Pendant longtemps et pour beaucoup, citer les pionniers du doom/death s’est résumé à avancer des noms issus d'outre-Atlantique (
Goatlord,
Winter) et d'outre-Manche (
Paradise Lost,
Cathedral). C'était compter sans l'existence d'une scène prolifique dès la période charnière de la fin des années 80 : la scène néerlandaise.
La Hollande, l'autre pays du doom/death (comme dirait la pub), avec des précurseurs tels que
Sempiternal Deathreign,
Delirium et
Necro Schizma ayant très tôt œuvré à la création de ce style hybride, quelque part entre gore et malédiction. Par la suite, c'est tout sauf un minuscule groupuscule qui s'est engouffré dans la brèche : Mourning,
Spina Bifida,
Sad Whisperings,
Mystic Charm,
Castle, Maleficium,
Perpetual Demise,
Stentorian, sans compter les groupes n'ayant pas dépassé le stade de la démo / EP. Tout autant de formations ayant repris le flambeau en restant paradoxalement dans l'ombre, pour la plupart.
Si le syndrome dit "du mono-album et de l'existence éphémère" qui les a tous frappé sans exception constitue une part de l'explication à une telle réclusion, la signature avec des labels de très petit gabarit et confinés à une diffusion ultra-restreinte en est une autre. Et ce n’est qu'avec le déploiement massif d'internet, en début de nouveau millénaire, que cette scène a commencé à gagner la reconnaissance qu’elle mérite, les pièces d’époque ayant désormais acquis le haut statut de collector sur les divers sites d'enchères et autres ventes d'occasion.
Sempiternal Deathreign fut le premier groupe batave en activité, dès 1987, et le premier aussi à avoir sorti un full-length en 1989, baptisé "The Spooky
Gloom". Précurseur au niveau national, et dans le peloton de tête au niveau mondial, juste devancé par "
Journey into
Mystery" (œuvre des américains de
Dream Death en 1987) mais un an avant les références que sont "
Into Darkness" (
Winter) et "
Lost Paradise" (
Paradise Lost). Cela dit, cet exploit digne du Guinness Book du parfait metalleux n’aurait qu’un intérêt limité si l'album en question n’était pas bardé de qualités musicales et d’inventivité, ce qui est le cas.
Les racines du duo Victor Van Drie / Frank Faase, épaulé pour l’occasion par le batteur de session Remo Van Arnhem, se situent dans le death metal naissant, portant encore nettement la marque du thrash metal des eighties, comme en témoignent certains soli rapides et aiguisés, quasi-épileptiques. Le pur growl abyssal n'est pas encore arrivé, ce sont des vocaux déments et barbares qui sont de mise, imposant l'image d'un boucher dépeçant de la chair humaine. Les sauvages et expéditifs "
Resurrection Cemetery" et "Unperceptive
Life" sont un manifeste sans concession de ces racines. D'ailleurs, le second morceau apparaissait déjà sur leur démo "Creepshow" datant de 1988.
Certes, les limites de la violence musicale avaient déjà été repoussées dans le death metal, avec les œuvres fondatrices de
Possessed et
Death, et on pourrait donc reprocher à
Sempiternal Deathreign une certaine carence d'un point de vue technique dévastatrice. Mais ce n’est manifestement pas l'objectif que le groupe recherche avec "The Spooky
Gloom". Car quand on parle de doom, on parle avant tout d’ambiances, de feeling, de scènes funèbres. De créatures revenant d’entre les morts pour jeter la malédiction sur ceux qui ont le malheur d’être en vie. D’entités d'outre-espace débarquant sur la planète pour y apporter la désolation. La fin du monde sans rémission ! The sempiternal deathreign ! … Tout est dit dans le nom du groupe comme dans l’illustration de la pochette, empruntée à Gustave Doré. Et c'est exactement ce que l’on ressent à l’écoute des quatre pavés constituant l'essentiel de l'album, alternant habilement le côté gore du death à la menace du doom dès l'entame "Creep-O-Rama".
Le morceau central "Devestating
Empire Towards Humanity" est particulièrement marquant par son ouverture au piano retranscrivant l’imminence du désastre et ses longs passages rampant lourdement tels des abominations malfaisantes, révélateurs de cette recherche d'atmosphères. Quant à "
Dying Day", il s'agit d'un modèle de lente et douloureuse putrescence. Enfin, on ne sait si les vocalises bestiales et souffreteuses achevant le morceau-titre proviennent du persécuteur ou du persécuté.
Les paroles baignent complètement dans l’esprit du Père des Pères du
Doom, à savoir
Black Sabbath, dont l'influence s'était déjà perpétuée au travers d'héritiers tels
Pentagram et
Saint Vitus. Les descriptions appuient efficacement le substrat musical pour dépeindre un climat d’horreur et de mauvais présage. De savoureuses histoires comme on peut en lire du côté des Tales from the
Crypt et autres
Crypt of Terror.
Malgré un niveau d’aboutissement encore rare à l’époque (si ce n’est les démos de
Winter,
Necro Schizma,
Goatlord et l'album de
Dream Death, ne l'oublions pas),
Sempiternal Deathreign et "The Spooky
Gloom" sont pendant longtemps restés relégués aux oubliettes, à l’image de la scène doom/death de leur pays. Leur reconnaissance tardive n’en est donc que d’autant plus méritée, et par-dessus tout légitime.
Merci l'ami !
A la lecture du début de la première phrase ("1986, trois gamins originaires de Gouda") j'ai commencé à me marrer. C'est con comme parfois un simple mot peut nous faire réagir bizarrement. Mais j'ai su reprendre mon sérieux rapidement, l'honneur est sauf.
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