Encore un ixième groupe metal symphonique à chant féminin probablement promis, comme tant de ses homologues, à une disparition précoce, me direz-vous, et vous auriez raison. Toutefois, ce quintet étasunien originaire de Plymouth Township (Michigan) se serait laissé le temps de faire mûrir son projet, pour le moins, suffisamment pour caresser l'espoir de l'emporter. En effet, créé en 2011, ce n'est que sept ans plus tard qu'il accouche de son premier bébé dénommé «
Tragedy at
Heart » ; auto-production de 8 pistes, généreuse de ses 45 minutes d'un parcours aussi épique qu'énigmatique et teinté de romantisme. Mastérisée et finement mixée aux Zoinga Studios, l'introductive galette témoigne déjà d'une belle profondeur de champ acoustique et n'accuse que peu de sonorités parasites. Indices révélateurs d'une sérieuse envie d'en découdre de la part de nos cinq gladiateurs...
La formation nord-américaine officie dans un rock'n'metal mélodico-symphonique gothique et cinématique, aux relents prog et power, calé sur le schéma oratoire devenu classique de la Belle et la Bête. Ce faisant, tant les gammes et les arpèges de nos acolytes que leurs arrangements instrumentaux nous renvoient tour à tour à
Nightwish (première période),
Epica,
Xandria,
Visions Of Atlantis,
We Are The Fallen, ou encore
Ancient Bards. Aussi, c'est au cœur d'un palpitant et pénétrant message musical, mâtiné de portées savamment élaborées, de paroles cristallisant la fine plume de leur auteur, que nous mènent la frontwoman Bella
Mental, le parolier, growler et programmeur Joey Celski (Archaic Revival), le guitariste Martin Trapecar, le compositeur, guitariste et claviériste Tom Williams et le bassiste Andrew Humphrey. De quoi nous inciter à aller jeter une oreille attentive...
Quand le collectif sort les griffes, il joue également, et avec habileté, des effets de contrastes. Aussi ne tardera-t-il pas à encenser le tympan. Dans cette mouvance, on ne pourra que malaisément se soustraire à l'énergie rythmique de «
Tragedy at
Heart » ; galvanisant mid tempo progressif aux relents cinématiques, à la croisée des chemins entre
Xandria et
Ancient Bards. Complexe dans ses phases technicistes, au demeurant opportunément placées et de fort bon aloi, le méfait n'en suit pas moins un cheminement mélodique aussi exigeant qu'infiltrant. On appréciera, par ailleurs, une joute oratoire aux petits oignons, les claires et puissantes inflexions de la belle venant en contre-point des incessantes attaques de son acolyte de growler. Bref, une première pépite concoctée par la formation étasunienne. On retiendra aussi l'intrigant et corrosif « Europa », eu égard à ses enivrants couplets, ses sidérantes montées en régime, ses libertins gimmicks guitaristiques, et surtout ses growls glaçants et empreints de bestialité, que n'auraient pas reniés
Epica, entre autres.
Lorsque nos compères nous propulsent au cœur de fresques symphonico-progressives, ils nous mènent plus volontiers sur des charbons ardents que ne l'ont fait la plupart de leurs pairs. Aussi ne reprendra-ton que rarement notre souffle sur l'ample et tempétueux «
Poison to Cure the
Sickness » ; offensive pièce en actes qui, au fil des huit minutes d'un spectacle à la fois épique et gorgonesque, n'a de cesse de rudoyer la double-caisse tout comme notre pavillon. Au sein de ce complexe et magmatique espace d'expression évolue un duo mixte en voix de contrastes des plus saisissants, les félines impulsions de la sirène donnant le change aux growls particulièrement déchirants de son acolyte. Une prise de risque parfaitement assumée par l'inspiré quintet, qui pourra nécessiter quelques passages en boucle avant son éventuelle assimilation par une oreille non avertie. Dans cette dynamique s'illustre également «
Thrones », corpulent mid tempo progressif aux accents pop, paré de sémillants gimmicks guitaristiques, d'une élégante souplesse de frappe, d'une basse vrombissante et d'une sidérante gradation du corps orchestral. C'est en voix claires qu'évoluent, cette fois, nos deux tourtereaux, suivant un infiltrant sillon mélodique. Autre troublant effort donc...
Soucieux de varier leurs ambiances, nos mousquetaires nous en offrent deux regards complémentaires. Ils nous font tout d'abord voyager en d'exotiques contrées, non sans une pointe d'originalité quant à leur cheminement rythmique. Ainsi, c'est dans un climat éthéré, un brin orientalisant, que nous plonge « The
Animus » ; mid tempo symphonico-progressif aux riffs massifs, à la basse résolument claquante, et doté d'un léger tapping, dans le sillage atmosphérique d'un
Epica estampé « The Divine
Conspiracy », avec un soupçon de
Xandria (première mouture) quant à ses harmoniques. Aussi suivons-nous les gracieuses reptations d'un serpent synthétique dans un vaste et magnétique espace dunaire parallèlement aux ensorcelantes et ondulantes patines de la déesse, dont les chatoyants médiums ne sont pas sans renvoyer à ceux de Carly Smithson (
We Are The Fallen). D'autre part, on pénètre dans un champ de turbulences, dont il s'avère difficile d'en ressortir indemne, à l'aune de «
Dust and Stones » ; piste anxiogène aux relents dark gothique, dans la lignée de
Draconian. Aussi apparaît-elle moins accessible que sa voisine, cette plage démoniaque empruntant nombre de chemins de traverse, et parfois de lugubres et visqueux marécages.
Pour les férus d'instants tamisés, ils ne sauront éluder « Angels », pénétrante power ballade au cheminement harmonique emprunté à
We Are The Fallen. Mis en habits de soie par un duo mixte bien habité et voguant à l'unisson, le délicat effort se pare de couplets finement ciselés que relayent des couplets d'une confondante légèreté. Jouissant d'une sente mélodique apte à prestement enivrer le tympan, d'un rutilant legato à le lead guitare, réservant en prime d'insoupçonnées mais opportunes accélérations rythmiques, on comprend que le moment de zénitude s'éloigne quelque peu des sentiers battus et rebattus. A l'issue de son périple, il se pourrait même qu'une petite larme finisse par perler sur la joue du chaland, in fine. Chapeau bas.
Aux fins d'un parcours à l'atmosphère plurielle, abondant en variations rythmiques et en effets de contrastes, force est d'observer que le combo étasunien n'a nullement tari d'inspiration, ayant concédé quelques prises de risques au passage. On passera toutefois sous silence le laconique instrumental « This Wicked
Path », peu propice à l'enivrement de nos sens. Cela étant, se dotant d'une mélodicité aux fines nuances et de suites d'accords savamment sculptées, tantôt avenant, tantôt complexe, le vibrant message musical pourra trouver un débouché favorable auprès d'un auditorat déjà sensibilisé aux travaux de leurs maîtres inspirateurs. C'est dire qu'à l'aune d'une offrande à l'ingénierie du son plutôt soignée, aux nombreuses et truculentes digressions, témoignant d'un potentiel oratoire affûté, le collectif aurait déjà une belle carte à jouer pour espérer s'imposer à terme sur cette scène-là. Bref, une formation à suivre de près...
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