Si la scène metal extrême italienne est moins connue que ses cousines nord-européennes, il faut sans doute y voir là une infériorité non pas de la qualité des groupes mais celui de leurs moyens de promotion et de diffusion, moins importants. L’écurie britannique Peaceville Records a cependant contribué à la distribution de multiples albums sortis sous licence du label italien Avantgarde Music dont ceux d’
Opera IX, une formation aux racines black pagan prononcées mais dont l’univers et la musique se veulent plus « occultistes » qu’épiques et ayant la particularité de compter dans ses rangs l’une des premières chanteuses officiant dans le registre vocal black metal :
Cadaveria.
En janvier 2000, fort de deux réalisations déjà assez poussées, le quintet entre au Studio Underground Västerås basé en Suède où il décide d’abandonner les anciens paysages campagnards et naturels pour exécuter un rituel particulier dans un manoir ancestral. Au revoir les hurlements des loups, les têtes de bouc et la pluie diffuse ! Place au salon lugubre et à la lumière ocre des candélabres... Aïe ! Adoucir ses riffs et les soigner avec de belles lignes de claviers et un son cuisiné au petit oignon, voilà une initiative qui en général s’avère des plus risquées dans le milieu, la voie vers les inévitables comparaisons stylistiques ou les accusations d’opportunisme – leur compatriote
Lord Vampyr, instigateur de Theatres des Vampires, et ses adeptes en feront les frais.
De fait, et c’est là la seule chose que je reprocherai à ce S.M.i.L.T., l’album rappelle à bien des occasions les premières compositions du
Dimmu Borgir post-Stormblåst et quelques éléments du
Cradle Of Filth période Music for Nations. Par chance, la majorité des structures et les prestations multiformes de Canderia restent très personnelles – et en prime, on aura quand même droit parfois à autre chose que de l’anglais littéraire pendant cet « Opéra noir », ouf !
Ainsi, que les esprits chagrins déçus de cette approche davantage thrash/heavy que black se rassurent : même si le clavier de
Lunaris et les différentes arrivées de guitares d'
Ossian évoquent à plusieurs reprises les brumeuses ambiances d’
Enthrone Darkness Triumphant (flagrant durant la première partie de “
Beyond the Black Diamond
Gates ”, les pré-soli ou post-couplets des « Actes » III, IV et VI), le middle-tempo et les lentes montés en puissance demeurent la règle, et les variations rythmiques et vocales savent être surprenantes. Des progressives salves de “ The First Seal ” à la pièce épique “ The Sixth Seal ”, entre les cavalcades groovy de plus en plus entêtantes et rythmées, les légers breaks doomy ou ambiants et les percussions tout en finesse du batteur Flegias, la maîtresse de l’invocation
Cadaveria pose son chant tantôt écorché, tantôt rauque, tantôt clair.
Non, ce n’est pas le synthé qui mène la danse ici, mais la vocaliste, aussi bien capable d’être tour à tour une exaltée démoniste canalisant férocement les flux d’énergie mystiques qui l’entourent qu’une exploratrice luttant pour ne pas être aspirée par les pouvoirs de l’Entité qu’elle évoque. Non,
Opera IX n’a pas complètement tourné le dos à sa facette pagan comme en témoigne notamment la mise en place du très ambiancé “ Acte IV – Congressus cum daemone ”. Non, étant donné la variété des riffs des guitares, en parfait équilibre sonore par rapport aux orchestrations,
Opera IX ne fait pas un simple mix “ Cradle of Borgir ”, contrairement à certaines prétendues œuvres avant-gardistes sorties à peu près dans le même style au tournant de ce millénaire – bizarre... le très linéaire et surjoué Drudenhaus d’
Anorexia Nervosa m'est venu subitement à l’esprit. Ces Italiens n’ont pas fait l’effort d’écrire des remerciements à leurs inspirateurs ? Bah ! Les hérétiques originaires des terres catholiques n’ont rien à remercier aux iconoclastes des pays protestants, c’est bien connu !
Ce disque à part dans la discographie d’
Opera IX et le dernier où officient
Cadaveria et Flegias, avant que les classiques mésententes artistiques entraînent leur départ pour former le groupe solo de la dame, se révèle une perle rare pour peu que l’on prenne le temps de s’adapter à cette voix féminine qui peut s’avérer déstabilisante – vous être prévenus : pas de fausse chaleur et fort peu de pitié ! Juste de la belle froideur occulte. Tout de même, terminer un tel voyage rituel avec une reprise très dynamique et inspirée d’un groupe de gothic rock sans que cela dénote trop sur les six « actes » précédents, voilà une performance qui n’est pas à la portée du premier venu ! Ah, une dernière petite remarque : sachant que l’album Wages of
Sin est sorti un an plus tard, n’essayez pas de comparer les vocalises death de
Cadaveria en prenant pour référence la frontwoman d’
Arch Enemy ; faites plutôt l’inverse si cela vous amuse ! À bon entendeur...
“ Io
Thoth-
Amon, io sono Shaytan ”
Bref, désolé pour la méprise, je lasse mon commentaire histoire de me faire fustiger comme je le mérite! :-D
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