Avec l'essor des nouvelles technologies, la création musicale a fortement été facilitée. Le phénomène est par exemple très important dans la musique pop, où il n'y a quasiment plus d'instruments de musique, mais c'est aussi vrai dans le metal, où il est de plus en plus facile de fonder un groupe tout seul, ainsi que de produire soi-même ses albums. L'ordinateur a beaucoup aidé les multi-instrumentistes à se développer, et ils sont aujourd'hui de plus en plus nombreux à sortir des disques, même s'il s'agit la plupart du temps de formats numériques.
Dust of Jys est l'un de ceux-là, étant l'œuvre de son unique créateur, Jérémy Guibert.
Le progueux normand avait déjà sorti l'an dernier son premier full-lenght, nommé
Insane, et récidive cette année avec un EP, du nom de
The Circle. Le schéma est un peu étrange, puisqu'on a plus l'habitude de groupes qui démarrent par un (ou plusieurs) EP avant d'attaquer avec un long format. En tout cas, on voit que cette production est dans la continuité de la première, avec deux pochettes qui se ressemblent beaucoup, en retrouvant ici la même silhouette mystérieuse que sur
Insane. C'est un signe rassurant pour ceux qui auraient écouté le premier effort de
Dust of Jys, puisque celui-ci était assez réussi.
Seulement trois titres sur cet EP, mais on se rend vraiment compte du travail fourni quand on regarde la durée des pistes, dans le plus pur esprit prog. Bref, tout débute par
Wrong Past, avec une sympathique guitare sèche, sur laquelle se posent des voix, douces, avec un chant un peu haché qui peut rappeler celui d'
Anathema. La guitare électrique arrive, très sèche, on entend un violon, puis le chant revient, légèrement plus fort, mais toujours empli d'une grande sensibilité. Les lignes vocales sont la grande force de cet EP, et peut-être même du projet lui-même. On ressent bien les efforts fournis pour arriver à transmettre les émotions les plus belles et une musique la plus captivante possible.
The Circle, le deuxième morceau - éponyme, se veut un peu plus sombre, mais surtout un peu plus fou, et donc encore moins académique que ne l'était
Wrong Past. Les quelques paroles qui entament la chanson en sont un bon exemple, car chantées sur une simple ligne de basse avec un étrange effet de lointain. En pensera sur ce titre plus à
Haken, que ce soit pour la manière dont est composé le morceau que pour les lignes vocales. Il y a une petite impression intéressante de schizophrénie, avec une différence bien marquée entre passages lents et lourds, et passages plus rapides et aériens, bien que le changement de l'un à l'autre soit souvent au moment auquel on s'y attend le moins.
Là-dessus arrive le troisième et dernier titre de cet EP, Few Seconds, qui continue dans la lignée du morceau précédent avec la même impression de folie. Les changements de rythme et d'ambiance sont fréquents, et
Dust of Jys (ou plutôt devrais-je dire Jérémy Guibert) alterne des passages lents mélancoliques avec des moments plus rapides et légers. C'est aussi sur ce morceau qu'on retrouve le plus d'expérimentations vocales (et aussi le plus de petites erreurs), tandis qu'apparaît une jolie voix féminine (madame Guibert) qui complète très bien le chant masculin. Le disque se conclut enfin par quelques notes de guitare sèche pour terminer en douceur.
Ainsi, les trois compositions se révèlent intéressantes et très agréables à écouter. Cependant, et comme c'est malheureusement le cas assez souvent avec les auto-productions, le son n'est pas très bon. Rien de bien grave, c'est finalement pas si mal, mais il est possible de faire beaucoup mieux. Il est parfaitement compréhensible que la voix soit au premier plan, mais il est vraiment dommage que les guitares ne soit pas plus en avant. Le son de celles-ci manque d'ailleurs singulièrement de relief. Quant à la basse elle-même, on remarquera de belles percées où on l'entend bien ; mais sa présence et sa prestance restent inégales. Ce sera le principal défaut de cet EP, et on arrive à s'en accommoder.
Si pour beaucoup l'EP ne signifie que "demi-disque" ou arnaque commerciale comme ça arrive parfois,
Dust of Jys a bien compris le principe de l'Experimental Play. Loin de proposer la même chose que sur le long format sorti à peine un an plus tôt, il nous offre ici une musique encore plus recherchée. C'est peut-être ça qu'on appelle "l'esprit prog". Les expérimentations vont bon train, et si ces essais se soldent parfois chez d'autres groupes par des échecs dus à une trop grande variété de tentatives, il y a ici un remarquable effort de cohérence.
Dust of Jys ne va d'ailleurs pas trop se perdre dans des délires techniques incompréhensibles mais reste plutôt dans une musique relativement facile d'accès.
Insane avait fait découvrir ce one-man band bien sympathique par un metal progressif inspiré mais assez académique et
The Circle vient confirmer la qualité par une approche plus expérimentale et atmosphérique.
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