Sunscourge, Sunscourge, Sunscourge
Il paraît que lorsqu’on l’appelle trois fois, la pièce refroidit d’un coup.
Pas brutalement non. Lentement. Insidieusement. Comme si quelqu’un, ou quelque chose, se glissait entre les murs pour écouter.
Les lumières vacillent.
Les chandelles frémissent.
Le sol respire.
Et soudain, l’air se met à vibrer : guttural, abyssal, écrasé sous le poids d’un orchestre spectral.
Pas un simple orchestre, un cortège funéraire solennel dans son avancée. Dans ce chaos orchestré, les claviers rugissent comme des vents de cimetière, les blasts s’abattent comme des coups sourds qui résonnent dans les entrailles d’une crypte oubliée et les riffs se dressent comme des colonnes de tombes qui franchissent l’horizon.
Car Sunscourge n’est pas un groupe, oh non.
C’est une incantation blackened deathcore symphonique, une liturgie nocturne sculptée dans la fureur et la noirceur. Un projet né d’esprits qui ne rêvent qu’en noir, porté par des voix capables de fissurer le royaume des vivants et de réveiller les morts.
Et comme dans tout rituel, il y a un moment où l’invocation prend forme, un premier envoûtement du nom de
Veiled Occult Mysticism. L’album, composé de six titres seulement, n’est pas une succession de chansons mais un cercle de sortilèges sonores où chacun ouvre une porte vers des lieux glaciaux et hantés. La formation mobilise sur sa toile un spectacle de l’ombre plutôt que des effets gores superficiels. Chaque morceau instaure une atmosphère « à toucher, à sentir » comme un voile humide de brouillard qui glisse sur la peau ou un murmure sous un plancher grinçant. Il y a un véritable fil narratif puisqu’on ne traverse pas seulement des chansons mais on s’enfonce dans un paysage ténébreux où violence et minutie orchestrale s’entrelacent pour créer une immersion totale, troublante et hypnotique.
Dans ces cérémonies obscures, certaines illustrent particulièrement la puissance et la profondeur de l’opus. Sur
Hunter of the Freezing
Lake, la combinaison de riffs mordants, de blastsbeats percutants et d’orchestrations inhospitalières transporte l’auditeur au cœur d’une traque nocturne où la brume s’épaissit et étouffe la respiration jusqu’à la suffocation. The
Corpse Wax Haunting déploie une atmosphère encore plus cérémonielle entre riffing corpulent, nappes de claviers sinistres et breaks pesants qui développent le sentiment d’être dans un manoir abandonné. Les gutturaux résonnent comme des échos de présences invisibles, tandis que les arrangements orchestraux accentuent l’impression de vastes pièces vides où la mort semble rôder. Quant à
Nocturnal Revelation, elle concentre toute la fureur et la majesté de l’album dans un tourbillon tonitruant, où riffs acérés et impitoyables s’élancent au cœur de couches orchestrales inquiétantes, tandis que les vocaux imposent leur souveraineté dans un climat angoissant.
Les enregistrements brillent par plusieurs aspects indéniables. Les prestations vocales, variées et expressives, restent toujours justes dans cet esprit de peur, de cruauté et de mystère que le trio américain instille. Certains riffs ciselés et robustes renforcent l’atmosphère morose et oppressante, tandis que les breakdowns apportent une agressivité bienvenue au cœur d’un climat cafardeux. Chaque élément, du souffle guttural aux nappes orchestrales, contribue à créer un univers sonore cohérent et immersif qui saisit l’auditeur à chaque instant.
Cependant, les compositions ne sont pas exemptes de limites. La production accorde une place trop prépondérante à la batterie, parfois au détriment de la subtilité des orchestrations et de certains détails instrumentaux. Dans l’ensemble assez longues, les compositions recyclent parfois le même riffing jusqu’à l’excès, et l’écriture, bien que soignée, manque de stupéfaction. La structure des morceaux demeure un peu trop classique et prévisible, ce qui donne à l’ensemble un côté « propre » qui peut réduire l’effet de tension ou de frisson sur la durée.
Veiled Occult Mysticism pourrait s’apparenter à une nuit d’
Halloween particulièrement froide et mystérieuse où les ombres sont intenses, l’atmosphère captivante mais où tout n’est pas parfaitement harmonisé. Les orchestrations et les prestations vocales réussissent à instaurer un climat étouffant et fascinant, mais la production étouffe parfois leurs subtilités, la faute à des percussions trop autoritaires. De même, si les décors et les frissons sont présents, certains passages manquent de théâtralité ou de véritable danger. L’audace reste limitée et la frayeur jamais totalement inattendue mais l’expérience demeure tout de même solide et immersive, ce qui devrait permettre aux amateurs de blackened deathcore symphonique de quoi ressentir quelques sueurs froides.
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