Qui aurait cru que E.M Hearst, fondateur de
Wraith of the Ropes et de
Torture Wheel, changerait de registre afin de passer du doom funéraire au cyber metal ? Rien ne le prédispositionnait si ce n'est son goût pour l'expérimental et les ambiances bien sombres et inhumaines. En effet, l'Américain a battis ce one man band aux alentours de 2008 afin de montrer une autre facette de sa personnalité musicale. Chose faite avec la sortie du premier album, « The Lunatic Transmissions ».
Cela a beau être l’œuvre d'un homme, l'écoute de cet opus évoque plutôt l’œuvre d'une machine. E.M Hearst pousse le concept de non humain jusqu'au bout, transformant sa musique en quelque chose de relativement dénué d'émotions ou de sentiments quels qu'ils soient. Le nom du groupe en lui-même évoque bien le manque de transmission d'informations dans le cerveau avec cette fracture des synapses, fracture volontaire causée par cette déshumanisation accélérée que l'on retrouve tout le long du concept de Synaptic Fracture. Première étape d'une mécanisation tordue et spirituelle...l'homme sans pensées ni émotions devient irrémédiablement machine...
L'Américain étonne donc par la venue de cette histoire très atypique mais si caractéristique de l'univers cybernétique. La mise en musique est toute aussi tordue qu'inattendue. Rien à voir avec les précurseurs de
Fear Factory ou le cyber moderne actuel, tendant vers le djent, à la
Sybreed ou
The Interbeing. Synaptic Fracture utilise à bon escient son metal industriel extrême et expérimental afin de le transformer en cyber malsain et ultra mécanisé touchant au death metal et au doom par moments. Maladif, inhumain, noir, les mots sont pour le moins très restreints pour décrire ce « The Lunatic Transmissions » proche d'un enfer mécanique. Ne vous attendez pas à retrouver ne serait-ce quelques traces d'humanités. Il n'y a plus rien. Le chant hargneux est vide et synthétique sur un « Feed the
Machine » particulièrement distordu et torturé tandis que la rythmique est très lancinante et pervertie par la mise en place d'une boîte à rythme adéquate.
Cet opus est comme une fusion parfaite de la froideur mécanique et apocalyptique du cyber metal avec le côté agressif, complexe et sauvage des éléments death metal amenés lors des moments les plus opportuns. La lenteur de certains passages met davantage l'accent sur le côté décadent des choses, souligné par la présence d'éléments électroniques à l'arrière goût d'acier. « The Lunatic Transmissions », l'éponyme, donne cet effet là avec ces cris décharnés, ce côté terrorisant et très film d'horreur proche du travail de
Mors In Tabula. A contrario, «
Contagion » met le paquet sur les riffs et leur furie tandis qu' « Hallucinations
Machine » emmène inéluctablement l'auditeur dans le monde transformé. Tout est synthétique, rempli de formes de vie artificielle. Des transmissions radio nous rappellent le passé de ce monde avant d'avoir à faire à une voix sortant d'outre tombe. Ce titre fait la part belle aux claviers et ordinateurs d'E.M Hearst qui s'en donne à cœur joie, utilisant autant d'éléments inhumains que d'éléments aliénants, comme si notre seul voyage était un voyage périlleux et sans retour au centre de la déchéance humaine.
« Processions of the
Equinox », bien que plus centré sur les guitares, n'est pas plus accessible pour autant. Le death metal est à l'honneur cette fois-ci avec de gros riffs et de bon mid tempos à la
Morbid Angel. Mais ce qui change la donne, c'est l'apparition de growl artificiels et de claviers très imposants, presque symphonique mais toujours plein de sons électroniques cybernétiques. Titutitutituti ! Ceux qui avaient aimé le dernier FutureRealm risquent d'être ravis.
Pièce maîtresse de l'album, « Esoterra Firma » change radicalement la donne, avec un ensemble bien lent et en crescendo, sorte de ballade morbide et cybernétique, mettant en valeur une mélodie pessimiste en fond ainsi qu'un chant on ne peut plus décharné mais étonnamment si expressif. Electro discret, touches symphoniques, orgue morbide...et fin particulièrement agressive et death metal avant de retourner une dernière fois dans le monde des machines...
Synaptic Fracture mise réellement tout sur l'ambiance grâce à un très bon agencement des instruments. Bien sûr, on ne peut pas parler de génie, étant donné qu'il manque trop de choses, la réputation de ce one man band étant aussi quasiment nulle. Mais ce premier effort est le bienvenue dans le domaine du cyber metal, s'imposant comme une des œuvres les plus noires, les plus inhumaines et les plus oppressantes, sans pour autant atteindre la sphère du futuriste.
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