Scène classique en 1990 : une chambre, un ado, une cassette audio neuve et, sur une face, un album : Schizophrenia de
Sepultura. Et, en parcourant du regard la liste recopiée, un titre qui retient l’attention du métalleux novice plus que les autres avant même que la musique commence. C’est ainsi que j’ai découvert
Escape to
The Void et le mot
Void par la même occasion. Un mot qui, déjà par sa sonorité, faisait naître de mystérieuses images mentales, sans même en connaître le sens. Un souvenir que je chéris précieusement.
C’est une des raisons qui m’a fait accepter la rédaction de cette modeste chronique, sans écouter préalablement la moindre note de cet album. Le fait qu’il sorte sur le sympathique label Dolorem Records m’a tout autant convaincu. Son flair pour les bonnes productions se confirme à nouveau pour ce Towards
Annihilation, à paraître fin avril 2025.
Supreme
Void, c’est la somme des qualités de 3 deathsters polonais :
Exile (growl, guitares, basse),
Ravager (guitares) et Cycklon (batterie). Issus de formations diverses telles Cancerfaust ou
Mesmerized, les voilà réunis autour d’un projet commun de death metal technique et dissonant (
Gorguts,
Ulcerate). Après le remarqué EP
End of Games, ils franchissent un nouveau palier avec ce premier album comprenant 6 titres pour une durée d’environ 40 mn.
Pour être honnête, je ne suis pas habituellement un grand client de ce genre de death, mes préférences allant plutôt sur le côté putride, lourd et crasseux du genre. Mais, dès l’entame Remnants of
Hope, on sent que le trio ne s’aventure pas dans un trip inutilement hyper-rapide-technique-égotique qui m’aurait vite lassé. Le riffing est tordu comme il faut, la batterie martiale et charnelle, la basse bien ronde (très belle ligne en fin de morceau) et le growl caverneux à souhait. Quelques plans pachydermiques viennent créer un équilibre subtil et les 7 minutes passent sans en avoir l’air.
Ce qui transpire férocement dans leur musique, c’est cette atmosphère apocalyptique, cette avancée inexorable vers l’annihilation comme l’indique fort à propos le titre de l’album. Pour exemple, la maléfique Sustained By Malice qui va additionner les éléments oppressants (blast beats, grondements de basse, soli de guitares ciselés) pour vous attirer au fond de l’abime. On sent l’influence des derniers
Gorguts, l’aspect chair lacérée en plus (et c’est tant mieux).
La dissonance est particulièrement palpable sur
Eclipse of the
Exalted, qui multiplie parallèlement les plans rythmiques. Il manque cependant à ce titre un peu de hargne pour bien le faire décoller.
Plus véloce,
Dissolution of
Power évolue profondément sur les syncopes, dévoilant une face plus moderne et percutante. Supreme
Void sait jouer vite et bien, sans en faire forcément son unique fonds de commerce.
Ainsi, le groupe évite l’écueil du toujours plus vite pour mieux travailler l’auditeur par l’alternance lourdeur-accélération et garder son attention éveillée. Postulat totalement évident sur Embrace
Extinction, titre final et le meilleur de l’album à mon avis.
Exile y déploie un growl monstrueux, qui m’a rappelé un des maîtres en la matière, Ross Dolan d’
Immolation.
Scott Elliott, l’homme aux manettes du mix et du mastering, a confectionné un chouette canevas sonore, d’un équilibre redoutable. Chaque instrument trouve sa place et on les distingue facilement (notamment les diverses couches de guitare, un travail de précision).
Pour un album dont la thématique globale est la fin de tout, le choix d’une orientation sonore rampante, menaçante et enveloppante (l’image du brouillard de The Fog de John Carpenter pour mettre en images mon propos) s’avère excellente. Ce que reflète sobrement la pochette signée Michal Xaay Lorenc.
Supreme
Void signe ici un premier album convaincant, surtout dans un style pour lequel j’ai d’habitude peu d’accointances. En jouant sur une atmosphère sombre et charnelle, ils ont réussi à se créer une place où, je l’espère, ils se feront remarquer.
En conclusion, je me plais à imaginer un ado de 2025 qui découvre sur son enceinte connectée cet album, ce groupe par le biais du mot
Void et qui s’entiche comme moi de cette musique étrange et attachante.
Excellente chronique qui m'a donné tout de suite envie d'écouter l'album.
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