La lumière blafarde d'un soleil étouffé par les brumes enflées du petit matin, envahissant les troublantes plaines suédoises, nous parvient non sans peine. Et ce, à l'instar d'une atmosphère doom gothique inondant la frêle rondelle d'un combo tout droit venu de Malmö et animé par un soudain élan d'inspiration. Muni de son seul premier EP auto-produit pour nous livrer son propos musical, le groupe n'a pas eu de complexes pour s'aventurer sur des terres metal déjà peuplées en formations doom éprouvées. Et pour cause...
Le groupe n'en est plus à ses balbutiements. En effet, les cinq titres de l'opus ont déjà été enregistrés entre 1999 et 2000 par le polyvalent artiste Patrick
Shadowland, encore membre du groupe
Desolate à cette époque. Aussi, les voix ont été rajoutées pour l'occasion, en 2013, sous l'égide de Desoluna, avec de nouveaux membres. Ainsi, le combo actuel met en scène : la chanteuse Nadia Montes, le guitariste et bassiste Malte Nordström, le programmeur Amir Aly, le chanteur Mithun MK (
Silent Images, ex-Deus ex Machina). On ne saurait oublier le compositeur, parolier, guitariste, bassiste et chanteur, Patrick
Shadowland, celui-ci ayant également conçu le design graphique de l'album.
La troupe reste rivée sur un doom gothique assaisonné d'une empreinte rock gothique le long des trente-deux minutes d'un voyage intérieur quasi mystique. Les courants d'influence dont elle se nourrit sont nombreux, allant de l'univers intrigant de
Paradise Lost à l'ambiance éthérée d'
Opeth, en passant par
My Dying Bride, Sisters Of
Mercy, voire
Tiamat ou encore Fields Of The Nephilm sur le plan orchestral,
Tristania et
Theatre Of Tragedy concernant l'empreinte vocale. De cette large palette artistique comme fer de lance, il en ressort un son essentiellement dark, corroboré d'une touche heavy, avec un renvoi partiel au mélodique. Techniquement au point, et répondant à une cohésion groupale sans failles, l'instrumentation ne souffre pas de défauts majeurs, si ce n'est la partielle mise en retrait de la partie rythmique par rapport à la section vocale. L'espace oralisé, quant à lui, est fragmenté entre une voix féminine claire, des notes masculines imposantes mais nuancées et des grunts caverneux. La balance semble bien ajustée concernant les jeux de correspondances relatifs au duo mixte. Toutefois, le mixage n'a pas permis aux grunts de ressortir suffisamment leur épingle du jeu. Sans cette mise en relief, l'ensemble du corps vocal est apparu un tantinet linéaire.
Le groupe n'a pas manqué de se montrer invitant et témoignant dans ses compositions de belles finitions. C'est dans cette veine qu'évolue l'entraînant « Mortal Heartlessness », initialisé par quelques gammes incitatives à l'aune d'une guitare acoustique fluide. Une lead guitare souriante nous conduit ensuite au cœur d'une arène où se font face d'aériennes impulsions vocales féminines et de lumineuses modulations d'une voix masculine bien en phase avec son objet, à la manière de
Tristania. Cependant, ce judicieux partage de l'espace vocal subit les aléas d'une ligne mélodique un peu palote, sur les couplets comme sur les refrains. On traverse alors un véritable champ d'appels incantatoires déchirants que viennent rencontrer des grunts mortifères. En outre, cette fresque de plus de sept minutes aurait gagné à nous octroyer une dégradation plus progressive de l'instrumentation. Premier bémol.
Une trouble ambiance doom parcourt certains lieux semblant habités par des gorgones. Elle nous intrigue particulièrement sur les deux titres en mid-tempo, à savoir : «
Dismal Thoughts » ainsi que son voisin, le bien-nommé « Walking in
Desolation ». Le premier morceau, le long de ses riffs abrasifs que viennent taquiner des nappes synthétiques sulfureuses, nous rappelle l'univers mystérieux de
Paradise Lost dernière mouture. Une lead guitare virevoltante nous invite également à parcourir les méandres d'une ligne mélodique insécurisante. Ambiance fantomatique que l'on le doit notamment à quelques grunts caverneux, ceux-ci s'incrustant en force au sein de l'espace vocal que partagent les claires et linéaires impulsions de Nadia et les allégresses vocales de Patrick. Tout aussi sombre, la seconde plage ne se montre guère plus clémente. Quelques fluidités guitaristiques nous invitent pourtant à suivre le chemin progressif de cette piste quelque peu filandreuse. De plus, une guitare rythmique nous octroie de beaux accords et notre duo mixte témoigne ici d'une limpidité plus évidente et d'un poil plus de puissance, bien qu'un tantinet monocorde. Toutefois, au fil de notre progression, la ligne harmonique de l'ensemble n'offre que peu de nuances, très peu de colorations et finalement, n'atteint que très partiellement notre champ émotionnel. Enfin, comme pour parachever ce spectacle ténébreux, de lugubres trémolos reptiliens viennent lécher nos pavillons alanguis.
On pénètre dans une atmosphère encore plus vaporeuse, à l'instar d'un épais brouillard instrumental immolant d'autres instants. Ces derniers apparaissent alors suspendus entre mornes arpèges et sablonneuses mélodies. Une rythmique épaisse, collant à ce terrain harmonique bourbeux, imprègne ainsi « Broken Harmony ». S'y adjoignent des riffs gluants et une lead guitare mystique, à la façon de Sisters Of
Mercy. Une ligne mélodique éthérée se cristallise là encore à travers les échanges entre les inflexions vocales aériennes de la sirène et les médiums de son partenaire. Peu de chaleur se dégage de cette terre inhospitalière de plus de sept minutes. Et ce ne sont pas les grunts glaçants qui vont contrecarrer ce schéma, néanmoins requis par son auteur. Même topo pour l'outro de l'opus «
Cold Blood,
Dying Soul ». Trônant avec ses riffs plombants qu'étreint une rythmique roborative, ce titre use d'accords complexes mais peu truculents. Concernant l'espace vocal, la logique de distribution des rôles reste inchangée : les impulsions vocales de Patrick se font l'écho de celles de Nadia, à l'empreinte vocale lunaire, dans cet exercice délicat. Et ce, dans une triangulation effectuée avec le grunter, plus guttural que jamais.
On ressort de l'écoute de cet EP avec un étrange sentiment de se faire happer par un serpent orchestral venu nous attirer dans ses anneaux pour engloutir nos âmes. Au final, c'est dans de fatals sables mouvants vocaux que le réveil s'opère. Aussi, rien ne semble pouvoir apaiser nos angoisses les plus profondes. C'est dire que les arrangements sont de bonne facture ainsi que les finitions contenues dans ce modeste opus. Les enchaînements ne souffrent pas de carences particulières non plus. Ces éléments relèvent d'un conséquent travail en studio, à l'image de paroles judicieusement écrites et de compositions fouillées. On aurait néanmoins souhaité davantage de lumière mélodique et moins de répétitions dans les schémas vocaux proposés. Quelques soli en plus grand nombre et un tantinet mieux sculptés auraient été souhaitables pour densifier encore l'environnement instrumental.
On conseillera cet album aux amateurs de doom gothique, pour le plaisir de la découverte. Cette galette nécessite toutefois de prendre le temps de s'en imprégner pour en apprécier à la fois le côté dark et les énigmatiques ambiances. A condition de ne pas céder à la tentation de la comparaison avec des formations plus aguerries, ce propos musical pourra retenir quelques oreilles attentives, pour une ou deux écoutes, peut-être plus.
Si, pour l'heure, les sources d'influence ne sauraient être réellement inquiétées par la petite troupe, le projet témoigne toutefois d'une belle marge de manœuvre pour que le combo suédois puisse s'imposer à son tour. Du moins, à l'instar de cette pénétrante esquisse, peut-il envisager une poursuite sereine de son œuvre. L'expérience aidant, on peut compter sur le potentiel de chaque individualité pour nous inviter à les suivre dans une nouvelle aventure...
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