Narrow House aura beaucoup changé dans les deux ans qui séparent
A Key to Panngrieb, leur premier album, de
Thanathonaut, leur nouvel opus. En effet, si le groupe travaille toujours avec le label russe
Solitude Productions, on constate qu'outre le fait que le line-up a subit un certain nombre de changements, la formation ukrainienne a opéré une importante métamorphose musicale, le choix du label d'avoir fait appel à sa sous-division BadMoodMan Music à l'occasion de ce nouvel album n'étant d'ailleurs sans doute pas anodin.
Cette évolution stylistique est en effet particulièrement flagrante. Alors que le premier album proposait un
Funeral Doom assez classique sur le fond, bien que doté d'une certaine personnalité,
Thanathonaut nous offre une musique à la fois plus novatrice, moins sombre et plus facile d'accès.
Exit la lenteur dépressive de
A Key to Panngrieb: tout en conservant en partie sa dimension
Doom, de part certaines séquences mettant à l'occasion l'accent sur des guitares relativement lentes ("
Crossroads", le premier morceau de l'album, en est un bon exemple) ainsi que sur une certaine lourdeur assez massive, la musique de
Narrow House a vu son rythme général augmenter (sans qu'il ne soit non plus question de véritables pointes de vitesse, malgré quelques passages assez intenses), perdant de fait tout lien avec l'étiquette
Funeral et gagnant par là même une relative efficacité susceptible de toucher un public plus large que ne le faisait le premier album.
Mais l'essentiel est ailleurs, la base strictement
Metal de ce
Thanathonaut n'étant pas son argument principal. En effet, la personnalité de l'album repose pour une bonne partie sur les instruments utilisés: outre les classiques guitares, basse, batterie et clavier, l'album incorpore également du violoncelle, de la contrebasse et du saxophone. Si le violoncelle (qui était déjà présent sur le premier album) et la contrebasse sont plutôt bien utilisés et se marient intelligemment avec le clavier pour enrichir la musique du groupe, lui donnant tour à tout de la finesse (on pensera aux pistes instrumentales "A
Sad Scream of
Silver" et "
Doom over Valiria" par exemple) et de la grandeur (les orchestrations sur "The Midwife to Sorrows" notamment), on ne peut que constater que c'est le saxophone qui se taille la part du lion et se pose comme la principale attraction de l'album. Celui-ci joue en effet un rôle majeur au sein de l'album, et ce à la fois au niveau des mélodies (on citera en exemple l'envolée particulièrement marquante que peut nous proposer un titre comme "
Thanathonaut") et à celui de l'ambiance, cette dernière nous plongeant dans un univers à la fois psychédélique et tragique somme toute assez original et intéressant.
Enfin, on remarquera certains éléments destinés à ancrer la musique de l'album dans son concept, celui-ci tournant autour de l'utilisation de la bombe atomique.
Outre l'utilisation de sonorités japonisantes sur un titre comme "Crushing the
Old Empire", on notera la profusion d'extraits de discours et de films traitant de la question et utilisés tout au long de l'album. Leur utilisation est à double tranchant: si elle est effectivement assez intéressante en terme d'ambiance et est parfois à l'origine de passages très réussis (le très bon "The Last Retreat"), elle donne également parfois l'impression que les musiciens ukrainiens ont eu la main lourde à ce niveau et peut se révéler de fait un peu lassante. En outre, cette profusion de samples se fait au détriment des passages chantés, donnant de fait un statut purement instrumental à une bonne partie de l'album.
Les vocaux, quand ils sont présents, sont majoritairement sous la forme de chant clair masculin, souvent assez modifié (ce qui participe dans une certaine mesure à l'aspect finalement assez psychédélique de l'album), avec quelques pointes de chant plus extrême ici et là (en particulier sur la très bonne reprise de
Virgin Black terminant l'album). Quelques touches de chant féminin font également leur apparition, notamment sur "The Last Retreat", créant à cette occasion un des passages les plus plaisant de l'album.
Le problème, c'est que de manière très paradoxal, l'album semble manquer d'ambition. En effet, si à de nombreux égards
Narrow House semble être allé au bout de son concept et de son délire, le travail de composition s'avère au final être assez frustrant. Car si la qualité est clairement là, on peut difficilement ne pas regretter le fait que la majeure partie des morceaux ne dépasse pas les quatre minutes, là où une telle personnalité aurait clairement mérité des pièces bien plus longues pour exprimer tout son potentiel, la même critique pouvant d'ailleurs également se faire au niveau de l'album dans son intégralité, celui-ci ne durant que quarante minutes !
A ce titre, la reprise en russe (un exercice auquel le groupe s'était déjà essayé sur son premier album, avec une cover en russe d'un titre d'
Esoteric) de "
Renaissance", de
Virgin Black, qui termine l'album, s'avère plus que bienvenue avec ses sept minutes et ses longs passages chantés..
Plus agressive que la très bonne version originale, cette reprise est une vraie réussite, mettant à profit la qualité du matériel original tout en s'adaptant étonnement bien à la personnalité de l'album. Il est toutefois un peu dommage de constater que l'un des morceaux les plus intéressants de l'album est une reprise, surtout chez un groupe ne manquant visiblement pas de talent..
Un étrange album que ce
Thanathonaut, donc, qui risque de pas faire l'unanimité, en particulier chez les fans du premier opus, mais qui peut potentiellement toucher un public plus large que ne le faisait ce dernier. Quoi qu'il en soit, la formation ukrainienne nous montre qu'elle est de toute évidence pleine de potentiel..
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