Parmi les forumers de
Spirit Of
Metal, certains sont aussi musiciens, et nous font régulièrement partager leurs créations. Ainsi, je surveille la mare aux petits poissons en attendant que l'un d'eux aie suffisamment grossi pour être pêché et dûment chroniqué, à l'instar de Mehen,
Emperor Ov Larvae, ou encore Spinozarre. S'il y en a un que je suis avec intérêt depuis quelques années maintenant, c'est un jeune pianiste de Chambery, qui crée sa propre musique en home studio depuis l'âge de… neuf ans ! La potion metallique, Alexis Cochet est tombé dedans tout petit, et dès onze ou douze ans, il tâtait déjà du metal gothique ou symphonique, en version claviérisée, avec des patterns assaisonnés de double grosse caisse. Son projet, exclusivement instrumental, a pris plusieurs noms : d'abord
Path Dark, puis Bumper, ETNA, Xahla, et enfin Kina Siern. C'est en 2017 que je l'avais découvert avec ETNA, qui proposait des compositions fleuves, dépassant parfois les dix minutes, mélangeant black metal, metal symphonique, et prog, toujours à base de claviers. Pour vous donner une idée, le troisième et dernier album d'ETNA, "
Suffocation" faisait tout de même une heure et trente sept minutes. Si les influences étaient majoritairement metal, la touche sonore avait un rendu un peu robotique, comme un genre de synthwave metal progressif, mais la composition au clavier apportait clairement des idées originales et rafraîchissantes.
Depuis deux ans, Alexis Cochet sauté le pas pour se mettre à la guitare électrique -jusque-là les sons de guitare étaient joués au clavier, et l'inclure pleinement dans son nouveau projet : Kina Siern. Il en résulte un premier album demo autoproduit, "
The Sinister Awakens", sorti le 26 janvier 2021, qui présente les morceaux dont il accouché en 2020.
Les claviers sont toujours prédominants au début de l'opus, comme pour faire la transition avec ETNA (le limpide et dépouillé "Intro", l'éthéré et synthétique "
Dive !" rappellent les titres les plus calmes de cette époque). Le metal est aussi de la partie, avec du black, de la double grosse caisse, des blasts et des claviers inquiétants ("My
Anger"), du metal sympho avec de la gratte bien saccadée ("
External Sorrow"), ou des riffs lorgnant vers l'industriel percutant ("Built From the Start", "
Another Day Will Come").
Mais sur la globalité du disque on note un changement assez massif au niveau de la palette de styles abordés. La guitare électrique, en faisant son entrée, apporte une touche bien plus chaude à l'ensemble de sa musique. "Deconstructed" flirte avec de la pop énigmatique, avec une guitare crunch qui égrène des notes contemplatives, comme une musique de film. "Bitter Gray" pousse encore plus loin cette veine cinématographique, avec cette rythmique presque country mais rapide, sur des guitare en mode chill. Le poignant "Moving On" témoigne de la maturité acquise par le musicien, avec juste des arpèges, du piano et quelques lignes de cordes.
Kina Siern se révèle beaucoup plus varié et ouvert que ETNA, et ce qu'il perd en cohésion, il le gagne en rendant son écoute plus agréable. Les compos sont plus courtes, moins complexes, avec des changements et breaks mieux amenés que par le passé. Il reste des points perfectibles, et cela se trouve principalement au niveau de la section rythmique. La basse est peu audible, et en conséquence il manque de chaleur et de gras dans le bas du spectre pour que tout vibre à l'unisson. La batterie est encore un poil raide et robotique, même s'il y a des gros progrès par rapport à ses anciens albums. Enfin, la qualité sonore est inégale d'un morceau à l'autre, surtout entre les morceaux metal et les autres -le son de la batterie change lui aussi.
En résumé, avec l'adjonction de la guitare, un matos d'enregistrement plus conséquent, et une prise de risque couplée à une maturité grandissante, Alexis Cochet a presque franchi un palier décisif avec ce premier album en tant que Kina Siern. Le malaxage de metal avec des claviers, avec sa capacité d'improvisation, a de quoi allécher le mélomane à la recherche de nouveauté et d'audace. Je verrais bien aussi revenir un poil de la grandiloquence malsaine qu'on trouvait chez ETNA, pour maintenir le frisson. Il ne manque plus qu'un peu de recul, de rigueur méthodique dans le forgeage du son, et une vraie bonne grosse basse des familles pour mettre en valeur la créativité pléthorique dont il est capable. Et dire qu'il n'a que 19 ans…
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