Etant fan de black atmosphérique, ça faisait un petit bout de temps que je voyais le patronyme d’
Annorkoth traîner sur les forums, et je dois bien avouer que les commentaires unanimes que je lisais à son sujet me titillaient gentiment l’oreille. One man band russe comme il en existe des dizaines, l’entité incarnée par B.M. avait effectivement réussi à se faire un petit nom et à s’attirer des commentaires dithyrambiques de nombres d’amateurs du style postblack/shoegaze/atmo, ce qui en soi était plus que suffisant pour éveiller ma curiosité.
Et ça tombe plutôt bien, puisque Northern
Silence Productions, décidément spécialisé dans ce style de black très éthéré, réédite en janvier 2019 l’ultime album du Russe,
The Last Days, initialement sorti en 2013, année à laquelle B.M. met fin à
Annorkoth pour fonder
Skyforest.
Parfois, on se rend compte que, sur internet comme dans la vie, les gens font tout un foin pour pas grand choses, et c’est indubitablement le cas ici. N’y allons pas par quatre chemins,
The Last Days ne casse pas trois pattes à un canard, servant un black atmosphérique certes impeccablement exécuté mais extrêmement classique et prévisible, sans grande surprise ni intensité. La recette, parfaitement éprouvée, est d’une simplicité enfantine : des mélodies gentillettes bien soignées et bien propres égrainées par un clavier prédominant, une petite saturation qui va bien histoire de faire rugir timidement les guitares qui sont plus là en toile de fond qu'autre chose, quelques lignes de piano pour faire fondre le cœur des gros barbus (
Autumn Grace), des cris black de temps en temps, très lointains et noyés de réverb’, et le tour est joué. Oui, l’ensemble de ces 51 minutes s’écoute agréablement, le black atmo d’
Annorkoth est bien ficelé et réalisé, mais il lui manque clairement quelque chose pour faire la différence, et en ce qui me concerne, on
The Last Days est encore loin de la puissance émotionnelle qu’on est en droit de s’attendre d’un album de ce style.
The
Dark Descent, qui ouvre l’album, est pourtant un bon titre, dynamique et bien rythmé par la double pédale, mais le tout sonne trop classique pour le genre et déjà entendu.
De même, si You Are My Only
Dream débute sur ce riff traînant aux délectables relents de
Coldworld (la mélodie me rappelle même celle de Radenskab I Sortenmuld d’
Angantyr, si si !), il est rattrapé par ces mélodies de clavier sucrées et envahissantes qui gomment le côté sombre et mélancolique de la musique. En fait l’ensemble est trop propre et bien produit, lisse en un mot, avec des mélodies trop naïves pour vraiment nous envoûter, et cet aspect synthétique fait considérablement perdre en profondeur à la musique, par ailleurs vraiment bonne : si le black atmo est sensé nous envelopper dans une chape de brume et de mélancolie, la netteté impeccable du son où rien ne dépasse a du mal à nous y immerger entièrement.
Oui, certes, les mélodies sont belles, et ce au sens littéral du terme, (mention spéciale au début de You Are My Only
Dream, et au très bon
Shattered Hope, c'est définitivement quand les guitares sont mises en avant que le one-man-band arrive le plus à nous accrocher), mais c’est bien là tout le problème : en noyant ses compositions sous ces plages de clavier trop mises en avant et aux sonorités parfois mielleuses (Kindness va jusqu’à rappeler le côté guilleret de
Ghost Bath dans ses mélopées de clavier), B.M. enlève toute noirceur – et donc une grande partie de sa crédibilité - à son black qui se transforme en une sorte de musique d’ascenseur, agréable, reposante, légère et presque sereine, mais parfaitement inoffensive.
D’ailleurs, autre point noir dans la musique du Russe, l’ensemble, déjà dénué d’originalité, se fait parfois répétitif dans l’emploi de ces sonorités un peu cheap, avec des mélodies passe-partout qui se ressemblent beaucoup d’un titre à l’autre (Song of
Winter semble être une version ralentie et rallongée de The
Dark Descent).
Pour conclure, on ne peut pas dire que
The Last Days soit un mauvais album, mais simplement qu’il présente la face la plus accessible d’un black atmosphérique lissé à l’extrême. Ces sept compositions s’écoutent agréablement, de préférence au chaud sous la couette, une tasse fumante à la main, en regardant la pluie tambouriner sur les carreaux, et dégage un étrange sentiment de spleen mêlé d’allégresse plutôt appréciable. Ceci dit, ce dernier album manque à mon sens d’intensité et de noirceur pour pleinement convaincre, et c’est donc sans grand regret que j’assiste aux derniers jours d’
Annorkoth. D’ailleurs, c’est peut-être justement là la volonté de B.M. : glorifier la vie plutôt que la mort, et mettre en scène ses propres funérailles de façon à nous alléger le cœur, nous laisser la tête dans les nuages et un petit sourire nostalgique au coin des lèvres. Dans cette optique, on ne peut que l'en remercier…
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