Comme certains l'auront sans doute noté, depuis maintenant quatre ou cinq ans, le
Metal Symphonique, en général, le Heavy Symphonique, en particulier, bat son plein. En effet, ces derniers temps, de nombreuses formations nous ont sorti des galettes d'excellente facture, à l'image de
Nightwish,
Delain,
Amberian Dawn ou encore Leave's
Eyes, entre autres. Dans ce registre, Enferia tente, lui aussi, d'apporter sa pierre à l'édifice, à l'aune d'un premier album full-length, faisant également office de première production du groupe.
Formé en 2013, sous la houlette du chanteur
Jonas Klingstedt et du guitariste Erik Waldemarson, ce quintet venu de Hultsfred, en Suède, nous pond ainsi un initial opus dispensant quelques huit titres pour une durée d'écoute n'excédant guère trente-sept minutes, quelques mois à peine après sa création. Enregistrée par Lars Broddesson aux Twisting
Serpent Studios, cette auto-production n'a pas à démériter quant à la qualité du son généré. Cependant, les finitions et le mixage ont du mal à convaincre, mettant trop en avant le chant et les guitares, faisant de ce fait souffrir le rendu global d'un certain manque de puissance. Cruelle désillusion qu'est l'inexpérience...et pourtant! Celle-ci laisse paradoxalement un espoir pour la suite, si suite il y a. Je m'explique.
Rien qu'aux premières notes de la très brève et bien-nommée « intro », un mauvais pressentiment ne tarde pas à nous gagner. Un entêtant tic-tac d'horloge vient supplanter un « gribouillage sonore », avant qu'une voix d'un affligeant rendu sombre et philosophique ne nous annonce le début de l'album. Peur, toi qui nous tient... Malgré cela, "
End Inanity" nous rallume une mèche déjà quasiment éteinte, commençant par une lead guitare, si l'on ne peut parler de virtuosité, nous annonçant néanmoins une couleur moins terne de par un court et sympathique solo. Mais, à peine arrivé, aussitôt reparti... Pire encore, la maigre flamme de la bougie est littéralement soufflée par le chant. Celui-ci, kitsch à souhait, apparaissant sans signature, ni profondeur, a une fâcheuse tendance au chevrotage, nous faisant penser, sur certains passages, à du Claude François, la justesse en moins. Du Claude François...
Mais, ne nous y trompons pas. La ligne de chant n'est pas aussi inconsistante que d'aucuns auraient été tentés de considérer, dont votre humble serviteur. C'est que la surprise octroyée par les modulations de l'organe de
Jonas sur "
End Inanity" est telle qu'on ne s'en départit pas avant une bonne partie de l'album. Cependant, nous sommes face à une tentative infructueuse d'égaler un
Bruce Dickinson, notamment au regard de trop fréquentes montées dans les aigus. Cette manière d'utiliser la partie vocale serait donc l'un des principaux défauts de cet opus. Et s'il n'y avait que ça... En effet, d'inspiration heavy symphonique, l'orchestration, pour sa part, n'aide pas le rendu global à se hisser vers le haut. Pour preuve, on retrouve une batterie assez molle, largement sous-exploitée, des guitares en mode power cord continuel ("
Angel of
Hate") ou encore des claviers d'une affligeante niaiserie, faisant passer ceux de
Dimmu Borgir sur
Enthrone Darkness Triumphant pour les plus épiques qui soient. En témoignent, entre autres, "
Pathfinder" et "
In Vain Mind".
Pourtant, tout n'est pas à déconsidérer dans cette œuvre. En effet, on perçoit une belle et surprenante coloration atmosphérique inhérente à certains compartiments de l'opus. Ce que nous propose le combo, à l'image d'une aisance avérée à varier les ambiances, comme on peut s'en rendre compte sur "
Dreamcatcher". Toutefois, tant de qualités sont, hélas, atténuées par une sempiternelle répétition du riffing, conférant, de fait, une linéarité quasi soporifique aux titres, malgré leur rythme sautillant apparent ("
Angel of
Hate"). De plus, l'empreinte vocale de
Jonas ne contribue qu'imparfaitement à apporter quelques changements à un ensemble assez terne, au final. Sacré
Jonas !
Pas même les soli, au demeurant peu inspirés et surtout trop brefs pour nous encenser, ne sauveront cette production du naufrage.
On pourrait ainsi se dire, une fois "Keeper of Souls" passée, dont le made in Maiden est flagrant, que l'on a déjà tout vu. On serait alors tenté de penser que les trois compos restantes nous proposeront également leur lot de refrains mièvres, d'instrumentations sans substances et simplistes. On ferait fausse route... En effet, l'arrivée de "
Pandemonium" nous prend totalement à contre-pied. Dotée d'une atmosphère plus sombre et sensiblement plus épique, du fait d'ensembles plus lourds et graves, cette piste retient l'attention. Jouissive atmosphère que l'on retrouvera dans les deux titres suivants («
Pathfinder » et «
In Vain Mind »), malgré les carences techniques plus haut relevées. La voix de
Jonas s'adapte bien mieux à ce changement d'ambiance et dont le vibrato s'avère être moins gênant qu'avant. Cela pourrait être assez impromptu, voire même improbable, et pourtant les claviers retrouvés sur ces trois dernières compositions pourraient tout à fait figurer sur un album de
Power Sympho à la
Angra ou
Pathfinder (incroyable), compte tenu de l'apparente inconsistance qui semble auparavant se dégager.
Au final, compte tenu de ces irrégularités qui nous feraient hésiter à nous immerger dans cette offrande, que peut-on en retenir, au juste ? Sans être exemptes de défauts, "
Pandemonium", "
Pathfinder", dont la lead guitare nous tire quelque peu de notre torpeur et "
In Vain Mind", dont le côté plus "extrême" se retrouve sous la forme d'une voix à la limite du growl et bien plus imposante que celle de l'Intro, valent quasiment à elles seules la note de cet opus. Sera-ce bien suffisant pour se laisser sustenter ?
Pas si sûr... L'écoute de cette œuvre éminemment tiède et sans réelle originalité peut donner le sentiment qu'Enferia n'a pas pu, ou su, nous retenir bien longtemps, le temps passé à écouter cette galette étant apparu pesant, eux qui, justement, pensaient pouvoir le maîtriser !
Nous livrant ainsi un album musicalement peu palpitant, imprécis dans le déroulé de ses accords, mélodiquement peu prégnant, et, sommes toutes, relativement discutable sur le plan vocal, on pourra passer notre chemin, sans trop de regrets. Pour parachever le bien-fondé de cette démonstration, des trois derniers titres, on pourra en conclure que
Jonas et ses compères se sont ni plus, ni moins, fourvoyés sur le plan stylistique. En effet, un Heavy
Metal (voire
Power Metal) plus sombre, plus racé, leur siérait bien mieux, et aurait mis en valeur des passages non sans mérites, mais qui, en l'état, magnétiseraient bien peu d'oreilles, expertes ou non. Seule l'inexpérience de nos acolytes leur octroie mon pardon.
La prochaine fois, il leur faudra tirer un trait sur ce Heavy
Metal mièvre, sans épaisseur artistique, pour l'emporter. Ce qui laissera tout le loisir à
Jonas de travailler ses vocalises, d'améliorer sa technique et d'étoffer ses lignes de chant. Qu'ils prennent leur temps d’asseoir un supplément de maturité à leurs compositions et la pilule passera certainement mieux. Du moins, on ne peut que le leur souhaiter...
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