Ce qui est bien avec certains albums, c’est que l’on connaît grosso modo à quelle sauce nous allons être mangés avant même d’avoir demandé la carte.
Demander comme plat un disque d’
Allen-Lande, c’est l’assurance d’un hard rock simple et efficace, concocté par deux des meilleures voix de ces dernières années, sans technique exubérante ou vaniteuse, sans accompagnements pompeux et inutiles. Juste de la consistance, des protéines et du nourrissant. L’expérience ne sera pas ultime, mais nous savons que n’aurons plus faim une fois l’album terminé.
Après avoir eu droit à "
The Battle", "
The Revenge" et "
The Showdown", voici maintenant le tour de "
The Great Divide" (un steak-frites s’appellera toujours un steak-frites, alors à quoi bon surprendre en appelant ça du bœuf aux patates ?). Bref, pas de surprises dans le titre de l’album, des morceaux ou de l’artwork qui dévoile encore deux monstres gigantesques en train de s’affronter. Nous sommes en terrain connu et la seule inconnue (si l’on peut appeler ça ainsi) se révélera être la personne du cuistot, puisque c’est désormais
Timo Tolkki qui est aux mains du projet et qui a écrit l’album pour ces deux monstres (presque) sacrés que sont Russell Allen (toujours parfait, quel chanteur !) et
Jorn (toujours exaspérant, mais quelle voix !). Bref, les ingrédients sont toujours d’aussi bonne qualité, reste désormais à en faire une belle assiette.
Si l’on se réfère aux dernières créations (ratées) du Finlandais, force est d’admettre qu’on a plutôt peur du résultat. Si le guitariste reste affreusement fier de ses deux albums avec
Avalon, le temps est désormais définitivement révolu où il était une idole, où les autres le copiaient. Il ne vit désormais plus que par son nom et le voir dans un projet plus humble musicalement peut probablement lui faire du bien, lui qui s’enfonce dans des compositions trop ambitieuses et bordéliques depuis quelques années.
Et autant dire que le début d’album lui donnerait plutôt raison puisque "Come
Dream with Me" déboule et entre directement en tête comme s’il était déjà un classique de hard mélodique propre à être chanté en festival dès demain. Le refrain apporté par Allen entre directement en tête.
Jorn se fait très discret et laisse beaucoup d’espace à son homologue américain qui adapte parfaitement son timbre à la mélodie très entraînante de la composition. Sinon, rien de bien original : un couplet sur une basse/batterie ultra basique, pas de riffs ni de claviers mais, étrangement, la sauce prend assez bien et donne la pêche. "
Down from the
Mountain" attaque pied au plancher avec un riff plus agressif, une batterie plus en avant et surtout le chant rugueux de
Jorn qui donne d’emblée une aura plus intense au titre. Une fois de plus, le refrain rentre dans la tête et on se surprend, dès le deuxième passage, à le chantonner et à suivre la mélodie vocale diablement efficace du Norvégien qui balaie tout sur son passage. Les lignes vocales, travaillées par les principaux intéressés, apportent indéniablement à une musique sans grande inspiration mais, comme dit précédemment, ce n’est aucunement le but. Disons même que le solo de ce second titre fait honorablement son boulot et rappelle que Timo reste un fin technicien.
Mais voilà, non pas qu’il faille forcément casser du sucre sur le dos de notre ancien Finlandais préféré, mais il faut bien avouer que ce démarrage canon ne connaît pas de suite dans "
The Great Divide". Le soufflé retombe aussi vite qu’il fut monté et un ennui profond accompagne la plupart de la découverte des autres morceaux, à de rares exceptions près. Un "
The Great Divide" long, ennuyeux et affreusement creux (dire qu’il ne se passe rien pendant sept minutes est tellement proche de la vérité que s’en est effrayant), un "In the
Hands of Time" convenu et d’une banalité affligeante où
Jorn et Russell n’arrivent pas, à eux deux, à faire décoller un titre de toute façon sans envergure ou encore un "
Lady of
Winter" qui fera sourire ceux pour qui les ballades sont souvent sources de sucreries mielleuses et stéréotypées (vous serez servi dans le cas présent !). Pour ce dernier, il faut avouer que la voix grave de
Jorn et le côté plus charnel de Russell sont proches de faire des miracles mais la faiblesse du riff central fait que, cette fois-ci, le chant ne peut soutenir tout l’édifice sans que l’on se dise que c’est effectivement déjà entendu des millions de fois.
On peut néanmoins sauver de ce naufrage le très efficace "
Dream about Tomorrow" et son riff très groovy même si, encore une fois, il faudra faire avec un titre toujours basé sur le même schéma (riff d’ouverture, couplet basse/batterie avec quelques arpèges, refrain… et on repart pour la même chose jusqu’à la fin) souvent fatiguant mais parfois touchant au but (le plaisir).
Jorn propulse, en effet, un refrain endiablé, tout juste ramolli pour l’intervention pas forcément pertinente de Russell, donnant la pêche et, enfin, le sourire. Ce sera néanmoins de courte durée puisque "
Hymn for the
Fallen" vient repomper le vieux
Stratovarius (période "Episode") dans une tentative réchauffée de faire resurgir un semblant de nostalgie. Dommage.
Au final, "
The Great Divide" est un condensé des forces vives des deux vocalistes ainsi que des faiblesses créatives du compositeur de l’album. Quelques titres efficaces, beaucoup de compositions dignes de faces B, peu de folie, de tripes ou encore de hargne. Un pilotage automatique qui ne ravira que les fans des vocalistes, les nostalgies d’un hard mélodique devenant rare de nos temps, ou encore ceux ne voulant pas se prendre la tête et juste profiter d’une musique pas si éloignée d’un bon vieux rock à papa. Pour les autres, passez votre chemin et changez de table. Le menu est sûrement plus appétissant ailleurs.
Je viens de m’inscrire sur SoM juste pour défendre cet album. La chronique est bien rédigée et argumentée mais je suis du même avis que Rockbottom. Il s’agit d’un album, certes pas original, mais efficace. Mélodies sympas, voix au top, production clean (même si elle manque un peu de relief) Cet album me fait penser à un bon film de série B : c’est pas original, tu sais comment ça va finir mais tu passes un bon moment parce que c’est bien foutu et réalisé avec honnêteté.
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