Sans vouloir me faire prophète, j'annonce l'avènement de la nouvelle ère du metal progressif. Et oui, le metal progressif semble progresser ! Non pas que l'époque 1970-2010 ait été ennuyante (bien au contraire), mais il semblerait en effet que le vaste genre du progressif se mue petit à petit, et ce depuis deux ou trois ans. Une certaine direction plus épurée, voir atmosphérique semble avoir été prise. Il ne s'agissait au début que d'événements isolés, nommés
Wolverine,
Time's Forgotten, ou encore
Demians. Puis, peu à peu, le phénomène s'est généralisé, et là, quasiment en même temps,
Leprous, TesseracT,
Cynthesis, et
Scale The Summit (peut-être aussi
Haken) s'engouffrent dans cette voie, et avec brio qui plus est.
J'exagère bien sûr, ce n'est pas une révolution, plutôt une évolution douce, mais c'est réellement une nouvelle branche du progressif qui commence à se développer. Cette branche se différencie des autres rameaux par de nombreux aspects, à savoir une dimension plus aérienne, plus subtile, peut-être en réponse à la difficulté d'accès du prog "traditionnel". Le design aussi se veut plus simple (sauf en ce qui concerne
Cynthesis), mais pas dénué d'intérêt non plus.
Tous ces aspects cités précédemment se retrouvent donc sur ce
Scale The Summit dont il est question aujourd'hui. Je voudrais commencer par évoquer la pochette, puisque c'est l'une des plus belles qu'il m'ait été donné de voir. Qu'est ce qui a bien pu pousser l'auteur de cet artwork à imaginer une telle folie verte ?
Outre la beauté évidente des couleurs (ce ciel …) et des motifs étranges sur "l'arbre", on ne peut qu'admirer cette sorte de troupeau de pachydermes végétaux. Celui le plus proche de nous semble fixer au sol, pourtant il donne l'impression de se déplacer, et d'ailleurs, combien a-t-il de pattes ? Quelle bizarrerie cette créature à trois pattes et à tête d'arbre ! Je pourrais rester pendant des heures absorbé par cette pochette énigmatique et enivrante, s'il n'y avait la musique à écouter. Car, à l'image de la pochette, la musique est tout aussi soignée.
L'album démarre in medias res par une tornade musicale déchaînée. C'est une spirale virtuose qui vous prend et ne vous lâche plus. Si dans toute cette Odyssey on traverse par moment des passages relativement calmes, on abandonne pas pour autant le déluge de notes. La batterie est jouissive, les contre-temps alliés à la sonorité assez spéciale qui lui est donnée la rends éblouissante, mais toujours subtile. La vivacité vertigineuse ne s'arrête finalement qu'à la toute fin du morceau, pour une petite mélodie de guitare tout en douceur.
Les titres suivants sont du même acabit, tous de très haut niveau, et tous profitant d'une production particulièrement léchée. On entend chaque instrument distinctement, c'est moderne, mais sans en faire trop non plus. L'absence de voix n'est pas gênante du tout, on s'y habitue assez vite. C'est peut-être même un avantage quand on voit certains groupes diviser les avis à cause du timbre de leur chanteur.
Là où on a droit à plusieurs morceaux qui ressemblent plutôt à ce qu'on attend du metal instrumental, on découvre sur ce disque des idées particulièrement bien trouvées, c'est le cas de l'intro de The
Dark Horse, assez alambiquée, mais diablement bien exécutée. Quant à
Atlas Novus (quelle intro ...), c'est un condensé de tout ce qu'on peut trouver de mieux sur cet opus, c'est-à-dire toujours cette virtuosité naturelle, et cette dimension aérienne, caractéristique de cette nouvelle vague progressive. Narrow Salient, ainsi que The
Olive Tree s'éloignent un peu de ce style pour donner une musique rapide avec un rythme effréné. Et si parfois le son des guitares est plus sombre comme sur
Willow, c'est n'est jamais quelque chose de lourd ou d'agressif. Comme ces grosses créatures vertes sur la pochette qui malgré leur corpulence semblent se déplacer en toute légèreté.
Au milieu de tous ces titres dont la durée tourne autour de quatre-cinq minutes, on notera la présence de deux intermèdes, nommés Evergreen et Sabrosa. Ils sont tous les deux très rafraîchissant, et permettent une pause agréable. Si le premier fait penser à River de
Time's Forgotten avec sa partie de basse, le deuxième évoque plutôt
Anathema, sur lequel l'ombre plane régulièrement.
L'opus se termine par The Traveler qui, avec son début jazzy, résume très bien toute la mélodie et la beauté dégagée par l'album.
The Migration est une montagne de mélodie, de virtuosité, et de beauté. Chaque pièce s'assemble dans la plus belle harmonie, dans le seul but de faire frissonner l'auditeur de plaisir. La nouvelle dimension progressive dont
Scale The Summit est un des pionniers a de beaux jours devant elle.
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