The Death of Art

Paroles
ajouter une chronique/commentaire
Ajouter un fichier audio
15/20
Nom du groupe Renaissance (BEL)
Nom de l'album The Death of Art
Type Album
Date de parution Fevrier 1994
Style MusicalDeath Progressif
Membres possèdant cet album8

Tracklist

1. The Death of Art 40:06
2. Archway 30:38
Total playing time 01:10:44

Acheter cet album

 $9.77  €1,29  €8,51  £0.99  $ 17.41  buy  buy
Spirit of Metal est soutenu par ses lecteurs. Quand vous achetez via nos liens commerciaux, le site peut gagner une commission

Renaissance (BEL)


Commentaire @ TasteofEternity

23 Décembre 2021

Bizarre vous avez dit bizarre…

Renaissance se forge à partir d’un seul compositeur et multi-instrumentiste belge, Chriss Ons en 1991. Devenu son projet fétiche, il compose, enregistre et produit l’ensemble tout en s’entourant d’une petite troupe, dont les atouts majeurs sont Dirk Vollon, bassiste et compositeur, et Santiago Janssens, au chant. Après une démo et un split en compagnie de Ancient Rites, son talent accroche Hans de Wyngaert, père du label belge underground, Shiver Records, créé en 1993 et situé à Baal, spécialisé dans le doom/death européen comme en attestent les multiples sorties des Néerlandais de Mystic Charm, des Finlandais de Sarnath ou encore des Suédois d’Inverted. Tu ne connais pas ? Allons, fais un effort si je te dis les Italiens d’Opera XI, ha voilà, cela t’évoque que dalle. Eh bien, Hans, est le génie incompris qui a sorti toutes ces… œuvres bien tanquées dans l’underground, voir l’infra-underground autant que cela puisse exister. Parmi tous ces fantômes à l’existence précaire, et au succès plus que confidentiel, il y en a un qui m’a attiré, ne me demandez pas pourquoi, c’est "l’album", je préférerai le terme de labyrinthe, The Death of Art, Music for empty rooms vol.1 sorti en 1994. Alors j’anéantis tout de suite toute forme outrancière de suspense, le vol.2 n’est jamais sorti, qui a dit "heureusement" ? M’en fous, j’ai les noms. Un titre à rallonge qui n’est pas sans rappeler les travaux d’un certain Brian Eno, maître de l’ambient. Pour ceux qui aiment faire un peu d’histoire Renaissance fut le patronyme d’un groupe de rock progressif anglais dans les 70’s qui eut son petit sucess, cela valut à nos Belges de devoir se rebaptiser Rinascimento en 1995.

Pas de manière entre nous : l’album se compose de 2 titres pour un total de 70 minutes. Sacré morceau en perspective. Je me souviens avoir lu une chro d’une personne qui prétendait avoir été le distributeur de l’album en Norvège fin 1994, il s’en souvenait très bien puisqu’il réussit à en vendre la bagatelle de 2 exemplaires… Tout en soulignant l’immense ambition que soulevait un tel projet dans sa construction sans que le niveau de maîtrise technique de ses protagonistes ne permette de le réaliser. Il est certain que cette œuvre est unique, inclassable et déstabilisante ; pour le commun des mortels cela reviendrait à dire en clair, long, chiant et incompréhensible. C’est le risque que l’on prend lorsque des prétentions intellectuelles viennent se marier à la création musicale, souvenons-nous d’un certain Lulu. Parfois, il faut savoir laisser la poésie aux poètes, et la musique aux musiciens. J’aimerai vous mettre à l’aise tout de suite. On ne découvre pas Death of Art, on explore. On ne rentre pas dans Death of Art, c’est lui qui vous envahit. C’est sûr qu’il vaut mieux avoir l’esprit ouvert. Le mélange des genres ne sied pas à tout le monde.

Deux morceaux = deux salles, deux ambiances. La première, The Death of Art, voit Chriss Onss habiller de notes le poème d’un certain John Hymers sur 40 minutes. La seconde, Archway, est un medley de morceaux préexistants, achevé en 1992, remasterisé en janvier 1994, pour la sortie de l’album, de 30 minutes et 36 secondes. On reparlera de l’opportunité de juxtaposer deux blockhaus aussi imposants alors que le morceau éponyme impose une plongée abyssale suffisante pour révulser n’importe quel auditeur.

Quelle œuvre singulière que ce collage de styles, de samples, et d’effets, dont la ligne directrice semble nous échapper dès qu’un ensemble de notes, aguichant l’oreille, se répète plus d’une fois. Pourtant sur The Death of Art, un riff, ou plutôt un thème semble émerger de ce flot de vagues sonores ininterrompues, dont seul l’océan semble avoir la clé. Sur fond de doom/death progressif, Chriss Ons nous enchaîne dans des contrées peu orthodoxes, où les courbes dramatiques se chevauchent entre-elles, piochant tour à tour dans le jazz, le rock, l’ambient et le metal, donnant naissance à un théâtre de formes musicales auquel nous assistons médusés. Nous en arrivons à l’ultime question mais pourquoi font-ils cela ? La construction de l’édifice musical ne semble jamais s’achever comme une suite d’images juxtaposées, qui parce qu’elles sont juxtaposées, doivent de fait créer une cohérence, et faire apparaître un film. En réalité ce patchwork où les phases s’enchainent avec des cassures nettes laissent un goût d’inachevé. Le travail sur les voix ajoute à la complexité de l’ensemble à travers ce ton mélodramatique, cette diction ampoulée, ces trémolos mal-assurés voire une tentative de flow rappé incongru aux alentours des 30 minutes. L’ensemble partait bien pourtant, orchestration et voix faisant corps comme dans une chanson à la structure classique puis un break ambiant, au bout de cinq minutes, vient déstabiliser l’harmonie naissante avec des sonorités indiennes et une guitare acoustique en appui, puis sa consœur électrique s’enflamme d’un coup à son tour dans un solo inattendu ; et c’est reparti pour un tour de grand huit, avec cette fois la basse en éclaireur avant que la guitare reprenne le flambeau dans un dédale de notes et d’accélérations impromptues. Au fur et à mesure que les minutes s’égrènent, il se détache peu à peu un sentiment de démonstration instrumentale encombrante. Pour contrebalancer ces effets de manche hystérico-démonstratifs, des claviers bienvenus rééquilibrent la charge. Ils permettent de se raccrocher à quelques lignes mélodiques, repère ô combien nécessaire dans une œuvre qui aurait pu être simplifiée, pour gagner en impact, plutôt que de se perdre dans une surcharge technique ronflante, indigeste, et fatale pour le plus averti des auditeurs. Pour vous situer le propos musical, on se rapprocherait par moments d’Anathema et de Mekong Delta. Anathema des origines pour certaines intonations dans les voix et Mekong Delta pour la construction instrumentale alambiquée et baroque, aux relents néo-classique et angoissants. Maintenant avec du recul il existe une œuvre sortie en 1994 qui flirte avec les frontières du Metal extrême tout en proposant un univers aussi atypique, il s’agit de l’album Silence de Fester, un petit bijou qui se rapproche dangereusement de l’atmosphère déployée par Renaissance. Ce titre est d’une richesse infinie en termes de plans et d’idées, mais il manque le tour de main pour rendre la construction passionnante. Il n’en reste pas moins une belle promesse. Quant à la dimension poétique, elle apparaît dans l’atmosphère sombre et mystérieuse régnante au long cours, mais le texte en lui-même censé être mis en lumière par les voix et le travail instrumental ne mérite guère qu’on s’y attarde, on est à des années-lumière de Byron, Keats ou Shelley.


Archway présente le Renaissance des premières heures, autrement dit sans le support poétique textuel. Si la construction musicale est toujours aussi complexe et torturée, les voix s’articulent autour de deux pôles distincts, growl étouffé et déclamation. La dimension death progressif l’emporte pour le coup et semble plus en adéquation avec l’ensemble. On ne nous épargnera pas les soli de guitares démonstratifs et les accélérations rythmiques inattendues mais c’est un moindre mal. A l’écoute des deux morceaux, le constat est simple, Renaissance au lieu de se débarrasser de ses oripeaux a préféré en rajouter quitte à diluer le sens de son propos et surtout son efficacité. Pour le coup au détour de certains accords, il se dégage une forte impression de s’envoler jusqu’en Grèce sur les terres d’un certain Septic Flesh. Loin d’être plus accessible, le morceau grâce au growl permet de se frayer un chemin et garder un cap. L’atmosphère sombre et angoissante se décline sous de multiples facettes tout au long des trente minutes et renforce la cohérence et le ton de ce mausolée. Plus accessible, car plus en phase avec une construction instrumentale connue, Archway est de suite plus accrocheur que The Death of Art, qui appelle de multiples immersions avant de commencer à se repérer.

En terminer avec The Death of Art relève à la fois du soulagement et du regret. Le sentiment demeure mitigé tant l’objectif d’atteindre un tel sommet sur un premier album était sans doute trop ambitieux pour qu’un seul homme aussi doué soit-il coche toutes les cases. En particulier, en termes de production, l’obligation sûrement imposée par le manque de moyens, de travailler en auto-production, coupe les ailes au projet. La production au lieu d’être un catalyseur qui vient synthétiser cette foule d’idées, et donner du volume et du mordant à une texture sonore qui en manque cruellement, ne semble se borner qu’à une banale séance d’enregistrement amateur. Pourtant il n’en demeure pas moins que ce projet présente de belles qualités qui auraient mérité un meilleur éclairage et une suite tant il apparaissait précurseur. Encore aujourd’hui il demeure une des nombreuses énigmes enfouies profondément dans l’underground. Une de ses pépites enfermées dans leur gangue pour l’éternité.

Je tiens à remercier Renaissance pour deux raisons : d’une part ce n’est pas tous les jours que l’on peut gloser sur sa propre mort (RIP Art) ; d’autre part loin de moi la volonté d’ajouter à l’humiliation footballistique, l’humiliation musicale, mais de mettre en lumière un ovni belge passé en-dessous de la couverture radar.

Art is Dead, Long Live Art !!!

0 Commentaire

4 J'aime

Partager
    Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire

Autres productions de Renaissance (BEL)