Liste des groupes Death Brutal Disabled The Final Exhumation

Les heureux possesseurs du bouquin Enjoy The Violence, qui retrace avec nombre de témoignages des principaux acteurs d'alors les pérégrinations et actes de naissance de la scène extrême en France, auront certainement remarqué les pages consacrées aux Bordelais de Disabled. La formation girondine, une des plus brutales qui soit en France à l'époque, formée en 1991 a œuvré pendant 7 ans avant de splitter comme beaucoup par manque de renouvellement, sans parvenir à sortir d'album. Pendant cette époque, avant son split, le groupe avait sorti une session en format cassette non commercialisée qui fut retrouvée par le célèbre Chris Moyen (dessinateur très sollicité dans l'UG, et frère de Eric, le guitariste du groupe) et rééditée en format cassette en 2017 en 100 exemplaires, rapidement épuisés.

C'est donc logiquement en format CD que The Final Exhumation est à nouveau pressé par Xenocorp, fort de la (modeste) dynamique générée par l'édition de la double compilation sortie par Armée de la Mort Records en 2012. Cette sortie présente Disabled au plus fort de sa puissance. Bercés par Suffocation, Cannibal Corpse ou Monstrosity, les Bordelais possédaient une dynamique certaine, appuyée par les restes d'une formule à deux vocalistes convaincants (des hurlements brefs criards à la Napalm Death subsistent). Ainsi, après la courte intro de rigueur fort à propos (des coups de pelle qu'on imagine bien utiles pour déterrer l'objet concerné), "Massacre by Slitting" propose un deathmetal brutal, agressif et rythmiquement très en place tout en restant naturel (on est en 1996). Les accélérations, bien placées alternent avec les moshparts propices au headbanging, agrémentées du growl guttural mais varié et parfois criard de la formation. Si l'influence Deicide est perceptible, Disabled lorgnant énormément du côté de la Floride, les vocalises diversifiées et le background des musiciens amènent variations aux morceaux, donnant un relief avéré aux titres ("The Beast of Scejthe", implacable ou "Abolish the Church").

Ainsi, "Ultimate Desecration", pur instrumental, par exemple, n'a rien à envier aux compositions des groupes dont il s'inspire. Intense, doté d'un riffing inspiré, tournoyant et incisif (ah ! ses cordes pincées en fin de riffs), ce morceau ne souffre d'aucun défaut, bien au contraire tant ses variations et idées font mouche. A la manière d'un Napalm Death, l'usage des deux types de voix (majoritairement gutturale et parfois plus criarde comme sur "Stabwound Witchery"), chose assez peu répandue alors, fut une bonne idée. Ainsi, la musique de Disabled en 2020 sonne toujours actuelle ("Child Abuse" et son accélération foudroyante), et ne dépareillerait pas en tant que nouveauté old school d'un groupe contemporain, ce qui n'est pas le moindre des compliments à lui donner. Pour 35 minutes, c'est donc un format d'album qui nous est proposé par Xenocorp, orné bien sûr d'un dessin du frangin, tout à fait dans l'esprit (notez les dates sur la tombe) à partir du 5 titres originel, dont 4 titres ont été ici exhumés, avec d'autres uniquement sortis sous format d'enregistrement live et déterrés pour l'occasion.

Vraie prouesse, d'un intérêt archéologique certain pour les fans de deathmetal d'obédience US issu de France, mais aussi et surtout vraie sortie complètement actuelle par la qualité des titres fournis (dont deux font office d'intro et d'outro), à l'heure où nombre de formations tentent de piller l'héritage des pères fondateurs. Le boulot au Conkrete Studios a dû être assez phénoménal, car le son ne souffre pas de critique, donnant corps et puissance aux compositions de Disabled. Une exhumation finale dont on espère qu'elle pourra déboucher sur une renaissance discographique avec du matériel neuf, car si celui-ci est du niveau de l'ancien, nul doute que Disabled s'extraira vite de sa tombe.