Comment un si jeune groupe peut-il espérer s'illustrer au cœur d'un espace metal symphonique à chant féminin qui n'autorise aujourd'hui qu'une bien faible marge de manœuvre aux nouveaux entrants ? C'est pourtant le défi relevé par ce valeureux quartet russe, tenant à défendre becs et ongles ses chances, à l'aune d'un prudent EP auto-produit de quatre pistes égrainées sur un ruban auditif de vingt-deux minutes simplement. C'est ainsi que nos quatre mousquetaires venus d'Omsk (Christina Engels (chant et claviers), Kesha Larionov (guitare), Alexey Danilov (basse) et Denis Gorohov (batterie)) se sont lancés dans la grande aventure...
Inspirés par les arpèges entraînants de
Within Temptation, l'atmosphère éthérée de
The Flaw, l'empreinte vocale empruntée à
Angelical Tears, avec un soupçon de
Dark Princess dans le riffing et l'espace percussif et un zeste d'
Ancient Bards pour la touche power, le combo livre des compositions alertes, revigorantes, mélodieuses, romantiques et accessibles, aux portées déjà finement élaborées et restituées dans des conditions techniques favorables à leur appréciation. Et ce, à l'image de l'artwork de la jaquette au trait délicat d'inspiration néo-romantique et fantastique. On aurait cependant souhaité une qualité d'enregistrement plus affinée et un mixage moins approximatif dans le partage des parties vocales et instrumentales. Toutefois, malgré ces carences logistiques, l'accroche auditive s'effectue sans encombres et l'on sent déjà poindre les germes d'une bombe en puissance. Une fois n'est pas coutume, suivons donc le fil du skeud, chaque pièce offrant une atmosphère et une orientation artistique singulières. Selon une logique de distribution des titres autorisant moult effets de contrastes, on comprend que chaque passage se suffit à lui-même, au sein d'un ensemble cohérent et bien inspiré.
On entre rapidement dans la danse avec une entame des plus captatrices, au sein de fondantes portées, desquelles émane une profusion d'énergie. Ainsi, l'entraînant « The Name on My Lips », titre metal symphonique pur au riffing graveleux et à la rythmique vrombissante, suit les gammes de
The Flaw pour déployer d'élégants couplets prestement suivis de refrains catchy. Et cela, sous couvert d'une sulfureuse empreinte vocale, un poil acidulée, non sans rappeler Julia Flansburg (
Angelical Tears) sur fond d'harmoniques calquées sur
Delain. On a droit, en sus, à un sémillant et dégressif solo de guitare signé Kesha en fin de parcours. Le collectif renseigne déjà sur ses intentions, le fait avec ses tripes, et, à chaque passage, parvient à maintenir intact l'intérêt de l'auditeur jusqu'au bout.
Comme pour nous indiquer qu'il sait varier son offre architecturale, la troupe nous convie à une roborative et attractive tirade. Ainsi, le titre éponyme de la galette, « To Begin to See the Truth », joue le rôle de fresque heavy sympho de l'opus. Sur un mid tempo au cheminement harmonique savoureux, la belle fait onduler avec brio ses claires inflexions pour mieux nous séduire. Non sans rappeler
Within Temptation, première période, sur les séries d'accords distillées, cette plage octroie des riffs fougueux étreignant une massive section rythmique, et cela, sans jamais nous perdre en cours de route, tant le tracé mélodique suit une ligne directrice précise et invitante. Autre exercice de style, plutôt immersif, où rares sont les déchets purement technicistes, habilement esquivés par le groupe. De quoi donner envie de poursuivre le périple...
C'est dans un bain orchestral aux doux remous que nous sommes happés, nous permettant alors de nous poser, le temps d'un agréable moment tamisé. Evoluant sur une rythmique enjouée, un poil syncopée, « You Want to Believe » est une power ballade du plus bel effet, dans le sillage de
Delain. On suit les tribulations de la déesse, dans la ligne de mire de
Katra, avec ravissement. Ses célestes impulsions se font soyeuses et sont aptes à offrir quelques moments de pure jouissance auditive, tout comme les deux soli de guitare, soufflants de justesse et d'inspiration. Bref, un frissonnant instant laissant transpirer une émotion sans l'ombre d'une difficulté.
Enfin, en guise de clôture, le combo a misé sur un substantiel instrumental, typiquement metal symphonique, pour remporter l'adhésion. C'est dire que cette plage ne joue pas un simple rôle de remplissage, comme on le perçoit parfois chez certains de ses homologues stylistiques. Infiltrant de par ses arrangements bien amenés et parfaitement organisés, « Express Yourself
Dream » laisse glisser quelques somptueux arpèges au piano, relayés par une lead guitare en apesanteur. Sur des nappes synthétiques enveloppantes, le cortège instrumental s'affranchit de toute contingence matérielle pour nous attirer dans un monde onirique peuplé de sirènes enchanteresses. Un titre qui parachève de nous convaincre des capacités techniques et harmoniques de nos acolytes au point d'y revenir.
Au final, on recueille un infiltrant condensé des orientations atmosphériques d'un groupe qui cherche encore ses marques, mais qui ne manque ni d'aplomb, ni d'inspiration pour asseoir ses gammes et ses arpèges. Peu de prise de risques et d'originalité transparaissent dans cette offensive, mais l'ensemble de l'oeuvre se parcourt d'un seul tenant et attise la relecture, pour profiter encore de moments plaisants et bien customisés sur le plan mélodique. En veillant encore à peaufiner la qualité de la production quant à sa logistique, à diversifier son offre technique et vocale, à densifier sa rythmique, le groupe devrait se hisser peu à peu au rang des formations montantes du metal symphonique à chant féminin. Un potentiel à découvrir et sûrement à adopter d'ici peu...
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