Cursed 13 est l’un des innombrables groupes underground qui animent la scène black suédoise. Formé en 98 et confiné dans l’ombre, le groupe n’est pas très productif, ne sortant que quelques tapes confidentielles, jusqu’à ce qu’il décroche en 2006 un contrat avec le label américain Black Plague Records pour l’enregistrement d’un album. Heljrmadr, leader du combo qui a toujours cru en son art, redouble donc d’efforts, et entame la composition de
And Hell…, encouragé par l’accueil plutôt favorable de sa première démo distribuée,
I Love Cyanide. Il s’atèle à la tâche, s’occupant intégralement de la composition, du mix et du mastering, mais le processus est long et laborieux, et entre temps, le musicien et le label doivent faire face à de nombreux problèmes divers qui repoussent sans arrêt la sortie de l’album… Finalement le chanteur-guitariste-bassiste se décourage et
And Hell… ne verra jamais le jour.
Ce ne sera qu’en septembre de cette année que le combo parviendra enfin à sortir son premier album, le justement nommé
Triumf, en référence à la victoire obtenue sur toutes les difficultés rencontrées par le groupe pour réussir à immortaliser sa musique sur un full length, opus qui comporte d’ailleurs de nombreuses pistes du fameux
And Hell… avorté.
Il est donc légitime de se demander ce qui ressort de ces nombreuses années de travail acharné, et de cette persévérance à toutes épreuves. Autant le dire tout de suite, rien d’extraordinaire. Fans de black suédois qui pourriez être interpelés par l’origine de
Cursed 13, résignez-vous, on est ici à des années lumières de l’école de black suédoise, et la musique de
Triumf se situe plutôt dans un registre minimaliste, entre black norvégien passéiste et sonorités death old school.
Ce qui frappe d’entrée c’est ce son lourd, poisseux et très grave, ainsi que cette voix granuleuse aux relents death qui imposent une musique primitive et crue. Le premier titre,
No Return, entame honorablement la galette avec ce riff sombre et rampant qui ne manque pas de charme, et ce rythme lent et tortueux fleurant bon le vieux caveau. S’ensuit un morceau plus frontal, très typé death old school suédois, avec une batterie plus rapide (ceci dit, on est encore loin du blast…) et des riffs headbangants, qui dévoilent une facette plus rock n’roll, groovy et entraînante du combo ( le solo qui vient rehausser ce titre, truffé d’effets et plutôt bien senti, donne une sympathique plus-value à l’ensemble même s’il n’est pas exceptionnel).
La voix, profonde, puissante et abyssale, sert bien les compos et les enveloppe d’une aura macabre. Les titres s’enchaînent tranquillement, alternant les compos lentes, lourdes et charbonneuses (Seductress, presque doom, à l’ambiance noire et occulte vraiment prenante), à des titres un peu plus énergiques (
I Love Cyanide, plus rapide et intense, l’un des titres les plus réussis de l’album, När Marorna Kallar, clairement death), mais le plus gros problème de cette production est qu’elle manque singulièrement de folie et d’intensité.
On navigue dans des eaux connues et plutôt calmes, et si
Triumf est animé d’un esprit indubitablement authentique, il ne propose rien de bien original, chaque titre résonant plus comme un hommage trop sage et trop conventionnel aux glorieux aînés de la fin des années 80 et du début des années 90. Les influences sont palpables, quelque part entre
Celtic Frost,
Darkthrone et Grave, et si on peut affirmer que
Cursed 13 mélange assez habilement death old school et bon vieux black des familles, force est de constater que le sens du riffing bien présent sur certains titres (le riff rampant et vicieux de Frälst av Eld, malheureusement pas assez mis en valeur) est éclipsé par un rythme mou du genou et convenu, un manque de variations préjudiciable et des compos qui tirent parfois en longueur. Le tout est loin d’être mauvais, mais il manque la flamme noire, ce souffle putride et glacial sur la nuque qui vous file la chair de poule et vous fait dresser les cheveux sur la tête : les pistes de
Triumf ne sont tout simplement pas assez prenantes. D’une manière générale, le rythme est lent, trop lent, avec des riffs répétitifs, mais la lenteur du groupe est trop rarement hypnotique. Peu d’accélérations et de montées en intensité, pour un résultat certes sympathique et qui fait gentiment secouer la tête, mais qui reste bien trop linéaire et insipide (
Requiem/
Victory).
En tout état de cause, ce
Triumf propose une musique qui nous fait passer un moment agréable, mais qui ne surprend pas le moins du monde et qui est loin de nous faire vibrer, comme les gloires d’antan auxquelles il rend évidemment hommage. Une réalisation tout à fait honnête et à l’intégrité palpable, mais qui ne laissera pas un souvenir impérissable. A réserver en priorité aux grands nostalgiques du début des 90's et aux acharnés de l’undergound, pour les autres à vous de voir…
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