Le metal instrumental commence depuis quelques années à être assez développé, et il est de plus en plus courant de retrouver des groupes se lançant dans ce genre pourtant difficile d'accès. C'est d'ailleurs pour cette raison que l'on a vite catalogué les groupes jouant de l'instrumental dans le metal progressif, tendance maths-metal, où les
Animals As Leaders et autres Scale the Summit règnent en maîtres. Cependant, tout metal instrumental n'est pas progressif et encore moins maths-metal. En témoignent le finlandais
Joni Teppo jouant un metal symphonique instrumental, ou encore, dans un registre metal mélodique tendance progressive, les récents opus du toulousain Anas Ibn Malek ou de
The Intrinsic Journey.
The Intrinsic Journey est un duo, composé de Bruno Saget à la guitare et à la basse et Jérôme Rollet aux claviers et à la guitare lui aussi. Quant à la batterie, elle est de synthèse (désolé pour les puristes). Certains se souviendront de M.Rollet, qui est aussi membre d'un autre projet similaire, nommé InnerField (ayant sorti il y a deux ans un sympathique EP). Originaire de Grenoble et formé en 2010, le duo a donc sorti à la mi-avril sa toute première production, un EP éponyme de cinq titres, plus des bonus en version CD. La très belle pochette témoigne d'un grand soin apporté aux détails, ce qui est toujours bon lors des débuts d'un groupe.
Le disque s'ouvre avec
Revelation, qui contient lui-même une petite introduction un peu symphonique de moins d'une minute. C'est sympathique et ça nous amène dans le monde onirique que l'on aperçoit sur la pochette. C'est avant que les guitares n'arrivent et ne détruisent tout, dans le sens premier du terme. Car c'est trop brute, trop lourd, et ça ne colle pas au reste, malgré les intéressantes sonorités électroniques que l'on peut entendre en arrière-plan. La musique redevient ensuite beaucoup plus calme, comme un très long solo de guitare. C'est atmosphérique et lent, parfois minimaliste, mais bien composé et bien réalisé pour ces parties là ; et c'est d'ailleurs valable pour tout le disque. Les grosses guitares du début sont la seule erreur, mais elle nuit beaucoup à la cohérence du morceau.
Les quatre autres morceaux sont bons dans l'ensemble, pas franchement originaux, mais tout-de-même agréables. Ainsi, Implication nous offre une musique douce et très expérimentale avec ses étranges lignes de basse, mais jamais réellement novatrice. La faible longueur du morceau pourrait le faire passer pour un intermède pour couper l'EP en deux, mais la transition (réussie) avec le titre suivant en fait un morceau juste un peu plus court.
Disillusion joue dans un registre légèrement plus aérien, par exemple avec la présence du piano qui donne de suite plus de légèreté à la musique. Il y a un côté atmosphérique sur ce titre allié aux expérimentations du progressif particulièrement pertinent. L'un des meilleurs moments de ce petit disque en effet est un magnifique passage composé avec une dualité entre la guitare et le piano. Le son de la six-cordes est rude et gras, tandis que le piano sonne très clair ; il en résulte un superbe contraste. C'est ensuite au tour d'un sympathique solo toujours très mélodique, puis le clavier et la guitare finissent le travail. Ce
Disillusion est de loin le titre le plus riche et le plus intéressant de cet EP. C'est assurément dans cette direction qu'il faudra creuser pour les productions futures.
On tombe ensuite sur quelque chose d'assez étrange, que seul ce format d'album autorise : deux compositions débutent exactement de la même manière sur 3O secondes. Il s'agit d'Acceptation et de
Procreation. Peut-être que le duo avait plusieurs suites possibles à ce petit riff et qu'ils n'ont pas réussi à choisir, laissant cela à l'auditeur (personnellement je préfère
Procreation). Acceptation ne propose effectivement rien de transcendant, en essayant simplement diverses mélodies. Alors d'accord, c'est un EP (qui signifie bien Experimental Play) de début de carrière, on essaye différents trucs, mais il ne faut pas oublier qu'il y a des gens qui vous écoutent. Plaisanteries à part, il manque dans ce disque la volonté de produire une musique cohérente et qui ait du panache. Ce sont en particulier les deux premiers titres qui en sont révélateurs.
Arrive finalement
Procreation, qui rattrape bien le coup, avec cet impressionnant solo en début. Même si encore une fois le morceau manque un peu de structure, la musique est bien mieux, et les mélodies à la guitare sont excellentes. On se rend aussi compte du niveau technique des musiciens lors de brillants soli, qui n'apparait pas nécessairement à la première écoute (on ne fait pas dans la démonstration ici).
Le disque se termine donc au bout de 22 minutes, avec un sentiment plutôt positif. Il y a bien sûr plein de bonnes idées, mais il va falloir apprendre à bien les associer entre elles. Il faut aussi savoir ne pas utiliser des bonnes idées qui nuiraient à la cohérence de la composition. Au niveau de la production aussi des progrès sont à réaliser, mais c'est plutôt normal dans ce cas-là, puisque le groupe n'en est encore qu'à ses débuts. Un vrai batteur serait idoine, et le son des guitares mériterait aussi quelques améliorations. Je pense personnellement qu'un son un peu plus incisif et électrique conviendrait mieux. On retiendra néanmoins une basse tout-à-fait audible, ce qui est toujours un point fort.
Finalement, les bonnes idées (et surtout les deux derniers titres) compensent bien des erreurs compréhensibles au vu de l'expérience du groupe.
The Intrinsic Journey est donc une agréable promenade, mais en territoires connus.
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire