Originaire des rivages de Melbourne, Mekigah propose avec "The Necessary
Evil" sa seconde offrande depuis sa création en 2008 et rentre de plain-pied dans les rangs des explorateurs cherchant à mener le genre doom vers de nouveaux territoires.
Conjointement à des formations récentes telles que Öxxö Xööx et From
Astral Planes, la mouvance que l’on pourrait qualifier de « post-doom atmosphérique » accueille régulièrement de nouveaux talents partageant une plus ou moins grande influence des œuvres modernes du grand
Ulver. En effet, on y retrouve quelques similitudes dans les climats aux confins de l’ambiant, rehaussés de touches orchestrales et néoclassiques, retranscrivant autant l’immensité de l’océan que celle de l’univers. Abysses et éther entremêlés.
A ceci près que Mekigah dispose d’un rendu nettement plus doom -dans le sens le plus spirituel du terme- que ses camarades précités. Le tempo du titre d’ouverture "
Burning my
Wings on Your Radiance" et son incessant «
Down, down, dragging you down » répété en boucle tel un mantra en spirale descendante annoncent clairement la couleur : sombre, pessimiste, profonde. La chape de plomb plane au-dessus de nos têtes.
Mais là encore, les choses ne sont pas aussi simples qu’elles le paraissent, car avec Mekigah, la palette de noirceur se pare d’une incroyable quantité de nuances.
Le dantesque morceau-titre, le liturgique "The
Unjust Abhorrence of his Name" et l’apocalyptique "Crossing Over into the
Void of
Primal Emotion" sont des pièces majestueuses annonçant l’arrivée des entités primordiales et la fin de l’humanité à venir.
A côté, la séquence "Touching a
Ghost" possède une résonance plus intimiste et cérébrale, nous plongeant dans les mélancoliques pensées d’un homme dont on ne sait précisément s’il s’agit de l’impulsif meurtrier de sa femme ou s’il s’est donné la mort. La mise en scène des samples et l’habile jeu de miroir narratif entretiennent le trouble, tout en conférant à ce morceau de bravoure une admirable ampleur cinématographique.
Sans dévier de la trame funèbre, "Le Roi est
Mort" réalise un détour à travers les temps médiévaux. On y ressent l'immense poids du chagrin s'abattant sur tout un peuple fervent. Tandis que le sulfureux "
Bloodlust" extirpe des pulsions black de l'enfer et cristallise les pires tourments au travers de vocaux torturés à la
Attila Csihar.
Le duo Kryptus / Vis Ortis réussit tout ce qu’il entreprend et se pose en maître de la création d’atmosphères, véritable catalyseur de l’imagination.
Les interventions judicieuses de nombreux invités, notamment au niveau du chant et des chœurs, rendent le panel plus éblouissant encore. Chacun y apporte sa propre marque et s'accorde à merveille à la tonalité du texte, jouant la sensibilité comme la rage ou la solennité, à la manière d'un opéra.
Sans compter les vastes vortex dark ambient ("The
Scythian Revolution", "Galkadjama", "In the City of the
Blind") puisant dans les travaux de Lustmord autant que dans ceux de Brian Eno. Animés de cette même dualité abysses / éther, ils tissent sur l'ensemble de l'œuvre le fil conducteur d'un récit épique troussé avec grande classe et s'achevant sur un "From the Grave to the Cradle" aux allures de générique de fin.
De multiples ornements réunis en un même canevas, voilà la grande richesse et la grande force cet album, qui apparaît cohérent de bout en bout. Et qui sonne aussi très pro, avec une production impressionnante de maîtrise, de puissance et de clarté, étonnante pour un groupe évoluant par ses propres moyens.
Les australiens poursuivent leur chemin, en toute liberté, perpétuant les qualités de l'épopée "The
Serpent's
Kiss". Atténuant leur fibre gothic par rapport au premier essai, ils avivent un caractère doom qui leur va à ravir. Et c'est donc paradoxalement que leur avenir s'annonce sous les meilleurs auspices…
Sinon il faut soit les contacter, soit patienter que le CD arrive dans quelques shops (Aesthetic Death, Red Stream et Necrocosm sont notamment prévus).
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire