Difficile pour un nouvel entrant de s'illustrer dans une arène metal symphonique à chant féminin aujourd'hui surinvestie en formations de tous poils, dont de jeunes loups aux dents longues. Nombreux sont ceux à en avoir fait l'expérience, avec pour effet une disparition prématurée des tabloïds pour la plupart d'entre eux. Conscient de cet état de fait, c'est néanmoins sans complexe que ce quintet britannique cofondé en 2022 à Colchester par la soprano Anna Maria
Rose (ex-Pirate Queen) et le guitariste/bassiste Daniel Ackerman (ex-Fellowship) se lance à son tour dans la bataille : le groupe sortira ses trois premiers singles («
Back to the River », « False Good » et «
To the Stars ») l'année même de sa création, auxquels en succéderont quatre autres («
Little Hope », en 2023 ; «
Tales of Time » et «
In the Dark », en 2024 ; «
The Journey », en février 2025).
Parallèlement à ses humbles mais déjà nombreuses réalisations en studio, le groupe multipliera ses apparitions scéniques : occasion lui sera alors donnée de se soutenir des groupes de la stature de Fellowship, Ascension ou encore de Ghosts Of Atlantis, et de participer au ''
Power Metal Quest Fest'', auprès de formations de la trempe de
Dragony et de
Twilight Force. Fort d'un capital studio et live loin d'être négligeable, le prolifique combo en veut plus désormais ! Aussi nous concoctera-t-il ce premier EP du nom de «
The Journey » ; une auto-production modeste de ses cinq pistes égrainées sur un ruban auditif de 20 minutes tout au plus. Quelles seraient alors les armes permettant à nos gladiateurs de tenir en respect leurs si nombreux opposants ? Ce faisant, un sérieux espoir de cet espace metal serait-il en passe de voir le jour ?
Dans ce dessein, nos deux maîtres d'oeuvre ont sollicité les talents de : Tom Standen à la guitare, Liam Gloster à la basse et au chant et Ed Curley, en remplacement de Harry Paul (Artemis
And Apollo), derrière les fûts. De cette collaboration émane un propos metal mélodico-symphonique empreint de modernité et de touches heavy, death, progressif et pop, dont les sources d'influence seraient à chercher du côté de
Delain,
Xandria,
Diabulus In Musica, Volturian et
Tristania. Ce méfait à la fois truculent et enjoué laisse entrevoir des arrangements instrumentaux finement esquissés tout en reposant sur une production d'ensemble de bonne facture, à commencer par une qualité d'enregistrement difficile à prendre en défaut doublée d'une belle profondeur de champ acoustique. Mais entrons sans plus attendre dans la petite embarcation pour une croisière que l'on espère ponctuée de terres d'abondance...
C'est volontiers sur un torrent de lave en fusion que nous projette volontiers le collectif d'outre-Manche, non sans essaimer de sémillantes séquences d'accords dans son sillage. Etat de fait ayant pour effet de favoriser une accroche auditive quasi immédiate. Ce qu'attestent, en premier lieu, l'entraînant et ''delainien'' up tempo «
The Journey » comme l'enjoué et ''xandrien'' «
Forgotten » ; calés sur une ligne mélodique d'une redoutable efficacité et recelant chacun un pont techniciste bien amené souligné par un vibrant solo de guitare, que balaiera une bondissante reprise sur la crête d'un refrain immersif à souhait mis en exergue par les ondulantes et angéliques inflexions de la sirène, ces deux ''tubesques'' efforts pousseront assurément à une remise en selle sitôt l'ultime mesure envolée. Enfin, c'est d'un battement de cils que l'on pourra se voir aspiré dans la tourmente sous l'impact de l'infiltrant cheminement d'harmoniques que nous invite à suivre l'époumonant et tourbillonnant « Momentai » ; un hit en puissance à la coloration heavy et des plus liants, à mi-chemin entre
Diabulus In Musica et Volturian, concocté par la troupe britannique.
Sur un même modus operandi, et bien que moins directement inscriptibles dans les charts, d'autres espaces d'expression pourront à leur tour happer le tympan du chaland sans avoir à forcer le trait. Ce que révèle, d'une part, le trépidant et ''tristanien'' « Chaos/Art », tant au regard de ses puissants et inaliénables coups de boutoir et de la ferveur de son groove que de ses enchaînements intra piste ultra sécurisés. Mis en habits de lumière par les cristallines impulsions de la déesse auxquelles viennent s'adjoindre, par moments, les growls ombrageux de Liam Gloster, et octroyant un galvanisant final en crescendo, le pulsionnel élan incitera à n'en pas douter à un headbang bien senti et quasi ininterrompu. Dans cette mouvance, on ne saurait davantage éluder l'anxiogène et fougueux «
Sleep » eu égard à sa basse éminemment claquante et à sa sente mélodique, certes, déjà courue, mais des plus engageantes, sur laquelle se greffent les fluides modulations de la belle.
Au final, le quintet britannique nous livre une œuvre à la fois bouillonnante, souvent empreinte de jovialité, un brin ''gorgonesque", incitative à une écoute en boucle. Il conviendra, toutefois, que le groupe varie davantage ses exercices de style qu'il ne l'a fait – ballades, fresques et autres instrumentaux manquant à l'appel – qu'il diversifie plus encore ses phases rythmiques comme ses ambiances, et consente à quelques prises de risques supplémentaires pour espérer impacter plus sûrement un auditorat déjà sensibilisé aux vibes de ses maîtres inspirateurs.
Témoignant, cependant, d'une ingénierie du son bien huilée, d'une technicité instrumentale maîtrisée, de mélodies finement ciselées et des plus efficaces, renvoyant à la féconde inspiration de leurs auteurs, et d'une signature vocale dores et déjà identifiable et des plus poignantes, ce premier essai disposerait de l'arsenal requis pour placer nos acolytes parmi les outsiders avec lesquels la concurrence devra dès lors composer. Bref, un fringant et fougueux essai en guise de message de bienvenue, que l'on espère voir transformé à terme par un album full length. Wait and see...
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