Nouvelle figure du heavy mélodique à chant féminin, ce sextet espagnol originaire de Valence, fondé par le guitariste Adrián Bochons Zorrilla en 2023, entend, légitimement, essaimer ses riffs au-delà des frontières par trop limitatives de sa terre ibérique natale.
Toutefois, conscients des enjeux et des risques courus à se lancer tout de go dans l'arène, nos valeureux gladiateurs se sont précisément laissés le temps nécessaire au peaufinage de leurs mesures et à l'affûtage de leur production d'ensemble avant d'y faire une incursion. Aussi, aux fins d'un travail en studio des plus minutieux, le collectif ibérique nous fera patienter quelque deux années avant de nous livrer son introductif et présent élan, du nom de « Una Parte de Mi » ; une auto-production où s'égrainent neuf pistes – dont huit entonnées dans la langue de Cervantes – sur un ruban auditif de près de 41 minutes. Ce faisant, nos six belligérants seraient-ils en mesure d'opposer une farouche résistance face à leurs homologues, toujours plus nombreux à affluer, et ce, au point de rejoindre dès lors les sérieux espoirs d'un registre metal qui ne les aura pas nécessairement attendus ?
Dans ce dessein, Adrián a prestement sollicité les talents des deux sœurs jumelles
Carmen et Marga Mayans López au chant principal et aux claviers, d' Ángel Sánchez
Ortega (
Profecia) à la lead guitare, de Mike Martínez Delicado à la basse et d' Iván Santisteban
Jiménez derrière les fûts. Le groupe ainsi constitué nous plonge au cœur d'un heavy mélodique aux relents gothico-symphoniques et progressifs, dans la veine coalisée de
Fortaleza,
Anabantha,
Nostra Morte,
Against Myself et consorts. Une œuvre à la fois volontiers rugissante, souvent frénétique, un brin épique, à la chatoyante touche hispanique, et surmontée d'un duo féminin en voix claires non lyriques et des plus troublants, s'offre à nous.
Pour mettre les petits plats dans les grands, ce premier élan bénéficie d'une ingénierie du son plutôt soignée : produit par Enrique Mompó (pluri-instrumentiste (
Gigatron,
Opera Magna) et producteur (
Astral Experience, Knights Of
Blood, Lèpoka,
Phoenix Rising,
Sylvania...) de son état), mixé et mastérisé, tout comme pour Abäk et La
Leyenda De Eva, par Fernando Aslanz, l'opus témoigne non seulement d'une péréquation de l'espace sonore entre lignes de chant et instrumentation mais aussi de finitions passées au crible. Mais embarquons sans plus attendre à bord du navire, pour une croisière que l'on souhaite ponctuée de quelques terres d'abondance...
Si c'est tout en douceur que démarre notre périple, à l'instar de « El Despertar » – pièce instrumentale cinématico-progressive sous-tendue par un fin picking à la guitare flamenco et par des arrangements orchestraux de bonne facture –, l'arbre, aussi majestueux soit-il, ne saurait cacher la forêt bien longtemps...
Et c'est précisément sur des charbons ardents que nous projettent le plus souvent nos acolytes, non sans nous aspirer, et d'un battement d'ailes, dans la tourmente. Ce qu'attestent, tout d'abord, les chevaleresques et ''fortaleziens'' up tempi « Ánima » et «
Inmortal », eu égard à la ferveur de leur groove et à leurs enchaînements intra pistes ultra sécurisés ; portés par un duo en parfaite harmonie, recelant chacun un pont techniciste bien amené – duquel jaillit un fringant solo de guitare – ainsi qu'un vibrant final en crescendo, ces deux invitants propos ne se quitteront qu'à regret.
Un poil plus complexes, voire tortueuses, mais guère moins exaltées ni moins liantes, d'autres pistes pourront à leur tour nous retenir, un peu malgré nous. Ce à quoi nous sensibilise, en premier lieu, le trépidant et '''anabanthien'' « Carpe Diem », qui, à la lumière de ses grisantes accélérations et à ses hispanisants harmoniques, génère une énergie aisément communicative. Dans cette mouvance, on ne saurait davantage éluder le fougueux « Alcohol » au regard de ses inaltérables et saillants coups de boutoir et à ses truculentes séquences d'accords, où se greffent les chatoyantes empreintes oratoires des deux sirènes. Un headbang bien senti et quasi ininterrompu sera également de mise sur le rageur «
Sin Perdón de Dios », en dépit d'une sente mélodique en proie à quelque linéarité.
Quand il se plait à varier ses phases rythmiques à l'envi, le combo espagnol parvient non moins à nous prendre dans ses filets. Ce que révèle, d'une part, «
Una Parte de Mí », épique et théâtralisante fresque symphonico-progressive dans la veine coalisée d'
Against Myself et de
Fortaleza ; au fil de ses 6:09 minutes d'un parcours aussi chaotique qu'avenant, délivrant une sente mélodique des plus enivrantes, décochant parallèlement d'inattendues montée en régime du corps orchestral et mis en habits de lumière par les fluides oscillations nos deux déesses, le luxuriant méfait n'aura pas tari d'armes efficaces pour asseoir sa défense.
Plus encore, l'emphatique et hispanisant « Nada Que Recordar » déroule ses 6:26 minutes d'une traversée à la fois volontiers opératique et romanesque. Eu égard à l'infiltrant cheminement d'harmoniques qu'il nous invite à suivre et magnifié par les magnétiques ondulations des deux vocalistes patentées, ce masterpiece dans la veine coalisée
Nostra Morte et
Fortaleza poussera assurément à une remise en selle dès la chute finale amorcée.
Au moment où ils nous mènent en de plus apaisantes contrées, nos compères ne se sont guère avérés plus malhabiles, loin s'en faut, nous adressant par là même leurs mots bleus les plus sensibles. Ce qu'illustre « Cuenta Hasta Diez », ballade progressive aussi touchante que pétrie d'élégance, que n'aurait nullement reniée
Against Myself ; glissant le long d'une radieuse rivière mélodique où se calent les angéliques modulations des deux sœurs jumelles, et nous gratifiant d'un fondant solo de guitare, l'instant privilégié comblera à n'en pas douter les attentes les plus exigeantes de l'aficionado de moments intimistes.
Au terme d'une traversée aussi palpitante qu'invitante, d'aucuns pourront ressentir l'irrépressible envie d'un réenclenchement de la touche play de leur lecteur. Pour son introductif essai, le combo espagnol s'en sort donc honorablement ; ayant veillé à diversifier ses phases rythmiques comme ses ambiances, instillant un duo féminin dans son projet – l'un des rares dans ce registre – la troupe a également varié ses exercices de style, soigné son ingénierie du son et accolé un petit supplément d'âme à son message musical, le rendant particulièrement liant. Cependant, les sources d'influence convoquées ne sauraient se faire oublier, quand les prises de risques se font peau de chagrin ; état de fait rendant la plupart des enchaînements prévisibles, et donc, insuffisante l'épaisseur artistique du projet pour démarquer nos acolytes de leurs pairs. Bref, un premier mouvement aussi rugissant qu'engageant mais à l'identité artistique en friche, susceptible de placer dès lors la formation ibérique parmi les outsiders, à défaut de sérieux espoirs, avec lesquels la concurrence devra composer. Affaire à suivre, donc...
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