Après un premier album remarqué mais pas totalement convainquant en 2008 et un EP en 2010,
Astral Sleep nous propose en automne
2012 son second album, intitulé
Visions.
Musicalement parlant, on a affaire à un mix entre
Doom Death et
Doom "trad" (notez les guillemets), agrémenté d'influences variées qui font une bonne partie du charme de l'album - j'y reviendrai.
On notera d'abord la place de l'aspect
Doom Death par rapport au premier opus du groupe. Alors que ce dernier était bien ancré dans ce style, malgré ses diverses excentricités, ce
Visions laisse une très grande place au chant clair au détriment du growl. Passée The
Towers, la première piste de l'album, on s'aperçoit en effet que l’utilisation des différents types de chant hurlés, quoique régulière, n'est pas majoritaire au sein de l'album. Le chant clair qui est tant mis en avant est d'ailleurs plutôt réussi. A première vue imparfait techniquement, aux intonations parfois un peu kitsch (mais de manière clairement assumée), il se révèle au fur et à mesure des écoutes parfaitement en accord avec l'identité et l'ambiance de l'album, faisant preuve d'une capacité bien réelle à transporter l'auditeur et à varier son jeu.
Car varié, l'album dans sa globalité l'est clairement, c'est même l'un de ses nombreux points forts. Mettant à profit une véritable dimension progressive, le groupe alterne au sein des morceaux les séquences diverses et variées, proposant des structures suffisamment intelligentes pour éviter toute longueur et suffisamment riches pour inscrire l’intérêt de l'album dans le long terme. Ce coté Rock progressif est vraiment un des gros points positifs, notamment parce qu'il met en valeur les différents éléments musicaux plus ou moins inattendus que l'on découvre au fil de l'écoute.
Le léger aspect Black
Metal par exemple, relativement rare au sein de l'album, est mis à profit pour créer des pics d'intensité et de folie (la fin de
Visions ou certaines parties de Channel
Sleep) qui servent de véritables points d'orgue à l'enregistrement. Le sentiment de "libération" qui se dégage de ces passages est encore accentué par l'utilisation régulière de cris extrêmement aigus qui font définitivement basculer l'album de l'autre coté de la frontière entre esprit sain et démence.. Car entre les intonations adoptées par Markus Heinonen, le chanteur, les différentes parties imbriquées les unes aux autres dans les morceaux (ce passage beau et planant qui surgit entre deux hurlements à la fin du morceau-titre !) et un travail mélodique qui surprend fréquemment, ce
Visions respire clairement la folie. Une folie maîtrisée certes, mais toutefois bien réelle..
De fait on ne sera pas surpris d'apprendre que le groupe cite en influence leur (excellent) compatriote d'
Aarni. Le one-man-band de Markus Marjomaa étant toutefois plus barré et moins cohérent que ce nouvel
Astral Sleep, j'aurais de fait personnellement plutôt tendance à rapprocher ces derniers d'
Umbra Nihil, autre formation finlandaise dans laquelle officie justement Marjomaa..
J'emploie le terme cohérent pour qualifier l'album, et c'est réellement cet élément qui en fait une vraie réussite. Malgré sa richesse, malgré ses excentricités, l'album conserve du début à la fin son ambiance onirique, entre angoisse et beauté, entre cauchemar et rêve. Les ricanements entendus au milieu du morceau Channel
Sleep en sont un excellent exemple, tant ils donnent l'impression de se trouver dans ce fameux demi-sommeil dans lequel chaque élément ou sensation venu du monde réel se retrouve déformé, répercuté en rêve. Les paroles illustrent d'ailleurs à merveille cette atmosphère, leur dimension à la fois kitsch et personnelle se retrouvant totalement dans la musique présente sur l'album.
Un très bon cru donc, soutenu par une production très adaptée (la basse notamment s’entend à merveille) et par une pochette franchement belle (et son minuscule cerf qui a un je-ne-sais-quoi de malsain). Le principal défaut au final est que l'identité générale du groupe ne plaira sans doute pas à tout le monde, bien que la qualité globale de l'album et l'aspect assez maîtrisé de sa bizarrerie aient de quoi convaincre même les personnes pas forcément attirées à la base par l'univers du groupe. Mais si l'on excepte ce détail, ce second album des Finlandais d'
Astral Sleep est vraiment un CD hautement recommandable, une réussite..
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