Dans le petit monde de la musique instrumentale, il n’est pas aisé de se faire un nom, notamment dans un style où l’empreinte vocale est souvent déterminante pour insuffler une personnalité, une aura et une étiquette définitive à un artiste.
Si l’on excepte les performers hero que sont
Steve Vai,
Joe Satriani ou Malmsteen côté guitare, Billy Sheenan à la basse ou encore Virgil Donati et Mike Portnoy à la batterie, il n’est pas évident de pouvoir vendre un produit (diable que c’est laid à écrire) sur son unique nom de musicien.
Si beaucoup d’artistes de groupes viennent à produire des albums solo, il est différent de n’exister que pour soi. Là où
David Maxim Micic vient de réaliser un petit coup d’éclat underground avec la sortie simultanée de "Eco" et "Ego", nous nous intéresserons cette fois à
Paul Wardingham, cyber guitar hero produisant son deuxième album solo quatre ans après le premier. Soyons honnête, je ne connaissais pas l’homme avant la sortie de l’album et, sans la sublime pochette qui anime "
The Human Affliction", je n’aurais probablement pas posé de regard sur la musique de ce touche-à-tout autodidacte réalisant tout par lui-même.
Australien talentueux faisant passer les émotions et les ambiances avant la technique pure, il représente bien cette nouvelle génération de musiciens qui, grâce à internet et ses capacités, tente de percer et se faire un nom au milieu de la multitude de sorties actuelles. Les influences sont rapidement déterminées…on nous évoque la scène djent actuelle, les Animals as
Leaders, les TesseracT ou autres
Bulb qui envahissent de plus en plus notre quotidien. Mais, peut-être plus comme les premiers cités,
Paul Wardingham va véritablement se démarquer par le sens de la mélodie et la très grande qualité de ses arrangements. Ne vous attendez donc pas à un déluge de riffs désaccordés, monolithiques et pesant trois tonnes…"
The Human Affliction" est volontairement plus délicat et froid, plus ciselé et tranchant, gagnant en finesse ce qu’il perd en efficacité brute.
L’australien possède une technique énorme, impossible de ne pas le remarquer à chaque titre, mais il préfère ne pas en abuser. S’occupant de tous les instruments, il démontre une fois de plus qu’une boite à rythme peut posséder un son si proche d’une réelle batterie que l’illusion est presque toujours parfaite, mis à part à de rares instants où l’aspect synthétique ressort plus fortement. "
Beyond Human", premier extrait proposé, est un superbe exemple de ce que vous réservera l’album. Une ligne mélodique pure et efficace, un riff épais et puissant sans abuser de la distorsion, des samples légèrement cybernétiques pour apporter une dose de froideur mécanique et une virtuosité à toute épreuve nous emmenant directement dans les rouages de la machine.
Tout au long de ses onze titres,
Paul Wardingham va égrener ses gammes et distiller des atmosphères bien différentes les unes des autres. "
Synthetic Mind" surprend par la beauté de sa mélodie principale, absolument superbe et empreint d’une énorme sensibilité. Les soli qui parcourent le titre ne sont pas sans évoquer le travail de
Kiko Loureiro en solo par sa richesse et sa chaleur, apportant une palette de couleurs insoupçonné pour un artiste à qui on pourrait n’imaginer qu’un univers froid et chaotique. C’est même les claviers qui dispensent ici la mélodie pendant que la guitare tisse les thèmes forts de la composition.
Il faut également évoquer "
Convergence", plus proche de ses influences (le
Periphery récent par exemple) et multipliant les lignes de guitares pour que l’on puisse y trouver les riffs architecturaux, les mélodies et les soli qui parsèment le titre, peut-être plus virevoltant et démonstratif que les autres. Il en ira de même pour le premier morceau, "Manufactured
Existence", bien plus mécanique dans son approche rythmique (il est ici bien plus évident qu’il s’agit d’une machine et non d’un batteur par exemple) et froid dans ses riffs cubiques et ne devant leur exécution qu’au poignet.
Paul se paie également la présence de Per Nilsson (
Scar Symmetry) sur le dernier titre, "
Burning Chrome", qui n’aurait presque pas choqué sur Phase 1 : Neohumanity" pour peu qu’on lui ajoute les lignes vocales de "Roberth Karlsson. Il permet également de démontrer que le suédois possède désormais un style à part et reconnaissable puisque sa patte est reconnaissable distinctement dès les premières mesures du titre (ce qui donne sacrément envie d’entendre sa future performance pour le projet solo de Finn
Zierler). Un autre invité viendra participer en la personne de Stéphan Forte sur "Digital
Apocalypse", qui voit son invitation sur son dernier opus "
Enigma Opera Black" retourné sur cet album de l’australien. Il est plus difficile ici de distinguer le jeu du français de l’australien puisqu’on ne retrouve pas forcément la fibre néo-classique si caractéristique de Stéphan dans la composition, très technique au demeurant mais manquant finalement d’âme et d’idées.
Il n’est pas forcément évident d'écouter l’album d’une traite, certains plans et schémas se recoupant d’une composition à une autre et l’ensemble s’essouflant un peu sur la seconde partie. L’australien a du talent, c’est inéluctable, mais le tout-instrumental est ici parfois redondant par un manque de variation et une ambiance globalement trop linéaire sur la totalité du disque. A l’inverse justement du récent exploit de
David Maxim Micic qui parvenait à faire de chaque titre une entité complètement à part (en invitant également des vocalistes quand le besoin se faisait sentir), "
The Human Affliction" souffre du même mal que beaucoup d’albums instrumentaux, d’une certaine lassitude après la première demi-heure. Les amoureux du genre y trouveront probablement leur compte et découvriront un musicien talentueux et inspiré mais les autres resteront peut-être un peu sur leur faim. L’homme devra trouver des idées fraiches pour l’avenir et parfois changer son fusil d’épaule pour surprendre et moduler son art. En attendant, l’album comprend quelques pépites dont il serait dommage de se priver.
Je reviendrais après avoir écouté celui ci pour échanger.
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