Pas moins de trois longues années se sont écoulées depuis leur premier album full length à l'aune de l'opulent « Bringer of
Life » (
2012). Surtout, cet album a vu le combo britannique relever l'exigeant défi de sa propre évolution. Et ce, après des débuts initialisés par une discrète démo,
W.I.L.D. (2006) et un EP déjà incitatif à l'adhésion, à l'instar de «
Shadow Symphony » (2009). Sans chercher à remettre en question ses fondements power symphonique, le combo a oeuvré sans relâche pour nous offrir, cette fois, un propos musical plus épique, aux accords plus catchy que par leur honorable passé. Il ne s'agit pas tant d'une rupture stylistique de fond que d'une évolution atmosphérique, artistique et technique qui en a défini le contenu. On comprend que « The Valiant
Fire », par sa nouvelle orientation de forme, annonce d'ores et déjà la couleur...
Le trio issu de Doncaster poursuit donc son projet avec l'indicible espoir d'effleurer davantage d'âmes encore, en les asseyant plus sereinement à sa table. A cet effet, on retrouve le guitariste, émérite claviériste et choriste
Will Graney, le batteur à la frappe experte en la personne de John Graney ainsi que Per Fredrik Asly, dit
Pellek, chanteur charismatique au timbre de voix polymorphe. En outre, un soin particulier a été apporté à la qualité des arrangements ainsi qu'aux parties techniques de l'instrumentation, sans oublier la finesse d'écriture des textes observable sur chacune des chansons et les finitions décelables sur chaque piste. Ces éléments ainsi conjugués témoignent, dès lors, d'un poil de maturité artistique supplémentaire accolée à cette seconde mouture full length eu égard à leurs productions antérieures. Précisons aussi le rôle joué par Scott Atkins (Grindstone Studio, Ipswich), au mixage et au mastering, assurant ainsi un parfait équilibre entre riffing et orchestration, comme il l'a déjà prouvé chez
Cradle Of Filth et
Sylosis.
La porte d'entrée de l'opus nous place face une pochette à l'artwork sobre et raffiné, dessiné à l'encre de Chine par JungShan. Ainsi, un sombre guerrier armé nous fait face, placé au cœur d'un cadre au cercle sanguinolent, sur fond immaculé. Cette image aux teintes hétérogènes symboliserait l'univers de contrastes atmosphériques habitant cette œuvre. Elle imposerait également une dynamique graphique pour l'oeil, transparaissant précisément dans la frondeuse cohésion orchestrale qui nous est livrée. Aussi, la diversification de la section rythmique et des ambiances nous amène à y voir des courants d'influences plus épars qu'antérieurement. On oscillerait entre les subtils arrangements de
Nightwish, la dynamique rythmique d'
Epica, le riffing corrosif de
Sonata Arctica, avec quelques refrains luminescents dans l'esprit d'
Evergrey ou d'
Orden Ogan. Quant aux phases vocales, on est à la croisée des chemins entre Tommy Karevik (
Kamelot, seconde mouture), Georg Neuhauser (
Serenity) par moments, ou encore Tony Kakko (
Sonata Arctica), voire Brett Anderson (Suede). Ce qui renseigne sur l'étonnante étendue du spectre vocal du maître de cérémonie.
Une touche heavy se superpose à un power symphonique bien enlevé tel que l'a souhaité le groupe, comme pour renouer partiellement avec son glorieux passé. De deux manières différentes, il affiche sa détermination à nous emmener dans une sphère densément rythmée avec un message fort en substance dans les paroles. On l'observe déjà sur l'entraînant « Icarus
Syndrome » qui, avec un mid-tempo propice à un headbang enfiévré et son riffing plombant, nous conduit irrémédiablement à des refrains immersifs à souhait. De plus, on ne manquera pas un joli pont orchestral, quelques complexes accords, eux-mêmes renvoyant à une solide technique instrumentale. Au-delà, des éléments de recherche sur les sonorités nous immergent quelques instants, et ce, dans une atmosphère doucereusement planante. On n'oubliera pas non plus la patte de l'interprète, mêlant puissance maîtrisée du timbre et fêlures, nous plaçant au carrefour des célestes modulations de Georg Neuhauser et de celles de Tommy Karevik. Cette première arme de séduction a pour corollaire celle de sa voisine, « This Is Who We Are », disposant de refrains catchy et d'un solo de guitare quasi magnétique. Quelques arpèges au piano nous aspirent vers un environnement orchestral violoneux avant que ne s'infiltre la voix féline de Sir
Pellek, à la façon de Tommy. En outre, les arrangements sont de très bonne facture, les riffs plutôt incisifs, la rythmique épaisse et un tantinet mouvante. Enfin, des variations de tonalité se cristallisent sur la piste ainsi qu'un break vocal, celui-ci laissant s'exprimer un pont instrumental en substance, avant une jolie reprise de micro de l'émérite vocaliste. Bref, si ce n'est pas un hit, ça y ressemble! Dans cette veine s'inscrit également le virevoltant «
Closure ». Une introduction violoneuse et souriante s'accorde avec un profond environnement cuivré, où résonnent de chaleureux cors, avant que des riffs rugueux ne prennent le relai, eux-mêmes étreignant une section rythmique en mid-tempo. De plus, des refrains hypnotiques enveloppent nos pavillons à l'instar de jolies séries de notes distillées par le timbre reptilien du valeureux chanteur. Un break instrumental s'installe et laisse justement le corps vocal s'exprimer un instant, avant une bondissante reprise, bien difficile à prendre en défaut. Nous voilà déjà renseignés sur les intentions du combo d'en découdre, à sa manière, avec la concurrence.
Par ailleurs, le groupe n'a pas oublié ses fondamentaux stylistiques, déployant des trésors d'ingéniosité sur des plages ensoleillées de ses notes power symphonique classique. A commencer par l'entame de l'opus, « Finding
Requiem ». Une douce ambiance violoneuse ouvre le rideau pour nous plonger au cœur d'une cavalcade rythmique, corroborée de riffs tranchants. Les couplets sont finement ciselés et les refrains aussi mordants que pénétrants, sous la houlette du cador aux inflexions claires et puissantes, dans l'esprit de Georg, avec une pointe de Tommy dans les médiums. Des changements de tonalité insoupçonnés s'invitent aussi à nos tympans ainsi qu'un pont instrumental imposant d'obédience heavy mélodique, ce dernier précédant un solo de guitare aussi fluide que ravageur accolé à une féroce double-caisse. C'est dans cette mouvance que s'achève notre parcours, à l'aune de l'outro d'inspiration symphonique « Under an
Ancient Sun ». Une orchestration progressive initialisée par des sonorités de violoncelles et de gros cuivres nous envoûte par ses ondulations, ses nuances, son relief acoustique de grande ampleur. Une énergique rythmique estampée power, avec une touche heavy, s'accouple ici avec un cinglant riffing. Et ce, le long des neuf minutes de cette plage riche en arrangements, techniquement complexe et aux jolis contrastes. Un peu brutal mais sans être démoniaque, ce titre offre aussi de superbes nappes synthétiques accrochées à un joli pont, avant que cors et violons ne reprennent le flambeau. Cette fois, c'est sous des chapelets de notes aériennes et cristallines que nous accompagne tout le long l'impétrant, à la façon de Tony Kakko. On comprend que
Pellek sait comment nous rallier à sa cause...
Mais, non content d'en rester rivé à ces structures instrumentales rigoureuses, le groupe a aussi veillé à diversifier sa proposition. Et ce, à l'image de rythmiques variées cohabitant dans un même espace sonore, sans y perdre en cohérence sur le plan des compositions. Le surprenant « Everlasting » est dans cette logique là. Une douce ouverture aux sonorités ouatées d'une musique de film nous conduit à des contrastes d'ambiance et à une vivifiante rythmique qu'accompagnent des riffs griffus. Pensant suivre un rassurant mid-tempo d'inspiration heavy, on se surprend à découvrir de nombreuses variations de rythmes. On déambule au sein de refrains colorés et de fines gradations de tonalité, avant qu'un break aux notes aquatiques ne vienne rompre cette dynamique. Une reprise vocale et orchestrale magistrale s'ensuit avant que la rythmique ne s'accélère, à la manière d'
Evergrey, pour finir avec les honneurs. Il en va de même pour l'instrumental «
The Fire Inside », où la section rythmique ne s'est pas contentée de suivre un cheminement pré-déterminé. Des perles de pluie au piano nous invitent rapidement à suivre des riffs martelants le long d'une rythmique power, pour aboutir à une orchestration samplée des plus charismatiques et à des choeurs chatoyants. Par effet de contraste, une voix féminine au loin se fait entendre lors d'un break inattendu, se faisant alors prendre en étau par une reprise instrumentale émoustillante. Le combo se prend même le luxe de lâcher les chevaux, la double-caisse nous enivrant progressivement jusqu'à la note ultime d'une fin de piste tonitruante. Ou, l'art de savoir conjuguer les contrastes...
Pour ceux qui les attendaient, les voici, les plages où le repos de l'âme est de mise!... Ainsi, cuivres, violons ainsi qu'une guitare rythmique nous attirent dans les bras de la somptueuse ballade « The Passing ». Si les couplets s'avèrent enivrants, les refrains se révèlent parfaitement customisés au gré d'impulsions vocales aussi limpides que lumineuses, à la façon de Brett Anderson. Pour compléter ce tableau déjà prégnant, des changements de tonalité viennent affiner le trait, tout comme un joli solo de guitare venu nous faire un clin d'oeil.
La voilà enfin, la pièce maîtresse et fresque de l'album ! Se déployant majestueusement sur près de dix minutes, la ballade progressive « The Frontiersman » évolue au gré des nuances atmosphériques et de tonalité pour finir en apothéose. D'entrée de jeu, cette piste nous installe en douceur au son d'une guitare acoustique, précédant un éveil orchestral un poil orientalisant. A la manière de Tommy,
Pellek use d'une voix de gorge associée à un léger vibrato, gagnant en puissance au fil du morceau, pour assurer notre confort auditif tout le long. Sinon, pas moins de deux soli de guitare fringants et trois breaks s'égrainent sur notre parcours, ces derniers permettant aux reprises d'évoluer crescendo. Si la rythmique s'accélère progressivement, elle retrouvera ses assises du début à la dernière reprise. Ce qui n'empêche nullement le titre de nous octroyer les notes finales, celles qui font mouche !...
On ressort de l'écoute de cette roborative et goûteuse galette avec le doux sentiment de détenir une petite pépite déjà finement sculptée. Racé, surprenant, vivifiant, accaparant, le propos musical a pris le temps nécessaire à sa bonification optimale. Aussi, peu de défauts de production émaillent la surface de ces neuf pistes. En outre, ces dernières nous ont fait voyager dans l'espace affriolant et authentique de pas moins d'une heure d'un déploiement quasiment ininterrompu de sonorités enjouées. On a pu remarquer également une distanciation plus marquée, à défaut d'être radicale, des modèles identificatoires du groupe, apposant, par là, son sceau sur la plupart de ses heureuses compositions.
Que les fans du groupe se rassurent, on retrouve le power symphonique bien trempé du combo, avec une pointe d'originalité supplémentaire et de nombreux arpèges inédits. C'est dire que les amateurs du genre ne seront pas pris au dépourvu, loin s'en faut. L'accessibilité de la plupart des plages aidant, ces dernières semblent formatées pour répondre à des attentes d'autres publics encore. Véritable tour de force accompli par le groupe dans un exercice de style pas nécessairement conçu à cet effet.
Nul doute que nos acolytes ont élevé le niveau de leurs compositions d'un cran et qu'ils continueront à réalimenter leur projet dans cette énergie-là. L'attente fut longue mais le résultat en est une production collective méticuleuse, qui s'inscrira probablement dans l'histoire du registre dans lequel le combo officie. Autant dire qu'il serait regrettable de passer à côté de l'incommensurable plaisir de toucher, sentir, ouïr cette puissante et délicate rondelle.
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