C'est avec audace et détermination que le combo allemand venu de Hambourg se lance dans l'auto-production d'une première oeuvre d'envergure dans le registre complexe et délicat du
Metal Progressif. En effet, cet opus d'à peine six titres nous embarque dans près d'une heure vingt d'une musique bien inspirée et d'une envoûtante profondeur orchestrale. Celle-ci allie subtilement la dynamique rythmique progressive inhérente à cette branche du
Metal et les arpèges enveloppantes d'un univers pop-rock atmosphérique riche de nuances. On oscillerait alors entre la robustesse d'un champ rythmique que l'on trouve chez
Transatlantic ou
Dream Theatre, la pénétrante empreinte instrumentale à la manière de Yes, la technicité des soli de guitare dans l'ombre de Pink Floyd et les harmonies sensibles et nuancées faisant penser aux notes des premiers albums de Genesis.
Le groupe se présente sous forme d'un duo composé du chanteur et multi-instrumentiste
Sebastian Rudolph (claviers, guitare et basse) et du batteur Dennis Matzat, qui en sont les membres fondateurs. Sur cet album interviennent également des membres invités tels que la chanteuse à la voix de velours Lisa-Marie Rothe, le chanteur Michael Klein ainsi que les guitaristes Gottfried Rudolph et Sven Rhenius.
Un premier constat s'impose : Les morceaux sont d'une durée variable, mais la plupart dépassent les dix minutes. Et le titre éponyme de l'album s'enorgueillit même de ses vingt-six minutes d'une extrême densité instrumentale et d'une fondante présence vocale dispensée par Lisa-Marie. Ces quelques pistes hors-normes des standards habituels du genre, à l'image de longues et luxuriantes plages orchestrales produites dans les premiers opus de Yes, intègrent savamment les parties chantées au coeur de lignes mélodiques inspirantes. On se cale ainsi dans un bain orchestral pléthorique aux doux remous insufflés par les sulfureuses ondulations du chant de la sirène. Parfois, lui répond en écho, une voix masculine partageant parfaitement avec elle l'espace vocal. Par moments, on se trouve immergé dans une ambiance énigmatique qui n'est pas sans rappeler
Opeth sur leurs titres les plus éthérés.
Pas de démonstration instrumentale vide de sens ni de mise en relief excessive de soli, malgré l'ampleur atmosphérique de ces six titres. On y perçoit plutôt beaucoup de contrastes rythmiques, instrumentaux et vocaux, tout en sachant préserver une certaine cohérence dans les enchaînements et une ambiance mêlant authenticité textuelle et finesse des harmonies. C'est précisément dans cette mouvance que s'inscrit l'impressionnant "The
Gift of Awareness". Une émouvante introduction aux mélodieuses notes synthétisées nous mène à une rythmique souple et syncopée que vient interrompre un savoureux piano. Un intimiste duo vocal mixte prend le relai avant de s'effacer devant des riffs acides et des nappes synthétiques affriolantes. Une voix féminine en creux reprend le flambeau pour mieux nous conduire vers une correspondance entre soli de guitare et aux claviers. Des contrastes s'observent alors entre les passages softs et hard dans un cadre orchestral sachant conjuguer une dynamique metal/rock et quelques arpèges empruntées au classique, comme Alan Parsons aurait pu nous le proposer. Les envoûtantes parties vocales alternent harmonieusement avec les entraînantes plages instrumentales. En guise de conclusion, un joli solo de guitare cède le pas à une gorgone synthétique qui semble ne pas vouloir mourir avant que ne sonne le glas.
Outre cette fresque roborative et lumineuse, d'autres pistes témoignent d'une belle profondeur de champ acoustique tout en distillant des suites de notes savoureuses de mélodicité. Ainsi, l'opulente et progressive orchestration du truculent "Sailors of the Sky", par ses riffs acérés, ses sereins passages au piano, sa basse énergique et sa rythmique syncopée, pénètre imparablement nos sens. Un break suivi d'un doux éveil instrumental mène droit à un solo de guitare des plus inspirés. De son côté, Lisa-Marie, par un léger vibrato calé dans les médiums, imprègne mélodieusement ce titre aux somptueuses et complexes glissades synthétiques. Là encore, une cohabitation harmonieuse se fait jour entre l'univers
Metal et l'empreinte classique. Non moins imposant, mais à l'atmosphère plus aérienne, dans le moule d'un Genesis, première mouture, "Vessels" émeut à la fois par les impulsions vocales tout en rondeur de la chanteuse qu'accompagne une agréable voix masculine, par les riffs accrocheurs et une basse diablement enveloppante.
Par ailleurs, le groupe joue sur une atmosphère énigmatique pour nous accueillir, à l'instar de "A Voyage of Uncertainty". Un son de cloche inattendu nous conduit au coeur d'une ambiance sulfureuse où le mystère s'épaissit. Impression renforcée par une correspondance de voix masculine et féminine profonde qu'intercepte un orgue confondant. Ainsi, une rythmique soft nous imprègne autant que les successions de notes d'un piano, celles-ci s'échelonnant jusqu'à l'impression d'orchestration conférée par un synthé enjoué. Les reprises vocales s'intègrent clairement entre les plages instrumentales, ces dernières évoluant progressivement en intensité au fil du morceau.
Enfin, une atmosphère tourmentée nous est également proposée, à la lumière du "
Fatal Wounds". Une basse caverneuse, des riffs mitrailleurs et un étrange synthé nous laissant en proie aux incertitudes, corroborent un duo mixte bien inspiré. Sur une base rythmique progressivement entraînante, les soli de guitare se succèdent tout comme les enchaînements piano/synthé, parallèlement à des riffs griffus, à la manière de
Dream Theater.
Une seule écoute est évidemment insuffisante pour apprécier toute la teneur de cette oeuvre d'une rare densité orchestrale. Progressivement, comme pour quelques productions de Yes ou
Transatlantic, la magie finit par opérer, autant par la qualité des compositions que par le brio des musiciens et interprètes. Pour ceux qui ne seraient pas forcément en phase avec des morceaux regorgeant de technicité sur le long terme, il serait judicieux de se pencher sur des titres plus concis tels que "The Princess Is
Out Tonight" ou "Vessels" avant d'entamer la pièce maîtresse de l'oeuvre.
On conseillera cet album à tous les amateurs de metal et rock progressif ainsi qu'à ceux qui seraient enclins à se détacher des longueurs standardisées de pistes pour venir goûter à l'ambiance euphorique de ces instants de félicité. Ces quelques plages enchanteresses pourraient bien éveiller d'authentiques plaisirs!
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire