Fraîchement démoulée des contrées suédoises, la nouvelle galette des six membres de
Pandemonium a de quoi attirer. Après un premier méfait fort sympathique en 2002, la formation continue de lézarder dans un style musical remarquable, à la fois accessible et profondément varié. Globalement, le style s’apparente à un death mélodique tonique, saupoudré d’un petit doom et de black, avec une couche non négligeable de metal progressif. La recette étonne, dépote même. L’empreinte musicale est particulière, dotée d’influences savamment digérées, se caractérisant par une quantité impressionnante de variations instrumentales, de mélodies qui s’entremêlent. Les morceaux sont relativement longs (environ 6 minutes), permettant l’épanouissement de chaque phrase musicale. Doté d’une technicité remarquable et d’une production puissante, «
The Autumn Enigma » cumule les qualités.
Plusieurs écoutes seront nécessaires afin de cerner les 55 minutes d’épopées évasives que nous offrent là
Pandemonium. Souvent épiques, aux facettes tantôt sombres, tantôt enjouées, les 8 titres n’offrent pas vraiment de répit tant ils sont bourrés de riffs, de mélodies, de breaks. Les passages purement instrumentaux sont rares car les voix prédominent. On retrouve l’alternance ou la juxtaposition d’un excellent growl, grave et puissant, et d’un scream aigu type black metal. Quelques passages en chant clair, peu convaincants mais rares, sont de la partie.
Lorsque la guitare acoustique introduisant «
The Fire » retentit, on s’aperçoit d’emblée de la dimension progressive du groupe. Le titre enchaîne sur un air entêtant, avec ses claviers bien présents et des dérapages « blackisants » bien sentis. Les voix claires sont ici satisfaisantes, souvent clamées en union. On retrouve ici la ramification d’ambiances et de styles qui caractérisent le combo suédois.
« A
Journey Through Her
Dusk » constitue la pièce maitresse, du haut de ses 10 minutes. Riche et mélodieuse, elle permet à la formation de s’épanouir ses différentes tonalités. Le titre est gorgé d’une atmosphère doom-gothique, rappelant parfois
Draconian (voix masculine scandée, riffs de guitare graves et mélancoliques). Le tout mêlé à un clavier très expressif, des guitares tantôt rapides, tantôt syncopées, mais qui frappent toujours juste. Epique à souhait, le morceau a quelque chose de nostalgique et d’intriguant, à mi-chemin entre le death mélodique et le black, faisant écho à
Graveworm lors des passages les plus atmosphériques. Un lumineux break instrumental est placé, suivit d’un passage nettement plus véloce, jusqu’au fade-out final.
Après cette excellente spirale musicale, « The Nameless Season » déchaîne par sa vitalité, sa dimension « science-fiction » (la présence d’un clavier aux sonorités très « OVNI » régale).
Pandemonium frappe une fois de plus très fort en matière d’accessibilité dans ses compositions, sans piétiner sur la qualité. La musique que proposent ces Suédois est facilement mémorisable, aux facettes multiples et plus complexes qu’elles n’y paraissent. Le melting-pot audacieux fait une fois de plus effet, rembourrés par des passages progressifs assez succulents.
« Broken
Sphere » réaffirme l’affection que semble porter
Pandemonium aux mélodies sombres et bien racées. Dans ses instants les plus sombres, l’ombre de
Cradle Of Filth se fait ressentir. L’emploi de voix claires est ici très bien maitrisé, et la superposition de couches sonores n’est nullement gênante, apportant davantage de consistance aux idées débordantes déployées de toutes parts. Le titre nous gratifie d’un solo de guitare, puis de synthétiseur, forts agréables.
«
Autumn Enigma » s’avère être particulièrement progressif, démarrant de manière relativement agressive puis se laissant enjoliver par ces claviers aériens et envoutants, ces breaks pleins de feeling, ces façades plus martiales et ombreuses.
Pas facile à amadouer, cette piste s’avère parfois laborieuse tant elle permute sans arrêt de phrases musicales. Mais, au final, la passion l’emporte largement.
Le début d’« Engender’s Palette » nous remémore un certain groupe prénommé
Opeth. Mêmes guitares sombres, même lignes de chant. Les minutes qui suivent sont obscures, pétries par le même mélange d’influences et de styles. « Reflecting Mirrors » s’avère quant à elle très inspiré et fourni. C’est en quelque sorte une synthèse de ce que
Pandemonium fait de mieux : un metal plein de panache, d’élégance, de mutations et avec une carapace toujours très mélodieuse, naviguant quelque part entre triomphes et ténèbres. Certaines teintes rappelleront parfois celles d’
Amorphis, pas seulement dans ce morceau d’ailleurs mais dans d’autres passages harmonieux parcellant cette production. « Postludium » clôture l’album avec une infinie délicatesse. Ce très court récit instrumental explore la facette la plus atmosphère du groupe, avec de subtiles touches néoclassiques.
Le deuxième effort de
Pandemonium mérite qu’on s’y attarde, qu’on s’y attache. Il plaira sans nul doute aux amateurs recherchant une harmonie entre mélodies et efficience. Avec son ossature à la fois progressive mais très généreuse, le combo peut se vanter d’avoir trouvé un point d’orgue en matière d’inventivité et de plaisir d’écoute. On peut lui reprocher une certaine lacune en matière de brutalité, mais l’ambition semble très différente. Le sextet souhaite plutôt proposer une épopée musicale à ses auditeurs, complexe dans sa profondeur, attrayante et enivrante dans sa forme. Les petits défauts du premier essai de 2002 ont pour la plupart été gommés, et un cap a été franchi, en matière d’efficacité mais aussi de finesse d’écriture.
Pandemonium n’opère pas dans un metal épuré et instinctif mais plutôt dans un mille-feuille aux nombreuses couches, certes très riches, mais à la fois cohérentes et savoureuses.
Pandemonium s’impose comme un excellent tisseur de mélodies, épiques et alambiquées, à la puissance et l’efficacité palpables.
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