En ces temps de surproduction musicale, où on passe son temps à décortiquer le bon grain de l'ivraie, c'est un soulagement de pouvoir tomber sur un groupe comme
Fractal Universe, avec lequel on est jamais déçu, toujours enthousiasmé.
Dès leur premier EP "
Boundaries of Reality", il y a près de dix ans, le combo s'était lancé avec une barre déjà très haute, produisant un tech death ciselé avec une propreté de jeu impeccable. Depuis, le groupe n'a cessé de progresser en matière composition, au point d'être vite remarqué par les labels, d'abord
Kolony Records, puis
Metal Blade Records, et aujourd'hui M-Theory Audio (Karras,
Stinky,...).
"
The Great Filters", quatrième album studio de
Fractal Universe, est sorti le 4 avril 2025 chez M-Theory Audio.
Comme pour leurs disques précédents, l'artwork possède une colorimétrie autour d'une teinte, ici le rouge sang rosé, d'un paysage de troncs pâles, irrigués de flux de matière organique.
Dès son titre d'entame, la complexité technique et mélodique s'élève graduellement pour atteindre un niveau où j'ai presque eu envie de m'asseoir pour mieux écouter. Une des spécialités du groupe est le riff à tiroirs, à savoir un riff avec un thème mais dont des notes sortent d'une itération à l'autre pour faire émerger d'autres idées secondaires.
Les chemins traversent un labyrinthe en trois dimensions fait de pièces de puzzle faites pour s'emboîter en tous sens, quelles que soient leurs teintes et leurs formes. Un jeu de miroirs est créé par les delays faisant rebondir des cercles de notes ("Casuality's Grip").
La musicalité est toujours mise en valeur, méticuleuse et sophistiquée. On a la sensation de se promener dans une construction à l'architecture à la fois futuriste et organique, où la surprise d'une mélodie inattendue, pousse à explorer plus avant. Les musiciens gardent toujours une approche subtile de l'intrication de leurs instruments, tout est soigneusement réfléchi, dosé.
S'il est violent par certains côtés, le monde de
Fractal Universe possède la quiétude d'un système où un ordre supérieur règne, régit le début, le déroulement et la fin des choses. Le chant de Vince Wilquin joue beaucoup dans cette impression, avec sa bienveillance qui me rappelle l'approche vocale de
Dream Theater, ou de manière plus lointaine, de Yes. Le chant screamé est utilisé avec parcimonie, et plus encore le growl, limité à quelques interventions.
Musicalement, j'ai deviné des influences modernes :
The Faceless et
Gojira pour certains accords complexes et dissonants ("Specific Obsolescence", par exemple),
Tesseract pour le groove lourd et chaud. Et le saxo enrichit leur registre déjà étendu avec une touche jazzy qui lui va comme un gant. Celui-ci, joué par le guitariste chanteur lui-même, distille une nostalgie chaude et émotionnelle dans plusieurs morceaux, carrément sur les couplets en contrepoint du chant sur "
The Void Above", ou en conclusion avec l'outro au piano qui termine "Specific Obsolescence". La basse de Vincent Pelletier joue elle aussi sur du velours, et tisse des liaisons entre lea batterie et les guitares.
La batterie de Clément Denys découpe les compositions avec une précision millimétrée, avec des doubles croches ultra rapides au charley sur le morceau titre "
The Great Filters" jusqu'à des blasts de hachoirs cybernétiques sur le bien nommé "Dissecting the Real". La froideur de la machine et du silicium des processeurs se retrouve sur les harmonies vocales robotisées de "Concealed", adoucies par l'alliance du saxo, d'un solo touchant de guitare, et d'un chant qui puisent tout ce qu'ils ont d'humanité.
Ce quatrième LP des nancéens est une réussite, et approfondit encore leur personnalité, sacrifiant un peu au passage leur facette la plus extrême, et rendant l'étiquette death... bientôt caduque ?
Pour une musique à vocation progressive, celle de
Fractal Universe est étonnamment concise, et les morceaux de l'opus tournent en moyenne autour des trois quatre minutes dans sa première moitié, cinq six minutes sur sa deuxième. Comme quoi, quand on a de bonnes idées, pas besoin de les délayer, juste de les laisser fleurir.
Merci beaucoup pour ta chronique, je ne connaissais pas le groupe mais ton papier ainsi que le morceau proposé m'ont donné envie de m'y plonger, avec une petite lnfluence j'ai l'impression de Ne Obliviscaris ici et là.
Très bon groupe, et superbe nouvel album. J'avais beaucoup aimé le précédent, notamment le magistral "Black Sails of Melancholia". J'aurai juste aimé ressentir un poil plus de puissance (juste un tantinet), mais sinon je n'ai rien à dire. Ce disque, ce groupe me font voyager.
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