Quoi qu’on en dise,
Desaster, même s’il ne fait pas partie du trio mythique composant la fine fleur du thrash allemand, est quand même une institution, qu’on le veuille ou non. Fondé en 1988 à Koblenz, le combo emmené par l’infatigable
Infernal sort tout de même avec
The Oath of an Iron Ritual son huitième full length d’un blackened thrash old school et couillu reconnaissable entre mille.
La majorité vous dira que rien ne ressemble plus à un album de
Desaster qu’un autre album de
Desaster, et il est vrai que d’une manière générale, on ne constate que peu d’évolution entre chaque nouvelle livraison du combo teuton. Personne ne s’étonnera donc si je dis que ce nouvel effort, toujours signé chez
Metal Blade, ressemble beaucoup à The Art of
Destruction sorti quatre ans auparavant. Heureusement ou malheureusement, c’est selon.
Pour ne pas changer, on entame comme d’habitude le massacre par une petite intro inquiétante histoire de mettre dans l’ambiance et on enchaîne par
Proclamation in Shadows, qui nous sert un riff black hypnotisant et répétitif. Le côté thrash s’incarne dans la reprise du riff principal en allers retours saccadés et bourdonnants, mais l’on a définitivement ici l’un des titres les plus black de l’album, et indéniablement l’un des meilleurs. Le break est aussi excellent, avec ce riff à la fois entêtant et épique d’une simplicité désarmante. Entraînant et vénéneux à la fois, violent et maîtrisé et d’un aspect mélodique marqué (on a même le droit à un long solo en fin de morceau qui rajoute une touche lancinante), ce morceau incarne parfaitement l’une des facettes de
Desaster à mon sens sous-exploitée sur cet album: un black finalement assez mélodique mâtiné de thrash.
Le début d’
End of
Tyranny met également tout le monde d’accord, avec cette attaque thrash ultra classique et furibarde parfaitement orchestrée, aux riffs saccadés et à la basse grondante, la voix de bûcheron de
Satanic venant poser un chant hargneux et haché sur le couplet. Si le tout sonne déjà entendu, l’ensemble, principalement mid tempo, reste bien puissant, même si on se surprendra peut-être à penser que mis à part l’excellent break sur lequel il est impossible de ne pas headbanger, il manque un petit quelque chose pour faire un titre réellement ultime: remuant, carré et destructeur,
Desaster semble privilégier l’attaque frontale du thrash mais laisser de côté le blasphème et le souffre propres au black metal.
C’est en fait le syndrome dont souffre l’album dans son ensemble : les Allemands nous présentent un blackened thrash solide et entraînant indéniablement bien foutu, mais un peu trop générique et passe-partout, qui, bien qu’honorablement exécuté et d’une sincérité palpable, ne possède que quelques passages vraiment envoûtants et irrésistibles (
Proclamation in Shadows, le break simplissime et irrésistible de The Cleric’s Arcanum, à se démonter les cervicales, le riff principal de Haunting
Siren, qui ressemble d’ailleurs énormément à celui de Satans’
Soldier Syndicate, tiens tiens…).
D’une manière générale, on ne peut pas dire que la musique du quatuor ait beaucoup changé, mais on constate que l’ensemble est moins possédé que par le passé, et on a l’impression que nos vieux briscards ont perdu une partie de l’aura blasphématoire et crue qui animait les opus précédents. En quelque sorte, la musique, toujours aussi violente et directe, se fait plus lisse, se résumant en une machine à headbanger diablement efficace mais moins insidieuse.
Cela vient en partie du son, très propre et où rien ne dépasse, bien loin de la crasse rétro d’un Anglewhore par exemple, ainsi que du fait que
The Oath of Iron
Ritual est incontestablement plus orienté thrash que ses prédécesseurs (
End of
Tyranny, Damnatio ad Bestias, Conquer and Contaminate avec sa basse bourdonnante, son bon vieux « ugh ! » des familles et son rythme furieux, l’un des titres les plus intenses de la galette avec cet excellent riff blackisant sur le refrain).
Le titre éponyme, en à peine 3,16 minutes, mélodique, intense et au rythme rapide et bien marqué, mêlant parfaitement black et thrash, incarne la quintessence de ce qu’aurait pu être ce dernier album qui, bien que bon, ne tient pas toutes ses promesses. Néanmoins, c’est sur un At the
Eclipse of Blades épique et heavy à souhait que s’achèvent ces 47 minutes, morceau qui vient démontrer si besoin en était encore que les Allemands savent toujours composer de longs titres avec une sensibilité et une réussite certaines.
Un peu à l’instar du dernier
Destroyer 666,
The Oath of an Iron Ritual est donc une réalisation plus qu’honnête qui ne fait absolument pas tâche dans la discographie des Allemands, privilégiant largement un thrash dynamique et couillu, mais qui, à mon sens n’atteint pas le niveau des albums précédents du combo.
Question de ressenti sans doute, en tous cas, rassurez-vous, si vous aimiez
Desaster, vous continuerez à aimer, et si vous n’aimiez pas, ça ne risque pas de changer non plus. Don’t fear the power of
Satan, scandait
Satanic sur l’album précédent, ce qui donne finalement un assez bon aperçu du
Desaster 2016 : tojours aussi sympathique et de plus en plus familier, par conséquent de moins en moins menaçant, c’est désormais comme un vieux pote que l’on accueille l’Ange de la
Mort…
Après, je ne dis pas que tous les albums sont parfaitement identiques, mais simplement qu'il n'y a pas de différence énorme d'une livraison à l'autre, pour moi, il n'y a pas d'album qui marque un réel tournant dans la carrière de Desaster, mais une évolution progressive, sur près de 25 ans.
Desaster fait du blackened thrash black ou du black thrash (ça dépend des morceaux), qui déboîte point barre, même si je trouve le petit dernier un peu moins bon que les précédents.
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire