Les split-albums ont ceci d'intéressant qu'ils permettent aux groupes présents dessus d'essayer d'expérimenter pour proposer des choses un poil différentes de ce qu'ils jouent habituellement sur un album complet (par exemple
Darvulia sur leur split récent avec
Sektarism). Et, bien entendu, ils servent aussi à présenter un groupe potentiellement inconnu aux fans d'un autre groupe qui aurait acheté le disque juste pour les morceaux de leur combo favori.
Sorti en douce à la toute fin d'année 2014, ce split réuni donc les finno-germaniques de
My Shameful (pour ce qui est, mine de rien, leur 10ème production à ce jour) et les russes de
Who Dies In Siberian Slush.
Ce sont eux qui ouvrent le bal. Groupe honnête mais parfois très quelconque, les moscovites pratiquent ce genre si particulier de
Doom russe qui passe son temps à constamment hésiter entre
Doom/
Death romantique et
Funeral Doom. Comme de nombreux groupes de l'écurie
Solitude productions,
Who Dies In Siberian Slush est donc un groupe techniquement au point, très fiable en ce qui concerne l'expression des sentiments au travers de la musique mais qui finalement ne propose rien de plus qui fasse avancer le genre. Ils y font toutefois honneur, mais on aimerait un peu plus de personnalité. Et curieusement, c'est ce que les deux titres présentés ici proposent. Si la base reste identique à celle de leurs albums précédents, on note une plus grande emphase mise sur les mélodies et un travail très poussé sur les arrangements parfois aux limites du théatral. L'ajout d'instruments atypiques pour le genre (du trombone, de la flûte traversière) permet au groupe d'aérer ses compositions en leur donnant plus de volume, encore plus appréciable si vous disposez d'un système 5.1 ou lors d'une écoute au casque. Là où les albums du groupe proposaient un
Doom/
Death classique mais passe-partout, on se retrouve ici avec deux morceaux qui laissent bien augurer de l'avenir si
Who Dies In Siberian Slush conserve ce line-up (le groupe est réputé pour ses changements de musiciens) et s'il persévère dans cette voix. Des deux titres, "The Tomb Of Kustodiev" a ma préférence, pour une simple question de choix en ce qui concerne la thématique abordée (la chanson fait référence au célèbre peintre et décorateur de théatre russe
Boris Koustodiev, et à la superbe croix orthodoxe en bois gravé qui orne sa tombe toute simple au cimetière Tikhvine à Saint-Petersbourg).
Inversement,
My Shameful sont loin d'être des débutants. Avec 15 ans de carrière au compteur, le groupe est l'un des rares combos d'origine finlandaise de
Doom/
Death à être toujours en activité aujourd'hui. Si la qualité musicale des sorties du groupe a connu des hauts et des bas (on citera ici "...Of
Dust" et "The
Return to
Nothing" comme les albums réellement incontournables du projet), il faut reconnaître que l'on se demandait ce que le groupe allait devenir après la fermeture de leur label historique Firebox Records. Le groupe, maintenant composé aussi de musiciens allemands en plus de l'indéboulonnable Sami Rautio(qu'on a aussi entendu tripoter la six-cordes chez Cardinals'
Folly), nous est récemment revenu avec un album et ce split CD. les deux morceaux sont très différents de ceux de Who Dies In Siberia Slush. Si le
Doom/
Death de
My Shameful flirte aussi avec le
Funeral, il est aussi quasiment dénué d'arrangements et centre sa musique sur un son de guitares particulièrement crasseux et morbide. Tout est noir chez
My Shameful, tout est étouffant, tout est sans espoir. Et paradoxalement, tout est aussi beaucoup plus facile d'accès que sur leurs précédentes réalisations.
Il s'agissait déja d'une évolution que l'on ressentait à l'écoute de leur récent disque "
Hollow" (qui précède d'un mois ce split), un choix déterminer de quitter le noir absolu pour de nouvelles nuances de gris. Et c'est plus réussi que sur "
Hollow". D'une certaine manière, le groupe retrouve un peu de la superbe qui en faisait un nom avec qui compter au milieu des années 2000. Notamment le groupe revient à cette utilisation si subtile de la distorsion au niveau des guitares, qui n'est pas sans rappeler un autre groupe culte aujourd'hui disparu :
Paramaecium. Toutefois, malgré cette évolution, My shameful reste encore trop timide. Bien que réussis, les morceaux proposés ici ne sont pas leurs meilleure réalisation et même si l'on ne s'ennuie jamais, il reste quand même un arrière-goût de trop peu. On sait le groupe capable de bien mieux, et j'apprécierais énormément de les voir ressortir un album de la trempe de "The
Return to
Nothing".
Reste que, dans cette période où dès que l'on parle de
Doom on pense immédiatement à un nouveau clone de
Black Sabbath ou de
Candlemass, il faut reconnaître que ça fait un bien fou d'entendre qu'il existe encore des groupes qui choisisse de défendre le
Doom extrême. Même si c'est loin d'être une sortie incontournable, ce disque ne fera toutefois pale figure au milieu de votre discothèque.
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