En 2015,
Ending avait laissé une traînée de poudre et de sang dans l’underground suédois, révélant
Grá, combo black metal de Stockholm emmené par Heljarmadr et Niantiel, mercenaires incontournables de la scène black locale.
Trois ans plus tard, voilà le quatuor qui revient sur
Carnal Records pour son troisième album,
Väsen, à la pochette qui annonce explicitement la thématique de ces 41 minutes de musique. D’entrée, Till Sörjerskorna nous explose à la gueule comme un obus, boosté par une batterie rapide et mécanique qui envoie des rafales meurtrières ainsi que des riffs tranchants et lancinants qui taillent dans les chairs comme des lames rouillées. Le groupe enchaîne blasts destructeurs et passages plus lents, histoire de varier les souffrances et de faire durer l’agonie, et le tout est rehaussé par le chant profond et aliéné d’Heljarmadr, aux vocalises très expressives. Ces 4,08 minutes font très mal et nous plongent sans préambule dans un monde d’apocalypse.
King of
Decay ne va pas arranger les choses, envoyant une pléthore de riffs tournoyants et sifflants comme des balles, alimentés par le feu nourri de la batterie qui tient un rythme impitoyable. Ceci dit, encore une fois, le groupe alterne passages calmes où les guitares se font traînantes et moments de folie meurtrière pour un résultat à la fois violent, triste et poignant.
Hveðrungs Mær est un titre plus mélancolique et s’ouvre sur des chœurs funestes, quelques notes de piano et une narration triste et chuchotée avant de se fendre d’un riff simple à l’émotion brute qui nous hypnotise. Si le titre dégage des harmonies étrangement mélodiques pour le groupe, le mid tempo est cadencé avec une régularité militaire fatale, et les arpèges dissonants et glaciaux qui résonnent, portés par ces chœurs dramatiques, semblent ressusciter les fantômes du champ de bataille. Le titre suivant,
Krig, nous montre la guerre sous son aspect le plus décharné, déroulant sous nos yeux une plaine dévastée et fumante encombrée de cadavres déchiquetés et de corps agonisants. Le morceau est lent, long, étirant les plaintes de ses guitares proches d’un DSBM et faisant rouler ses notes dans l’immensité rougeoyante d’un ciel de plomb. La douleur, le vide (ce moment où les instruments s’arrêtent à 1,20 minutes, rendant le malaise palpable), la perte, l’horreur dans toute sa nudité (le sample à 2,46 minutes est éloquent…) fusionnent en une valse funèbre dont les notes nous hantent, se répétant inlassablement, comme portées par le chant arraché de Heljarmadr.
Avec
Väsen,
Grá poursuit le périple musical amorcé sur
Ending mais avec une approche plus moderne, délivrant des titres très travaillés. L’ambiance est toujours aussi noire et vénéneuse (
Krig, Gjallahorn, The
Devil’s Tribe), renforcée de nombreux effets (quelques boucles électroniques discrètes sur Till Sörjerskorna, de nombreux chœurs, des claviers à l’ambiance fantomatique sur
King of
Decay ou The
Devil’s Tribe), et les passages explosifs n’en ressortent que mieux (la fin incroyable de
Dead Old Eyes avec ce gros blast et cette guitare folle qui crache une myriade de notes de feu).
En définitive, voilà encore un excellent album de black metal empreint de violence, de haine, de souffrance, de noirceur, de tristesse et de désolation qui devrait ravir les amateurs de malaise musical. Un album à l’image de notre monde finalement. Il n’y a plus qu’à espérer une chose, c’est que lorsque la Troisième Guerre Mondiale éclatera, les Suédois seront de note côté…
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