Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’Espagne n’est pas le pays le plus réputé pour sa scène black metal, et lorsque l’on pense au metal ibérique, ce sont plutôt des groupes comme
Dark Moor ou Mago de Oz qui viennent à l’esprit, voire
Haemorrhage ou
Avulsed pour les plus brutaux d’entre nous.
Pourtant, un bataillon de formations plus ou moins reconnues s’évertue depuis plus d’une quinzaine d’années à brandir le pavillon de l’art noir, parmi lesquelles on distinguera notamment
Berserk, Empty ou
Cryfemal.
Foscor est de celles- là, formé en 1997 à Barcelone et déjà fort de trois full lengths et d’une flopée de démos et de splits. Ce
Those Horrors Wither, initialement sorti en 2014 et réédité en 2015, est donc leur quatrième album, et les Catalans nous reviennent avec sept titres complexes et sinueux pour un total de 40 minutes d’une musique résolument unique.
Disons-le d’emblée, cette nouvelle réalisation est moins rapide et purement black metal que l’excellent
Groans to the Guilty de 2009, et le changement est de taille,
Foscor évoluant désormais dans un metal froid et carré aux rythmiques complexes et aux accointances progressives qui lorgne plus du côté de groupes comme
Opeth ou
Katatonia, mettant en avant une mélancolie tortueuse et torturée. Le groupe peut aussi faire penser aux compatriotes d’
Obsidian Kingdom, dans la richesse, le foisonnement et la diversité des différentes strates musicales, passant aisément de parties assez intimistes et légères à des passages noirs, lourds et suffocants en parvenant toujours à conserver un aspect mélodique assez marqué.
Ceci dit, si la musique du combo n’est pas foncièrement violente, elle dégage un sentiment de malaise palpable et on retrouve avec plaisir ces accords torturés aux sonorités plaintives et ces harmonies tordues. La basse, aux secousses granuleuses idéalement mises en avant, joue un rôle important, ajoutant une touche plus étouffante et rampante à un tableau finalement bien plus noir qu’il n’y parait au premier abord (le début d’Addiciton, avec ces arpèges agonisants à la
Dolorian, To Strangle a
Ghost, aux grattes traînantes et moribondes, aux hurlements étranglés et aux voix claires désabusées et froides).
Nous avons donc droit à une sorte de metal hybride qui reste hermétique et lourd même dans ses envolées les plus lumineuses, incarnées par des leads de toute beauté (le solo à 2,54 minutes de Senecensia). La musique des Espagnols s’appuie sur des riffs déshumanisés qui se répètent en des boucles hypnotiques et une alternance de voix habitées et expressives, Fiar passant d’un growl hurlé et puissant à un chant clair faussement naïf et suintant la décadence, dont certaines intonations nasillardes et désabusées ne sont pas sans rappeler Sotiris de
Septicflesh (c'est assez frappant sur Whirl of Dread, le premier titre de la galette). Notons d'ailleurs au passage que le chant, en espagnol sur la moitié des titres, ajoute s'il en était encore besoin une certaine originalité et une identité assez unique au groupe.
Il n'y a aucun blast sur cet album, et le rythme est plutôt lent dans l’ensemble, mais la double est bien présente, appuyant de sa frappe obsédante et régulière cet enchevêtrement de riffs pesants et dissonants pour un résultat vraiment personnel, entre musique éthérée et apaisante (la fin de L.AMOR.T qui se teinte d’un folk vaporeux à l’aura mystique avec ces voix claires qui vont se perdre dans l’éternité d’un passé lointain et oublié) et cacophonie bruitiste et dérangeante rappelant parfois
Blut aus Nord dans ces saccades anxiogènes.
Finalement,
Those Horrors Wither est un album foncièrement original qui ne pourra pas laisser indifférent. L’ensemble reste assez difficile d’accès, semblant même répétitif par instants, et prenant un malin plaisir à évoluer sur le fil, oscillant sans cesse entre lumières et ténèbres avec une certaine maestria. Néanmoins,
Foscor nous offre ici un travail soigné à l’ambiance très travaillée et cette nouvelle réalisation, si elle pourra laisser certains anciens fans du groupe sur le carreau, sonne incontestablement comme une prise de risque réussie qui assume un style unique et complexe. Voilà qui devrait ravir les amateurs de metal noir, intelligent et avant-gardiste, quant aux autres, ils pourront toujours se rabattre sur les anciens albums de la formation, tous très bons dans leur style respectif.
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire