Liste des groupes Power Mélodique The Waymaker The Waymaker

Plutôt que de chercher à évoluer dans un metal mélodico-symphonique à chant féminin aujourd'hui surinvesti pour essaimer leurs gammes et leurs arpèges, il est des formations qui ont opté pour des voies alternatives pour livrer leur message musical. Et certaines se singulariseraient suffisamment pour s'en démarquer, dont ce trio né en 2019 d'une idée commune de l'expérimenté vocaliste suédois Christian Rivel (Narnia, Audiovision, ex-Golden Resurrection, ex-7 days...) et du prolifique guitariste, bassiste, claviériste et vocaliste finlandais Jani Stefanović (Solution .45, Miseration, Mehida, ex-Crimson Moonlight...). C'est donc sur les solides épaules de ces deux anciens membres de Divinefire – un groupe power metal suédois à la tête de cinq albums studio réalisés entre 2005 et 2011 et ayant acquis une importante notoriété au Japon et en Amérique du Sud – , et avec la complicité de Katja Stefanović – une talentueuse chanteuse finlandaise cumulant déjà plusieurs albums solo et ex-membre du groupe heavy mélodique finlandais Random Eyes – , que repose l'actuel projet dénommé The Waymaker.

C'est dans un power mélodique à la fois racé, torrentiel et pétri d'élégance, aux riffs volontiers épais, aux truculentes parties de guitare et calé sur un duo mixte à chant clair, que nous immergent nos acolytes, nous faisant penser tour à tour à Kamelot, Stratovarius, Frozen Crown, Narnia, Masterplan et Serenity. Ce qu'attestent leurs quatre singles (« The Waymaker », « Soldiers Under Command », « Kingdom of Heaven » et « Marching on ») sortis courant 2020 successivement et intégrés chacun dans leur introductif et présent album full length éponyme ; une rondelle modeste de ses 35 minutes sur lesquelles s'enchaînent sereinement huit pistes, signée chez le label suédois Melodic Passion Records. Avec le concours, pour l'occasion, du percutant batteur Alfred Fridhagen (Golden Resurrection, Hellspray, Mad Hatter, Morning Dwell, ex-Reinxeed...) et de l'habile guitariste Carl-Johan Grimmark (Narnia, Rob Rock, ex-Saviour Machine...), le méfait se dote d'atouts supplémentaires pour pousser le chaland à headbang bien senti et quasi ininterrompu.

Produit et mixé par Jani Stefanović, et mastérisé aux Panic Room Studios par Thomas 'Plec' Johansson – pluri-instrumentiste suédois (Torchbearer, Unmoored, ex-Mean Streak, guest chez Divinefire, Essence Of Sorrow, Miseration...), également et surtout connu pour avoir contribué à la mise en valeur et/ou la finalisation d'albums de Divinefire, Eleine, Lyriel, Narnia, Soilwork, The Night Flight Orchestra, parmi tant d'autres –, l'opus bénéficie d'une péréquation de l'espace sonore entre lignes de chant et instrumentation, de finitions passées au crible, et surtout d'une belle profondeur de champ acoustique. En découle un confort auditif autorisant l'écoute de la galette d'un seul tenant. Au vu du pedigree affiché, il nous tarde d'aller jeter nos deux oreilles dans le chaudron bouillonnant en quête de quelques pépites intimement enfouies...

Le plus clair de la traversée s'effectuera en eaux houleuses, les cinglants coups de boutoir n'ayant alors de cesse de pleuvoir et la rythmique de s'enflammer. Ainsi, c'est sur des charbons ardents que nous projette « The Waymaker » ; vibrant up tempo au confluent entre Narnia et Frozen Crown. Servi avec les honneurs par un duo en parfaite osmose, octroyant de fulgurantes accélérations, et surmonté en prime d'un flamboyant solo de guitare, l'échevelant effort n'a pas tari d'armes bien affûtées pour asseoir sa défense. Tout aussi tonique et accrocheur, « The Name above All Names » n'a de cesse de nous asséner ses véloces et sèches frappes, se parant parallèlement de fines nuances mélodiques et d'un refrain d'une redoutable efficacité. Difficile également d'échapper à la vague de submersion qui va s'abattre sur nous à l'aune de « See the New Generation », une sémillante et frondeuse offrande à mi-chemin entre Stratovarius et Masterplan, dont l'impact se voit renforcé par de profondes et pénétrantes impulsions masculines.

Dans une même énergie, s'inscrivant davantage dans la lignée atmosphérique de Kamelot, d'autres espaces d'expression ne sauraient davantage être éludés. Ce qu'atteste, d'une part, l'éruptif « Kingdom of Heaven » ; se dotant d'un refrain catchy mis en exergue par les angéliques et néanmoins puissantes inflexions de la sirène, d'enchaînements intra piste ultra sécurisés et d'un éblouissant legato, l'échevelant manifeste ne lâchera pas sa proie d'un iota. D'autre part, le fringant « Marching on » tout comme le vitaminé « I Am Sustained » envelopperont le tympan tant à la lumière de leurs couplets bien customisés et de leur inaltérable et martelant tapping qu'au regard de leurs frivoles gimmicks guitaristiques et des attaques en voix de gorge du maître de cérémonie.

Le combo a également témoigné d'une certaine aisance dans un registre heavy mélodique classique, et ce, via le périlleux exercice des reprises. Ce qu'atteste « Soldiers under Command », tubesque up tempo emprunté au groupe californien Stryper. Aussi, effeuille-t-on une saisissante relecture de ce standard du heavy des années 80, nous renvoyant d'un coup d'un seul quelque 35 années en arrière. Sans dénaturer son accrocheuse ligne mélodique, le collectif lui a adjoint une petite touche de modernité, l'a habillé d'un inattendu mais fringant duo mixte, tout en lui accolant un solo aux petits oignons signé Carl-Johan Grimmark. Une manière aussi subtile qu'habile de revisiter l'une des gemmes de l'un de nos classiques, et qui, selon votre humble serviteur, ne sera pas sans générer quelques émotions aux fans du genre...

Que l'aficionado de moments tamisés se rassure, nos impitoyables gladiateurs se muent à leurs heures en bourreaux des cœurs en bataille, parvenant dès lors à générer cette petite larme au coin de l'oeil que l'on tenterait d'esquiver, en vain. Aussi, ne pourra-t-on que malaisément se soustraire à la forte charge émotionnelle insufflée par « The Rain of Your Love », ballade romantique jusqu'au bout des ongles aux airs d'un slow qui emballe que n'aurait nullement reniée Frozen Crown. Mise en habits de soie par les fondantes patines de la déesse que rejoignent volontiers les chatoyantes modulations de son acolyte et surmontée d'un fuligineux solo de guitare, la tendre sérénade ne se quittera qu'avec l'indicible espoir de plonger à nouveau le pavillon dans cet océan de félicité.

Au terme d'un voyage aussi poignant que tumultueux, nous bringuebalant parfois comme pour mieux nous retenir, force est de constater que nos acolytes n'ont manqué ni d'audace ni de panache. Nous conviant à une œuvre à la fois enjouée, offensive et romantique, à la production d'ensemble plutôt soignée, n'accusant pas l'ombre d'un bémol, le méfait se parcourt de bout en bout sans encombres. D'aucuns auraient peut-être souhaité davantage de diversité atmosphérique et rythmique, des exercices de style plus variés qu'ils n'apparaissent ainsi qu'un zeste d'originalité supplémentaire. De plus, si un réel potentiel technique s'esquisse, au demeurant des plus avenantes, les lignes mélodiques, s'avèrent, elles, le plus souvent convenues. Mais la troupe a encore bien le temps de faire évoluer son art et de revenir plus efficacement armée encore dans la bataille. Quoi qu'il en soit, à l'aune de cette première ogive d'une puissance dévastatrice, elle offrira d'ores et déjà au chaland matière à se sustenter...

Note : 15,5/20