Transfixion of Spirits

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14/20
Nom du groupe Black Cilice
Nom de l'album Transfixion of Spirits
Type Album
Date de parution 06 Septembre 2019
Style MusicalBlack Metal
Membres possèdant cet album3

Tracklist

1.
 Darkness and Fog
 10:07
2.
 Maze of Spirits
 07:26
3.
 Outerbody Incarnation
 07:56
4.
 Revelations
 11:01

Durée totale : 36:30

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Black Cilice


Chronique @ Icare

02 Septembre 2019

Un savant dosage des ambiances et de la noirceur de la première trilogie ainsi que des mélodies de Bannished from Time

Depuis une dizaine d’années environ, la scène black metal portugaise est en pleine ébullition, délivrant un art noir orthodoxe, cru et jusqu’au boutiste à la pureté rigoureuse et dévote. Certains groupes ont même formé un Black Circle, parmi lesquels les vénérables Mons Veneris, Vetala, ou Irae. Si ces noms ne vous disent peut-être rien, vous serez plus difficilement passés à côté de Black Cilice, formation mystérieuse incarnée par un chef d’orchestre maudit à l’identité inconnue, et incontestable chef de file de cette nouvelle vague noire portugaise, qui avec déjà quatre albums à son actif et une flopée de démos et autres splits, fait office de référence incontestée dans le paysage sonore black metal lusitanien.

Si vous n’avez jamais jeté l’oreille sur l’une des productions du one-man-band auparavant, autant vous le dire tout de suite, le premier contact risque d’être un peu rude, voire définitivement rédhibitoire : les Portugais dégueulent une espèce de poix sonore dans laquelle tout se noie et fusionne en un conglomérat grésillant, opaque et bruitiste. Dans cette brume d’effets et de saturations, au début, difficile de démêler une note plutôt qu’une autre, quant à espérer détacher les instruments, n’en parlons même pas : tout juste comprend-on que là au fond, ce bruit sourd et mat de casserole qui résonne, c’est sûrement la batterie – qui tape presque toujours le même rythme, sans variation - et cette espèce de grondement désarticulé et déchiré au loin qui ressemble étrangement au mugissement plaintif du vent qui s’engouffre dans un tunnel doit s’apparenter à une voix, qui a peut-être été humaine il y a quelques siècles de cela. Guitare, basse ? Le vrombissement qui recouvre le tout en grésillant, probablement.
Néanmoins, passé le choc et l’incompréhension totale des premières écoutes, pour peu qu’on ait eu la volonté - le masochisme ? - de creuser, on se rend compte que Black Cilice n’équivaut pas au néant total. Eh bien pour ce cinquième album, une fois de plus à venir sur Iron Bonehead Productions, le constat est le même : l’écoute est ardue (il va sans dire que si vous voulez caresser l’espoir de faire partie du cercle très restreint des initiés, il va falloir fournir un réel effort et acquérir un équipement sonore digne de ce nom : l’écoute au casque est plus que conseillée si vous voulez parvenir à discerner - et donc ressentir - quoi que ce soit dans ce chaos primal de sons hurlants qui s’entrechoquent. Malgré ça, autant vous prévenir, ce n’est quand même pas gagné, car le son reste bien dégueulasse, baveux et saturé, même pour le commun des amateurs de black), mais il s’en dégage indubitablement quelque chose, là, tapi très loin dans l’ombre, derrière cette prison opaque et sifflante de distorsion.

Tout commence par un Darkness and Fog qui porte bien son nom, sombre, très sombre, et porté par un blast infatigable, qui, avec ces riffs graves vaguement identifiables que l’on ressent plus qu’on ne les discerne, peut nous porter mollement vers cet état d’hébètement et de transe, ou nous écoeurer définitivement de la musique du one-man-band, c’est selon. Ceci dit, au bout de ces dix longues minutes initiatiques, nos yeux – ou plutôt nos oreilles - commencent à s’habituer à l’obscurité (même si je ne vous cache pas qu’il vous faudra sans doute plusieurs écoutes pour y parvenir), et on finit par progresser, à tâtons, certes, et à évoluer dans ce long boyau souterrain. L’angoisse se dilue petit-à-petit, et à ce titre, le début de Maze of Spirits est relativement audible, avec un rythme identifiable, et ces mélodies évanescentes que l’on parvient plus facilement à percevoir. Dans ce déluge de décibels, on a même un break à 2,43 minutes parfaitement net, avec une petite mélodie de guitare pas désagréable qui a le mérite de donner une respiration dans ce mur de saturation éprouvant, et qui va même se muer en l’un des rares passages réellement marquants de l’album en milieu de morceau, avec cette reprise fulgurante à 5,12 minutes. Voilà donc une compo bien ficelée et bien plus subtile qu’elle n’y paraît, étonnamment mélodique et entraînante pour le raw black autoproclamé de Black Cilice qui, depuis l’album précédent, semble évoluer doucement vers la lumière, lumière certes tapie derrière les ténèbres opaques d’une production volontairement régressive, mais qui enveloppe le tout d’une certaine sérénité. La comparaison des artworks est d’ailleurs assez significative en ce sens, le brouillard gris de ce cinquième album étant la synthèse parfaite du noir total et sans concession des trois premiers dont l’on retrouve ici le son cru et noyé de réverb’, avec le demi blanc de Bannished from Time dont Transfixion of Spirits reprend l’aspect plus mélodique et épuré ainsi que l’émotion brute.

Vous l’aurez compris, s’il est tentant au premier abord d’avancer que le Portugais se contenterait de cacher sa nullité et son manque d’inspiration derrière un son dégueulasse et une attitude true, la théorie ne tient pas vraiment la route lorsque l’on prête une oreille attentive à ce Transfixion of Spirits dont la qualité musicale n’est pas à remettre en question. D’ailleurs, Outerbody Incarnation va venir enfoncer le clou, meilleur titre de l’album, dégageant cette fierté exaltée, lâchant une pluie acide de riffs fantôme et décharnés qui viennent nous enserrer les chairs sous cette avalanche de blasts morts, sorte de Sargeist de fond de cave avec un son cauchemardesque duquel parviennent à s’extraire majestueusement ces mélodies lumineuses.
Néanmoins, malgré les qualité incontestables de l'album, il me paraîtrait assez exagéré et un peu facile de qualifier Transfixion of Spirits de chef-d’œuvre : si les qualités de compositeur de son mystérieux géniteur ne sont pas à discuter, sa principale originalité réside à mon sens encore et toujours dans le traitement sonore si particulier qui a contribué à lui faire un nom dans l’underground. L’âme et l’ambiance, c’est certes essentiel dans le black metal, et ces 36 minutes dégagent encore une fois cette ambiance unique, noire, mystérieuse et fantomatique palpable, mais pour moi, cette dernière repose trop exclusivement sur le son – à l’instar de nombreux combo des Légions Noires par exemple - ce qui à mon sens est trop peu pour porter une discographie entière; car avouons-le, l’ensemble reste encore bien répétitif et minimaliste et manque cruellement de moments forts, embourbé dans cette homogénéité certes hypnotique mais qui peut vite se faire lassante - et la durée des titres n'aide pas. Honnêtement, l’œuvre de Black Cilice aurait-elle le même succès d’estime si on la traduisait avec un son un peu plus propre et audible ? J’en doute.

Quoi qu’il en soit, Transfixion of Spirits n’a pas à rougir dans la discographie du Portugais, savant dosage du son, des ambiances et de la noirceur de la première trilogie ainsi que des mélodies de Bannished from Time, incarnant une seconde timide percée des nuages dans l’univers si impitoyablement obscur et régressif que le musicien prend un malin plaisir à dessiner depuis maintenant dix ans. Néanmoins, cet album reste une expérience vraiment difficile d’accès, et Black Cilice est un thuriféraire misanthrope et hideux, il vous faudra donc être sacrément patient et endurer la torture auditive et psychique de ces quatre nouveaux morceaux pour espérer apercevoir les lueurs de la révélation. On vous aura prévenu.Si vous en avez le courage, sortez vos chapelets, vos verges et votre cilice, allumez les bougies, éteignez les lumières, augmentez le volume, commencez à prier pour le salut de votre âme et que Dieu vous vienne en aide... Amen.

1 Commentaire

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Ghul - 05 Septembre 2019:

Merci pour la chronique d'un des albums que j'attends le plus en ce moment, avec ceux de BLUT AUS NORD, RUNESPELL et MAYHEM.

Ce groupe est un des meilleurs espoirs du black metal que l'on m'ait recommandé. Pour ce que j'ai écouté de Banished from Time et de l'extrait en bas de la chronique, BLACK CILICE a typiquement l'air de représenter tout ce que j'aime dans le style !

Sur "Outerbody Incarnation", l'ambiance (amenée grace à ce son spécifique, comme tu le décris si bien) semble être la grande force du one man band. C'est brumeux, malsain, rocailleux, religieux et tout ce que tu veux. Pas besoin de propreté, ni de technicité avec ce genre de musique.

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