NWOBHM, ils ont, parmi tant d'autres, apporté leur petite pierre à l'édifice qui finit par constituer la masse critique d'où émergea, indestructible, la musique qui est nôtre.

10 Commentaires

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ZazPanzer - 17 Septembre 2016: Vraiment magnifique, ta conclusion Jean-Luc !
Petit frisson franchement quand tu glisses mine de rien le "indestructible" ! C'est tellement vrai.
Et oui, on s'en rappelle tous de ce dépucelage. Et on a tous fait la même chose le lendemain. Moi c'était The Almighty qui avait ouvert pour Maiden, le 14 Mai 93 à Nancy. Quelques jours plus tard j'avais dans la main et dans les oreilles leur album Powertrippin', et j'ai suivi toute la carrière de Ricky Warwick que j'adore toujours aujourd'hui...
MarkoFromMars - 19 Septembre 2016: Disque acheté rue Sainte-Catherine, si ça c'est pas de la prémonition mon Jean-Luc...
Album d'un groupe que je ne connais pas, et qui rejoint l'interminable file d'attente de ma wantlist.
Merci pour ce récit passionné et passionnant.
samolice - 20 Septembre 2016:

Merci pour la chro. J'ai appris queSuper Mario avait été le premier chanteur de Maiden. 
Contrairement à toi, c'est la pochette qui m'a souvent poussé à ne pas prendre ce disque tout au long de ces années où j'ai croisé le vinyle dans les bacs. A tort apparemment. On va y remédier, dés que ma want list me laissera un peu tranquille.

ZazPanzer - 19 Janvier 2018:

Merci Jean-Luc, je n'avais jamais entendu parler de ce groupe et sans ton texte, je n'aurais jamais eu l'idée de choper ce vinyle qui m'est passé sous la main après une côte de boeuf mémorable ! La pochette m'avait marquée : je me suis rappelé de ta chronique même après la Grappa ! Les gars n'inventent rien, mais ma foi, ils font le job avec une passion palpable et c'est fort agréable. Et puis cette prod' si typique, c'était quand même quelque chose la NWOBHM. Hail bro !

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