On entend souvent se plaindre à propos d'un soi-disant désert de la scène française metal en général. Toutefois il existe un registre exempt de ce genre de reproche, et c'est le metal symphonique. La scène symphonique française est l'une des plus riches du monde, malgré le manque de formations d'envergure à la
Nightwish ou
Epica. L'envergure internationale peut cependant figurer parmi les ambitions du groupe français
Qantice, tant son professionnalisme et son sérieux sont bluffants. La force de travail du combo est elle aussi impressionnante, puisque
Qantice (tout comme leurs compatriotes
Polarys), en plus de créer des concept-albums à chaque fois, s'est carrément construit son propre univers, d'où ils puisent les histoires pour leur musique. Un livre de science-fiction est même paru sur cet univers, écrit par le guitariste Tony Beaufils. Bref,
Qantice va jusqu'au bout de ses idées.
Le premier album après deux démos,
The Cosmocinesy (sorti cinq ans auparavant), avait déjà eu à l'époque de très bons retours, mais Vince, le chanteur d'origine, est parti s'occuper d'autres projets (
Agone Angel).
Qantice recrute alors le norvégien Per Fredrik Asly alias PelleK, jeune chanteur à la tessiture extra large, mais en faisant parfois trop, comme sur ses albums solo. Reste à voir s'il sait se tenir lorsque ce n'est pas lui qui compose, comme chez
Damnation Angels où il était très bien.
Quant au concept, celui-ci est une fois de plus très poussé et complexe, mettant en scène les personnages dans des situations rocambolesques. Les pirates de l'espace, résidant sur une île volante, doivent sauver les gentils mutants de leurs méchants voisins Bushels ; et pour ce faire ils disposent de nouveaux boucliers permettant de voyager à travers la matière ! Ceux qui en sont équipés sont appelés les Phantonautes ...
The Phantonauts débute sur une introduction orchestrale nommée Bygones, qui impose doucement une ambiance cinématographique épique pour enchaîner justement avec
Epic Fail. Le tempo est rapide, imprimé par une section rythmique bien présente, les guitares vrombissent, et tout l'orchestre vibre en phase.
Question production, ce disque est une merveille, c'est un diamant taillé avec finesse, afin de faire ressortir chaque élément à sa juste valeur (même si la basse manquerait d'un peu de rondeur). Les lignes de chant sur cette première chanson semblent taillées spécialement pour PelleK, tant il paraît à l'aise. Son style de chant est parfaitement reconnaissable, de même que son timbre très clair, mais il est ici tout en justesse, ne débordant pas du rôle qui lui est attribué.
Les morceaux, plutôt courts sauf exception, se suivent et ne se ressemblent pas, offrant une large palette de mélodies tout en gardant un fil conducteur.
Slayer's Jig paraît au départ "simplement" être un morceau de symphonique puissant et épique, mais se révèle ensuite beaucoup plus intéressant avec ces chœurs délirants, et cette partie instrumentale très rythmée, presque folk avec ce violon fou. PelleK nous offre un magnifique refrain chanté avec un feeling incroyable.
Phantonaut dévoile lui aussi de très belles émotions de la part du Norvégien, avec une montée en puissance proprement jubilatoire, où les guitares arrivent petit à petit pour une musique bien rythmée. Le violon de
Yosh Otias offre une performance très belle et très technique et on comprend bien l'intérêt d'avoir une violoniste dans le line-up.
Giant of
Embers nous en met plein la vue grâce à des orchestrations massives mais très soignées. L'ambiance se fait alors plus sombre, presque tragique, avant un bon solo de guitare qui aurait aussi bien sa place sur un disque de pur heavy metal.
Hoverland joue lui aussi la carte d'un metal épique à souhait, empruntant volontiers au power metal, avec une section rythmique bien présente. La batterie joue une partition certes assez classique (et ce, sur tout l'opus), mais l'interprétation est d'un bon niveau. Ces titres rapides et grandioses évoquent alors
Rhapsody pour l'aspect
Power, ou
Fairyland pour la richesse des orchestrations.
Après toutes ces péripéties The Last
Circus calme un peu le jeu, sur un tempo d'un coup plus lent, et un étrange piano parfois dissonant. La présence de l'accordéon renforce cette sensation de bizarre, d'étrange, de folie ... Et que dire de ce final ? On croirait entendre l'orchestre d'un cirque fantôme jouer une dernière gigue !
Arrive alors la pièce de choix, le plat de résistance, The Gest of Nekroxyter, savamment introduit par le sympathique intermède symphonique Swansong by Syphelia. Le rythme est encore une fois rapide, les refrains efficaces et les orchestrations impressionnantes. Le milieu du morceau voit l'apparition d'étonnantes mais somptueuses mélodies orientales, avec des chœurs lancinants par Zaher Zorgati (
Myrath) et même du bouzouki par l'ex-
Orphaned Land Yossi Sassi ! La suite du morceau joue dans une gamme plus progressive, avec cassures de rythme, et où flamboyance symphonique alterne avec les extravagances techniques de Tony Beaufils. Un grand morceau d'originalité comme on aimerait en voir plus souvent dans le milieu du symphonique.
L'opus se termine enfin sur un titre acoustique nommé Mild
Illusion, agréable mais pas inoubliable. C'est d'ailleurs le seul réel défaut de cet album, qui propose avec Stars et ce Mild
Illusion un final un peu en-dessous de ce qui a été entendu précédemment.
Qantice sur ces titres joue simplement un metal symphonique efficace mais sans les touches d'originalité du début d'album. Notons toutefois la présence amusante d'un banjo sur Stars.
En dehors de ces petites faiblesses, la bande menée par Tony Beaufils touche du doigt l'excellence avec cet opus vif et grandiose, révélant une large palette d'émotions. La présence de PelleK y est pour quelque chose, tant le Norvégien amène la musique de
Qantice vers une dimension supérieure. Les éléments orchestraux sont de plus extrêmement travaillés et bien arrangés, et il est très appréciable d'avoir une violoniste dans le line-up, celle-ci contribuant largement au raffinement symphonique des morceaux. En plus d'avoir droit à un très bon son (encore et toujours Jens Bogren),
The Phantonauts profite d'une présentation physique qui le met bien en valeur avec un très beau livret.
The Phantonauts est assurément un coup de maître, le futur nous dira s'il s'agit d'un chef-d'œuvre.
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