La Laponie, le pays des rennes et du Père Noël, dit-on. Endroit reculé et glacé, éloigné des centres urbains et de la "civilisation", où s'illustre parfois autre chose que des pêcheurs de harengs. Le rural, l'homme de la périphérie est perçu par le "civilisé" comme un abruti, un sauvage brutal et mal-odorant. L'heure est pourtant à la revanche de ce perfide. Et jamais la périphérie n'aura autant mis à mal les grands centres "utiles" de la société. "
Utmarken" en est le version suédoise et musicale. D'ailleurs "
Utmarken" signifie en suédois "zones périphériques", désignant par ce biais la contrée d'origine de la formation, dans le nord-est lapon de la Suède. C'est dans cet endroit que Mathias Gyllengahm s'est ressourcé et avait imaginé ce qui allait devenir "
Utmarken". On était alors en
2012. Le groupe dans lequel il sera chanteur va s’appeler "Norrsinnt" avant de prendre sa dénomination actuelle et débutera officiellement avec un line-up complet sous le nouveau nom en mars 2015. Le projet intéresse le label Einheit Produktionen, spécialisé dans le folk et le pagan metal, et un album éponyme va vite voir le jour. Après le choc de "La France Périphérique" de Christophe Guilluy, voici la Suède périphérique d'"
Utmarken".
Que faut-il retenir de cette pièce? Tout d'abord la multiplicité des approches et des influences. Si "Strömkarlens Son" s'illustre par un folk metal assez sobre, avec un rythme ballottant, laissant peu de champ à la guitare et davantage au chant, on est surpris par ce qui succède à ce morceau. Après une entame chatoyante à la nyckelharpa, s'assimilant à là à du violon, "Välkommen till Norrland" opère un tournant complètement inattendu. "
Utmarken" adopte une dimension épique et le chant de Mathias copie celui de Fabio Leone. Vous l'aurez compris, on bascule alors dans du "
Rhapsody" de première classe. Mais un "
Rhapsody" à l'ancienne, touchant du doigt les premières réalisations de la prestigieuse formation italienne. Et ce morceau n'est pas le seul de la galette à puiser dans cette influence: on la remarque plus après à travers "Dråparen", un poil moins pertinent; par touches derechef dans "Norrland är Mörkt nog Ändå", bien que celui-là conserve une nature très folklorique. Et il fut encore souligner un chant rudement manié.
"
Utmarken" n'est pas cantonné à la musique épique, il sait se montrer rude et grave, comme le montre "En Stadig Puls", qui semble vouloir entretenir des liens avec le compatriote "
Fejd". La rythmique par à coups semble pourtant moins réussir au groupe. ça devient même monotone sur "Yxtid" où le chant se découvre en retrait. Avec un supplément de percussions et des riffs plus appuyés comme avec "Vintern", ça s'avère néanmoins plus accrocheur. Surtout avec un chant et des claviers en première ligne. Nous retrouvons de nouveau une ambiance quelque peu morose avec "Regnet Faller". la pesanteur est cependant diluée, et cela alterne avec des phases au piano sur le refrain et plus enthousiastes, surtout en seconde partie de piste. On comprend ici que les suédois vise à enrichir l'opus par des approches et des tons différents.
Il est assez étonnant de voir "
Utmarken" prendre momentanément des airs de "
Dalriada". Peut-être à cause du jeu à la nyckelharpa, qui se révèle très champêtre dans ses mélodies. Nous en avons un exemple à travers "Till Skogs" où nous avons une belle dualité entre les percussions d'une part et la nyckelharpa de l'autre. Le titre est aussi intéressant pour un solo de guitare rafraîchissant et remarquablement exécuté. On aurait pu croire voir partir "Häxkonst" dans une orientation similaire. Son entame se rapproche encore là de "
Dalriada", mais le chant, les claviers et les chœurs vont s'en détourner pour nous produire un récital proche de celui que l'on peut entendre sur "How
Far to
Asgaard" de "Týr". C'est une vraie copie que ce qu'ont pu produire les féroïens. En plus de ceux-là s'incruste dans l'ouvrage deux ballades: une, solennelle, affichant des mélodies avec beaucoup de retenue ("Tystnadens Röst"), l'autre plus ascensionnelle, avec une bonne performance du chanteur ("Bleka Toner").
Comme vous pouvez vous rendre compte, cet album éponyme est très riche. Même si on compte sur des titres d'assez faible durée, ce qui pêche parfois, les diverses influences sont dans l'ensemble assez correctement remaniées. On peut aussi relever quelques réalisations très réussies à l'image de "Välkommen till Norrland" ayant adoptée une tournure épique et Rhapsodienne, qui n'est bien sûr pas le lot de l'entière production. Le groupe ne tire probablement pas son entier potentiel, notamment à ce que l'on retient de la performance des guitaristes. Néanmoins, il n'y a rien à redire de celle de Mathias, aussi efficace au chant qu'à la nyckelharpa. "
Utmarken" fait une première sortie intéressante, bien qu'assez mal desservie par la couverture de l'opus, un peu mesquine et minimaliste compte tenu de l'effort. Après avoir digérer leurs influences éparses, "
Utmarken" pourra se mettre en chasse dans l'espoir de ramener des trophées.
15/20
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