L'histoire de certaines formations est loin de s'apparenter à un long fleuve tranquille, dont celle de ce combo, alors baptisé BlueBlood, en 1998, sous la seule impulsion du compositeur et guitariste Eric ''Stormblade'' Poon. En effet, après la réalisation, dans la foulée, d'une discrète démo, BlueBlood se nommera
Silent Angel, qui, en 2000, interrompra subitement son projet. Si toute perspective de reprise semblait alors définitivement avortée, ce serait occulter l'indéfectible détermination du maître d'œuvre à en poursuivre l'entreprise !
Aussi, suite à une période de latence d'une quinzaine d'années, Eric sollicitera quelques musiciens pour la sortie, en 2015, d'un EP 5 titres dénommé «
Descent of Angels ». Occasion sera alors donnée au groupe de se voir diffusé en radio, notamment aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Italie, en Australie et au Canada, et de gagner ainsi en notoriété médiatique. Aussi fut-il mis en vedette à la station de radio canadienne Q108 Kingston, où il fut classé en 2015 et en 2016 dans le top 50 des groupes parmi les plus demandés, aux côtés de pointures telles que
Halestorm et
Impellitteri. Boosté par de telles retombées médiatiques mais faisant montre d'infinies précautions, le combo entrera en studio, deux ans plus tard, pour les sessions d'enregistrement de son premier et présent album studio, «
Unyielding, Unrelenting », soit quelque cinq années avant sa parution effective ! Prudence est mère de sûreté, dit-on...
Après un remaniement de son équipe, au sein de laquelle officiaient les chanteuses Victoria K et Alice Bejinski ainsi que le claviériste John Kean, Eric compte désormais sur les talents conjugués de : la soprano italienne Claudia Beltrame (Degrees Of Truth, ex-
Holy Shire) et la chanteuse malaisienne aux rocailleuses impulsions Gracie Shona, en qualité de frontwomen ; Mohd ''Dauz'' Firdaus (V) à la basse ; Pae Sembah Bumi (Mpire, ex-
XPDC) à la batterie. De cette étroite collaboration, et avec le concours, pour l'occasion, du claviériste Char, naît un propos metal power mélodico-symphonique aussi pulsionnel et rayonnant qu'empreint de délicatesse, dont les sources d'influence seraient à chercher du côté d'
Ancient Bards,
Battle Beast, Degrees Of Truth,
Nightwish,
Temperance,
Frozen Crown et
Edenbridge, la touche personnelle en prime.
Enregistrées, mixées et mastérisées au RK39 Productions, les 44 optimales minutes de la rondelle jouissent d'une production d'ensemble de fort bonne facture, à commencer par une qualité d'enregistrement difficile à prendre en défaut et des finitions passées au crible. Témoignant parallèlement d'une technicité instrumentale et vocale parfaitement maîtrisée et d'une féconde inspiration mélodique de ses auteurs, ce set de 10 partitions signé chez le puissant label italien Rockshot Records disposerait d'armes suffisamment affûtées pour espérer maintenir l'âpre concurrence dont ce registre metal continue de faire l'objet. De quoi nous intimer d'aller explorer plus attentivement les entrailles du vaisseau amiral...
Comme souvent dans ce registre, c'est sur un instrumental symphonico-cinématique et progressif, aux arrangements orchestraux d'inspiration ''nightwishienne'', que le rideau s'ouvre ; ainsi, « Unyielding
Spirit » se présente telle une poignante entame voguant sur d'ondoyantes nappes synthétiques et qui, peu à peu, ouvre ses ailes pour laisser place à un fin legato à la lead guitare. Mais l'arbre, aussi majestueux soit-il, ne saurait cacher longtemps la forêt...
Le combo nous projette volontiers sur une terre de lave en fusion, non sans laisser quelques traces indélébiles dans les mémoires de ceux qui y auront plongé le pavillon. Ce qu'atteste, en premier lieu, le tempétueux «
Against the Tides », up tempo aux riffs corrosifs, au carrefour entre
Battle Beast et Degrees Of Truth, qui, au regard de ses virulents et inaltérables coups de boutoir, poussera à un headbang bien senti ; mis en exergue par deux sirènes bien habitées et en parfaite complémentarité – les frissonnantes envolées lyriques de l'une répondant point pour point aux attaques graveleuses de l'autre –, et recelant un flamboyant solo de guitare décoché à mi-morceau, le ''tubesque'' effort ne se quittera qu'à regret. De même, eu égard à ses sémillants arpèges d'accords et à son énergie aisément communicative, et non sans renvoyer à
Frozen Crown, le diluvien « When
Dusk Meets
Dawn » ne lâchera pas se proie d'un iota. Enfin, c'est sans ambages que s'imposeront à nous les truculentes séries de notes abreuvant «
Twilight of the
Black Rose » ; octroyant de saisissants effets de contraste rythmique, un pont techniciste bien amené et des plus grisants, et d'une confondante fluidité mélodique, ce mid/up tempo aux airs d'une corpulente fresque power mélodique constituerait le masterpiece de l'opus. Mais le magicien aurait encore d'autres tours dans sa manche en réserve...
Moins directement orientés vers les charts, d'autres pistes de cet acabit ne sauraient davantage être éludées. A commencer par le sanguin « A
Destiny in Shadows » qui, non sans rappeler corrélativement
Ancient Bards et
Frozen Crown, n'a de cesse de nous asséner ses saillants coups d'olives tout en sauvegardant une mélodicité toute de fines nuances cousue qu'empruntent nos deux prédatrices patentées. Dans cette énergie, on retiendra également les trépidants et ''temperanciens'' «
Aurora’s
Dream » et « Descent into
Infinity », et ce, au regard de leurs riffs crochetés adossés à une frondeuse rythmique et de leurs enchaînements intra piste ultra sécurisés. A mi-chemin entre
Battle Beast et
Ancient Bards s'immisce non moins l'échevelant «
Angel Rising », qui, eu égard à ses riffs en tirs en rafale, à ses folles embardées percussives et à son vibrant solo de guitare, n'aura pas tari d'armes efficaces pour asseoir sa défense.
Quand le convoi instrumental ralentit un tantinet sa cadence, la troupe parvient d'un battement de cils à nous rallier à sa cause. Aussi ne mettra-t-on qu'une poignée de secondes pour se voir étreint par l'émotion sous le joug du seyant paysage de notes nourrissant « Tears of Celestine », mid tempo dans la veine coalisée de
Temperance et de
Frozen Crown. Mis en habits de lumière par les chatoyantes oscillations de deux interprètes au faîte de leur art et pourvu d'un éblouissant solo de guitare, que n'aurait nullement occulté
Lanvall (
Edenbridge), ce hit en puissance poussera assurément à une remise en selle sitôt l'ultime mesure envolée.
Lorsque le lumières se font tamisées, toute tension s'évanouira d'un coup d'un seul, nos compères nous livrant par là-même leurs mots bleus les plus sensibles. Ce qu'illustre «
Through Selene’s
Eyes », ballade romantique jusqu'au bout des ongles et aux airs d'un slow qui emballe, que n'auraient sans doute reniée ni
Temperance ni
Battle Beast. Mis en habits de soie par nos deux maîtresses de cérémonie, couplets finement ciselés et fondants refrains glisseront avec célérité dans nos tympans alanguis. Se chargeant en émotion au fil de sa progression, l'instant privilégié comblera assurément l'aficionado de moments tamisés.
Au terme d'une traversée aussi palpitante que tumultueuse, un doux sentiment de plénitude en vient à nous gagner. Variant ses exercices de style à l'envi mais également ses phases rythmiques et ses lignes de chant, – les empreintes des deux frontwomen s'avérant alors complémentaires et en parfaite osmose – et jouissant d'une ingénierie du son en béton armé, la goûteuse galette se suit de bout en bout sans encombre. Si ses sources d'influence semblent dores et déjà digérées, il conviendra encore que le combo consente à l'une ou l'autre prise de risque s'il souhaite tenir à distance ses challengers, toujours plus nombreux à affluer dans cette arène. Cependant, les qualités compositionnelles dont cet élan s'en fait l'écho comme les talents et l'expérience de ses membres sauront faire la différence. Ainsi se dessine un premier mouvement aussi éruptif que corrosif et d'une rare intensité émotionnelle, susceptible de placer la troupe parmi les valeurs montantes de cet espace metal. Bref, un groupe qui a le vent en poupe...
Mon banquier me signale qu'il t'a mis sur sa liste noire!
Trêve de plaisanterie, merci pour cette nouvelle découverte et pour cette chronique (magnifiquement écrite comme d'habitude). C'est vraiment dans mon style de prédilection! Je me réjouis d'avance d'écouter cette merveille!
Merci pour ton retour! J'espère que ce premier album studio saura te combler autant qu'il m'a impressionné non seulement en termes de technicité instrumentale et d'inspiration mélodique mais aussi au regard de la qualité de sa production d'ensemble. Difficile également de résister à l'appel de ces deux déesses aux empreintes vocales aussi complémentaires que touchantes... Bref, encore une belle surprise de cette fin d'année!
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