Bien que l’œuf du Black
Metal ai sans aucun conteste éclos en Angleterre et muté en Scandinavie, il serait dommage de délaisser celui qui dépasse les frontières d'
Europe en ayant comme simple argument qu'il ne s'agit que de musique sans intérêt ou trop éloignée du Black
Metal dit « true ». Car oui, il y a vraiment des « amateurs » du genre qui se permettent de tels discours. Et malgré l'ouverture d'esprit de certains blackeux, l'Asie semble très en retrait comparé au vieux continent ou encore au monstre américain.
J'entends déjà les omniscients du genre me lapider en affirmant cela, mais soyez honnêtes, vous savez que ce n'est pas si faux. C'est d'ailleurs en Thaïlande que ce groupe baptisé
Bloody Tyrant, ou bien en écriture chinoise 暴君, exerce son art et on peut le dire, il y excelle.
Après un premier album aux sonorités proches du Raw Black
Metal et un EP bien plus mélodique, le quatuor propose en 2015 son second album intitulé « The
Legacy of Sun –
Moon Lake ». Avec une grande mise en avant de leur patrimoine culturel, les membres ont opté pour une pochette en noir et blanc, présentant forêts et collines, le tout orné de calligraphies chinoises.
Le contenu se révèle éminemment mélodique, le groupe n'hésitant pas à mettre les instruments folkloriques en avant. Flûtes, cousins du Guzheng et tambours sont au rendez-vous, mais également d'autres instruments plus classiques tels que le violon et il en sort une magnifique ambiance traditionnelle mais relativement sombre qui sera présente tout au long de l'album. D'autre part, l'ajout non abusif de claviers permet une réelle amplification du climat épique que dégage alors l’œuvre.
Ainsi, le Raw Black
Metal de «
Dawn of Doomsday » est ici totalement annihilé, faisant place à une production que l'on pourrait qualifier d'impeccable, surtout pour une auto-production. On constate tout au long de l'album une montée en puissance, d'où une grande démonstration à la fois technique, mélodique et violente sur les trois derniers titres.
Pour leur part, les guitares allient brutalité et mélodicité, parfaitement supportées par les instruments folkloriques. Ce faisant, les soli composés de sweeping et de tapping sont construits avec sincérité, livrant de nombreuses émotions, en particulier sur l'excellent et glacial «
Simulacra Adrift in the
Night ».
Chen Yulong, quant à lui, varie clairement son jeu de batterie, laissant une place dûment méritée à la ride et délivrant une impressionnante technique, notamment sur les grandioses et épiques «
Ode to the Falling
Rain », possédant l'une des plus belles introductions que vous pourrez écouter, et « Final Battle of Sun-
Moon Lake ».
Le chant de
Ian, d'une beauté effarante, alterne sans soucis entre le chant typique du Black
Metal hurlé et le growl profond d'un chanteur de Death
Metal. Les chœurs ne sont pas abandonnés pour autant, et vous pourrez en savourer le meilleur exemple sur l'outro de « Final Battle of Sun-
Moon », le tout soutenu par les flûtes dont les joueurs semblent danser au milieu de la forêt.
Mais, déjà, l'album touche à sa fin avec, en guise d'apogée, l'incroyable « Wistful Nocturne » qui reflète tel un résumé de tout cet album : épique, technique, puissant, varié et aux ambiances profondes et inlassables.
Bloody Tyrant a offert avec cet album une musique d'une qualité exceptionnelle que n’importe quel amateur de musique ne devrait se refuser. Ne présentant quasiment aucun défaut si ce n'est celui d'une durée un peu courte (35 minutes), il surpasse amplement des centaines et peut-être même des milliers d'autres groupes du genre dans sa créativité et sa qualité. Mélangeant sonorités passées et actuelles, « The
Legacy of Sun-
Moon Lake » pourrait même être la définition de la beauté musicale asiatique.
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