Cellar Darling est un trio metal à chant féminin suisse cofondé en 2016 par Anna Murphy (
Lethe,
Nucleus Torn, ex-
Eluveitie...) en qualité de frontwoman et pluri-instrumentiste (flûte, vielle à roue...), Ivo Henzi (
Forest Of Fog, ex-
Eluveitie) à la guitare et
Merlin Sutter (ex-
Eluveitie, ex-
Morrigu, ex-
Nekropolis) à la batterie. Désormais, ces artistes d'expérience ont tous trois souhaité conférer à leur projet une orientation à la fois rock'n'metal mélodique, gothique et folk, tout en s'éloignant quelque peu du folk metal d'
Eluveitie. Et ce, pour se rapprocher de celui, plus accessible, de
Lyriel, ou encore de celui, plus atmosphérique, d'
Elane, avec un renvoi gothique à
The Gathering ou encore à
Within Temptation ou
Delain. Un éclectisme que laissent transparaître les 14 titres de «
This Is the Sound », premier album full length du collectif helvétique, sorti via
Nuclear Blast. Un réel changement de cap s'amorce donc pour nos trois acolytes...
Inspiré tant par les contes et légendes ancestraux que par le vaste champ des émotions et les mystères inhérents à l'esprit de l'homme, et sur près d'une heure d'un subtil mélange des genres, le groupe nous propose un voyage initiatique où s'harmonisent riffs massifs et corrosifs, frappes sèches d'une puissante batterie, esthétique des lignes mélodiques, céleste empreinte vocale et finesse des arrangements instrumentaux. Pour une mise en exergue des contrastes atmosphériques et rythmiques, le combo a particulièrement soigné ses enregistrements, ne laissant transparaître que peu de notes résiduelles ; à l'image d'un mixage rigoureux équilibrant parfaitement lignes de chant et orchestrations. En outre, une belle profondeur de champ acoustique complète le tableau, nous octroyant un confort auditif quasi optimal sur la totalité de la rondelle.
On remarquera avant tout les dispositions du groupe à créer de ces compositions metal mélodique gothique aux immersifs accords que le chaland mémorisera aisément et surtout durablement. Ainsi, dans une orientation rock'n'metal mélodique gothique, on retiendra sans mal « Black
Moon », dynamique effort doté de riffs vrombissants et d'entêtants refrains, non sans rappeler un
Within Temptation calibré « The Unforgiving », les claires et puissantes inflexions calées dans les médiums de la sirène renvoyant d'ailleurs à celles de Sharon den Adel sur cet effort. Dans cette veine, «
Challenge » se pose comme un hit en puissance aux refrains accrocheurs que n'aurait nullement renié le combo néerlandais. Sur ce vibrant instant, on appréciera tant les troublantes gradations oratoires que les attaques rock dispensées par l'inspirée déesse.
Dans cette dynamique mais un poil plus vitaminés, d'autres moments nous embarquent également dans des contrées non moins chargées en émotions. Ainsi, avec un soupçon d'
Anneke Van Giersbergen, à l'aune de son album «
Drive », l'up tempo « The Hermit » se cale sur un cheminement mélodique tout en nuances et de fines et séduisantes modulations vocales, apparentées cette fois à l'artiste néerlandaise. De même, l'offensif et tubesque «
Fire,
Wind &
Earth » distribue ses coups de boutoir sur lesquels voguent des riffs ondulants et grésillants, lui aussi, dans le sillage d'un
Within Temptation du millésime 2011 ; grisante piste aux refrains obsédants, sur laquelle abondent les gimmicks guitaristiques et évolue une interprète plus agressive qu'à l'accoutumée, non sans octroyer d'élégantes ondulations dans les médiums.
Pour preuve que le trio suisse n'a pas tourné le dos à son passé, nombreux sont les passages dont la tradition semble se perpétuer, le folk en marquant plusieurs de son empreinte. Soucieux également de son évolution, il a habilement conjugué les styles, harmonisant ainsi rock'n'metal mélodique et folk, le plus souvent sur une cadence soutenue. A titre d'exemple, les riffs lourds arc-boutés sur une rageuse rythmique inondent « Hullaballoo », offensive et grisante plage à la mélodicité très "delainienne" avec une touche folk estampée
Eluveitie. Difficile d'échapper à ses fringantes harmoniques qui, tout comme les cristallines volutes de la déesse, cette fois apparentées à celles de Judith Rijnveld, ont des airs d'un
Kingfisher Sky à l'aune de «
Skin of the
Earth ». Mêmes effets pour le mordant « Starcrusher » qui, dans la veine de
Within Temptation et de
Delain doublé d'une touche folk, dissémine sa verve, à l'instar de ses riffs corrosifs étreignant une rythmique enfiévrée. En dépit d'une ligne mélodique un poil linéarisée, tant la puissance percussive que l'enivrante empreinte folk pousseront l'auditeur au réenclenchement de la touche play de son lecteur cd.
Dans cette lignée, lorsqu'il ralentit un tantinet le tempo, le collectif helvétique n'a pas moins tari d'inspiration, nous octroyant deux pistes des plus immersives. D'une part, au carrefour de
The Gathering et
Within Temptation, et doublé d'une once de folk, le mid tempo « Under the Oak
Tree » distille une belle énergie de par ses couplets joviaux et pousse au headbang sous l'impact de ses vibrants refrains. Bref, un propos simple, direct et efficace mais nullement caricatural. D'autre part, dans la veine d'un
The Gathering des premiers émois, avec un renvoi au folk dans le sillage d'
Elane, eu égard aux violoneuses et virevoltantes attaques, « Rebels » attire par ses suaves séries de notes, ses changements de tonalité autant qu'il intrigue par son cheminement harmonique. De plus, on ne pourra qu'être transporté par les voluptueuses patines d'une interprète féline jusqu'au bout des ongles. Un moment d'enchantement s'il en est...
Sinon, le combo a également essaimé des pistes au son folk plus marqué, avec de belles pièces à l'appui. Ainsi, d'obédience folk, « Hedonia » se présente comme une fresque polyrythmique insufflant un message musical empreint de mysticisme.
Semblant tout droit venue du fond des âges, dans la mouvance d'
Elane, à l'aune de « The
Silver Falls », la troublante plage charme par son atmosphère apaisante. Mêlant une insoupçonnée gravité du timbre de la sirène à des riffs saccadés, enrichis d'une pénétrante instrumentation traditionnelle, cet authentique méfait attise notre curiosité, nous intimant d'entrer en transe, et in fine, de faire corps avec les éléments. Raison de plus pour aller jusqu'au bout du voyage... Pour sa part, l'entraînant mid tempo «
Avalanche », de par ses infiltrantes harmoniques et son ambiance folk mélodique renvoyant à un
Lyriel typé «
Skin and
Bones », avec quelques réminiscences de
Eluveitie à l'époque de « Helvetios » et une touche rock atmosphérique des plus agréables, envoûtera sans mal le chaland.
Mais le collectif suisse réserve d'autres surprises, nous embarquant alors dans une ambiance plus ténébreuse, tout en sachant conjuguer le Yin et le Yang. Et notamment à l'instar de l'énigmatique «
Six Days », low tempo au riffing plombant relayé par de délicats arpèges au piano. A la croisée des chemins entre
The Gathering (première période), quant à son atmosphère crépusculaire, et
Lyriel, au regard de ses harmoniques, il nous entraîne dans une tourmente gothique à l'atmosphère trouble. Et ce, parallèlement à une ligne mélodique évanescente et contrastant avec la survenue d'une flûte gracile et les profondes impulsions de la maîtresse de cérémonie. Et la sauce prend...
Pour les amateurs de moments intimistes, ils ne seront pas oubliés, le trio leur ayant concocté trois ballades, dont deux seraient à retenir. A commencer par la power ballade « High Above These Crowns », jouant sur les nuances mélodiques et n'ayant de cesse de stimuler notre fibre émotionnelle. On le comprend d'autant mieux que cette séductrice offrande est à mi-chemin entre un
Delain typé « Moonbathers », eu égard à son tracé mélodique et sa vrombissante rythmique, et un
Kingfisher Sky estampé « Arms of
Morpheus », quant à ses harmoniques, avec, en prime, un regard tourné vers les caressantes et oscillantes inflexions d'Anneke. Telle une douce sérénade, «
Redemption », pour sa part, se pose comme une hypnotique ballade folk aux riffs émoussés, où la belle délivre de jolies envolées, se plaisant alors à tutoyer les notes les plus élevées. Et l'on adhère, une fois de plus, même si l'on aurait souhaité davantage de modulations mélodiques pour rendre le propos plus émouvant. Enfin, la laconique ballade a-rythmique « Water », sur fond de soyeuses nappes synthétiques, offre un agréable guitare/voix. Toutefois, tant sa linéaire sente mélodique que son insuffisance de variations ne la chargeront pas suffisamment en émotions pour réellement nous impacter. Peut-être le bémol de l'opus.
Ainsi, on découvre un album engageant et sensible, ayant joué la carte de la polyvalence, en diversifiant notamment ses ambiances et ses tempi.
Plus encore, le combo a varié ses exercices de style, et cela, sans pour autant avoir renié le versant folk, si cher à nos trois compères. Jouissant d'une mélodicité raffinée, doté d'accords efficaces, disposant du large éventail technique de ses auteurs et sous-tendu par une production d'ensemble exigeante, la galette marquera assurément l'âme de ceux qui y auront jeté une oreille attentive.
Avec peut-être quelques réserves pour les inconditionnels d'
Eluveitie, au regard de l'évolution actuelle de son projet, le trio suisse devrait néanmoins pouvoir compter sur un auditorat étoffé, eu égard au large panel de sources ayant, consciemment ou non, influencé son œuvre. Et ce, même si l'on aurait souhaité davantage de prises de risques, de charge émotionnelle sur les ballades, un éventuel instrumental, des duos, des choeurs... Mais pour leur premier essai, nos trois gladiateurs imposent déjà le respect, nous octroyant une œuvre habile et forte et, espérons-le, pérenne...
Mon premier commentaire sur ce site :)
J'ai connu Cellar Darling via Eluveitie. Le changement de cap est très perceptible. Cependant, Cet album me semble tellement plus sensible et mélodieux. Within Temptation ne me laisse pas indifférent et je retrouve aussi certaines notes agréables tout en étant différentes. Je parcours cet album en remuant la tête du début à la fin, sans lassitute via les différentes atmosphères proposées. La voix d'Anna Murphy et les différents instruments me transportent avec légereté pour une paranthèse tellement appréciable. Pas besoin d'énuméré les pistes, la chronique le fait très bien :)
J'apprécie moins le second album que je dois peut être approfondir.
Premier commentaire... Et premier merci pour cette belle chronique. Très bien écrite, elle donne envie de se plonger dans l'album autant que dans les autres groupes cités.
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