Il arrive parfois que, pour définir un style musical, on ne soit réduit faute de mieux qu'à citer les grandes références du genre pour que l'interlocuteur puisse à l'oreille, à défaut de pouvoir y poser des mots, reconnaître ce style au fur et à mesure que son expérience dans ce domaine croît. En effet, le seul fait de dire qu'il s'agit d'une musique rapide et violente ne suffit pas à réellement distinguer le thrash des autres styles extrêmes. Rajouter qu'il s'agit globalement d'une fusion entre punk, speed et NWOBHM est déjà plus satisfaisant mais là encore, on restreint le thrash qu'à une série d'influences, d'autant plus qu'il faut que la personne connaisse ces fameuses racines.
Alors, sachant pertinament qu'il s'agit bien plus que celà, on en finit par dépit à citer l'incontournable Big Four. Réponse convenable? Les ascendances heavy pour
Metallica, speed pour
Megadeth ou hardcore pour
Anthrax sont malgré leur génie trop importantes pour définir le thrash "pur", tandis que
Slayer a tant ouvert les portes aux musiques plus extrêmes qu'il sera dur pour un profane de ne pas se perdre dans la confusion.
Alors, qui pour représenter l'essence même du thrash? Sans réelle réponse exacte, j'en suis venu à penser avec le temps qu'il serait bon d'aller voir dans les groupes plus anonymes et peut-être plus intègre pour y trouver décente satisfaction. Tout cela pour dire que je crois en tenir un bon candidat en la personne de
Silence, avec leur unique production sorti en 1990: "
Vision".
Ces américains nous ont pondu une musique d'une intransigeance rare, extrême en termes de thrash. La frénésie ne connait ici pas de limites à l'instar d'un "Pitbull" aux crocs mélodiques. Etouffant et intense jusqu'à la moelle, les gars de Washington ont mis tous les atouts de leur côté: un époustouflant sens du riff, un batteur incontenable et un Ben Gaither au chant tranchant parfois proche d'un Osegueda des grands soirs, surtout durant "Death By Womba", qui échange avec des back vocals typés hardcore comme dans "
Dark Tide
Rising".
Même les passages en mid-tempo sont emplis d'une rage qui transparait car impossible à contenir. "
Voice Of The Pariah" qui semble tenir lieu de ballade ne tient réellement pas en place très longtemps avant les chevaux ne soient lâchés à nouveau. Le détail qui tue sur ce domaine advient lors de l'interlude mélodique de la piste de clôture "Necromantic" durant lequel un gros riff claque subrepticement, comme par maladresse, nous prenant subitement complètement au dépourvu.
Le talent et l'originalité sont là, indéniables, et s'expriment avec doigté également au moment des solis inspirés, notamment celui opérant dans "
Echoes Of
Damnation", qui s'allient dans un adroit contraste avec un son de batterie sourd et creux, et cela particulièrement durant les tapis de bombes de "Living
Hypocrisy".
L'autre grand atout est indiscutablement sa richesse. Bien qu'une écoute distraite pourrait laisser penser à une linéarité fastidieuse; car tout le long de ce copieux album est abilement maintenue une identité bien affirmée via ce thrash intraitable et ce délicieux son grésillant; une écoute consciencieuse démontrera des innombrables variations dont John Mayes le batteur en est le principal instigateur. L'introductif et éponyme "
Vision" vous en convaincra.
De ces variations induit une certain longueur. En effet, comme le prouvent des titres comme "Living
Hypocrisy", "
Path Of Uncertainty" ou encore "Necromantic",
Silence a besoin de faire durer pour développer ses idées et ainsi prend le temps de le faire. Cet album est donc long au regard de son intensité. Près d'une heure d'un thrash aux bords du paroxysme, on n'en sort pas indemne.
"
Vision" de
Silence est donc un album de thrash dans la plus pure règle de l'art, exhaltant les principales qualités du style. Incompréhensiblement anonyme, il est de ces albums qui nous font croire que le thrash ne pourra jamais mourrir. Que cela soit dit, il s'agit ici d'une tuerie qui pourrait bien bouleverser votre hiérarchie de classiques thrash.
Putain faut que je trouve ça ! Ta chronique donne trop envie ! Merci pour la découverte, il serait temps....:-/
Depuis que j'ai reçu la réédition de l'album, je n'arrête pas de l'écouter...Vraiment très bien foutu ce skeud...Leur démo 3 titres de 1992 (inclus en bonustrack dans la réédition) est du même acabit que l'album....Au vu de la qualité de l'ensemble, on se demande bien comment ça a pu rester sous les radars aussi longtemps....
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