"- Seattle 1988-93, ça vous dit quelque chose?
-Moi, je sais: c'est le Grunge, des hobos Punks et Hardos qui balançaient du larsen sous prozac.
- Indiscutablement, il s'agit là d'un des faits musicaux majeurs des trois dernières décénnies. Ne le réduisons pas à ce trait caricatural. Quoi d'autre?
- Et bien mon cher, il semble que Queensrÿche ait vécu son heure de gloire durant cette même période.
- Cela est vrai également. Mais aujourd'hui, nous nous attacherons à une formation bien moins renommée, à savoir
War Babies, merci d'avance pour votre attention."
Le contexte est posé. Fin des des années 80, dans la cité d'Hendrix et Boeing, Brad Sinsel en a fini avec
TKO, groupe de Glam ayant gagné en puissance et en audience au fil des ans, au point d'être reconnu au côté de leurs voisins de
Metal Church. Naviguant plus où moins à vue, le gaillard fonde
War Babies, typique formation de
Hard U.S. C'est le début d'un chantier perpétuellement en mouvement: autour des fondateurs le line-up ne se stabilisera guère. Puisant le plus souvent dans les musiciens Punk et Grunge du cru,
War Babies sera longtemps uniquement un groupe de scène, une scène unique, alors en pleine gestation! Exemple parmi d'autres, Jeff Ament fera une pige à la basse mais ne ratera pas l'occasion historique de créer
Pearl Jam avec
Stone Gossard.
Signé chez Columbia, le groupe trouve la porte du studio fermée jusqu'en 1991. A cette date, les pontes de Sony décident de faire la guerre à Geffen, en transformant
War Babies en nouvel
Aerosmith. Le contrôle du processus créatif/commercial par la maison de disques se fait toutefois avec intelligence. Plutôt que de réclamer les tubes attendus sur tous les tons, la boîte offre une opportunité magique avec la co-écriture de deux des trois singles par le légendaire
Paul Stanley en personne.
Penchons-nous sur ces singles. Déboule Hang Me Up le titre d'ouverture, riff soudain et brutal, voix soutenant la comparaison d'un
Sebastian Bach, peut-être même celle de l'immense Axl
Rose. Tantôt charriant un phrasé haché à la
David Lee Roth, tantôt haut perché, Brad Sinsel est d'emblée impérial. L'autre hit potentiel bénéficiant de la participation du bon génie de
Kiss est la power-ballad
Cry Yourself To
Sleep, jolie bluette appuyée par la guitare semi-acoustique d'un Guy Lacey méritant et des choeurs offerts par tout le groupe: autant de marques évidentes de la méthode
Kiss à l'oeuvre! Blue Tomorrow, le dernier single, exempt de l'apport de Stanley, est composé comme tout le reste par Mac Mullin et Sinsel. Il s'agit d'une balade musclée, terriblement triste dédiée à la mémoire du pote Andrew Wood, chanteur de
Mother Love Bone décédé en 1990 des suites d'un shoot à l'héroïne. Proche du mouvement Grunge, Sinsel tire les conséquences de sa propension à l'autodestruction; avec raison car le pire est encore à venir...
Sortie des ritournelles destinées à passer sur MTV, In The
Wind est une belle chanson semi-acoustique, simple et portée par la frappe très soft de Richard Stuverud, étonnant batteur punk habilement reconverti. Pour le reste,
War Babies ne fait pas de quartiers. Nous sommes en terrain
Hard US calibré, ultra pro et par moments foncièrement brillant. Sea Of Madness et Sweetwater forment une sorte d'épine dorsale
Hard et Bluesy de l'album, toute à la fois solide et mélodique. Sea Of Madness a du être redoutable en concert avec son break/reprise final ouvert aux impros les plus audacieuses. La Bible a grandement inspiré Sinsel dans son écriture, évoquant Jezebel dans Sweetwater, la crucifixion dans Hang me Up où encore la Vallée de la
Mort dans Death Valley Of Love.
Les dernières charges sont toutes d'un niveau fort appréciable. Carrées, parfaitement produites, elles s'enchaînent sans temps mort.
Plus cool mais pas moins efficace,
Killing Time et son intro digne d'AC/DC renoue rapidement avec les racines Glam du groupe.
Dévoré d'une part par la concurrence des Guns,
Skid Row et autres Wasp, de l'autre par Seattle promue capitale mondiale du Grunge,
War Babies sera laché par Columbia. Le groupe connaîtra pourtant un éphémère succès en partageant de grosses affiches avec
Alice In Chains et
Soundgarden. Avec le recul, on peut regretter que l'album ne soît pas sorti deux ans plus tôt et déplorer l'anonymat total dans lequel ce groupe est tombé.
Punaise j'avais complètement oublié la participation de Paul Stanley à cet album ! Re-merci pour la Kro, François. Depuis 7 ans, ce skeud ne m'a pas lâché, je le trouve toujours aussi excellent. Super découverte.
Je ne connaissais pas non plus TKO en 2011, et j'ai depuis acheté "Let It Roll" qui est super bon, mais il s'est passé un certain temps avant que je fasse le lien avec War Babies !!! Brad Sinsel est un un sacré chanteur et je me prendrai les deux autres TKO au fil du temps, c'est certain. Par contre je ne suis pas sûr que Tommy "Gun" MacMullin ait fait partie de TKO, je n'ai pas retrouvé sa trace à part sur le WB. Encore des gars talentueux disparus corps et biens du monde de la Musique, lourdes pertes...
Hi Jocelyn! Quel plaisir de chroniquer quand tu refiles le virus d'un album... Faut donc que je vérifie pour l'éventuel passage (?) de MacMullin au sein de TKO mais une brève recherche n'a pas donné d'effets. Je crois que je vais corriger ça avant peu, alors merci. Les autres TKO sont très corrects aussi, on parle quand même d'un casting qui a vu défiler Jeff Ament ou encore un certain Adam Bomb, tiens tiens ;-) Dans l'intervalle Sinsel et Stuverud ont aussi pondu un sympatoche EP: Live It While You Can de Suicide Squad produit par le fameux Jack Endino. War Babies, un oubli énorme à la mesure du talent et de l'énergie investis dans ce projet tout simplement bouffé par une époque bénie.
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