Quoi de plus doom qu'un groupe de funeral ayant éprouvé le décès d'un de ses membres originels ? En ce sens,
Worship est de la même trempe que
Funeral : il ne triche pas car le malheur, il en a le douloureux vécu. Le drame est survenu en 2001, onze années auparavant, quelques temps après la démo de mauvais augure "
Last Tape Before Doomsday", lorsque Maximilien Varnier alias Fucked-Up
Mad Max s'est jeté du haut d'un pont.
De l'eau a coulé depuis, mais le deuil reste encore vivace dans l'esprit de Daniel Pharos alias The Doommonger, le survivant originel. Malgré la catharsis que semblait constituer l'album "
Dooom", entamé à l'époque du suicide et qui n'a été achevé que six longues années plus tard en hommage au disparu, la page n'est pas complètement tournée… Et elle ne le sera probablement jamais. Le spectre de
Mad Max continue de planer sur
Worship à l'heure de ce "
Terranean Wake", nouvelle offrande en l'honneur de toute la misère du monde, cinq années quasiment jour pour jour après "
Dooom".
Le temps s'écoule mais le spectre demeure, en regard du concept parolier développé par Doommonger à partir d'un thème remontant à des lustres, conçu alors qu'il officiait encore aux côtés de son compagnon d'infortune. Entre phantasme concret et réalité cauchemardesque, "
Terranean Wake" nous fait partager les pensées d'un homme seul face au destin funeste de l'humanité, impassible face aux éléments se déchaînant autour de lui, conscient du caractère implacable du cataclysme auquel nul ne pourra échapper. Un homme paradoxalement détaché, comme devenu étranger à ses semblables et n'ayant trouvé d'autre alternative que dans leur perte, dans sa perte, la fin du monde.
Les phrases prophétiques et contemplatives, exprimées en langue française, sont un hommage solennel aux temps révolus, à ceux de "
Last Tape Before Doomsday"… Un nouvel hommage au défunt, poignant.
Oui, le spectre demeure, dans les textes comme dans la musique portant admirablement les scènes d'apocalypse. Quelque part entre la lenteur inhumaine de
Thergothon et les mélodies cafardeuses (mais ô combien belles) de
Mournful Congregation,
Worship assène sa marque, à sa manière si personnelle, au travers d'une progression toute en heurts accablants. Chaque manifestation du growl plus bas que terre semble mourir, chaque riff annonçant le désastre semble s'étirer jusqu'à plus soif, jusqu’à se briser, chaque lead gémissant de chagrin semble s'évanouir, puis s'éteindre… avant que la carcasse ne se remette en mouvement, n'avançant que grâce à l'énergie du désespoir.
Parfois l’on entend les cloches retentir au loin, sonnant le glas lors des apogées dramatiques et nous conduisant jusqu’à la traditionnelle clôture au piano (la fin de l’ultime acte "
End of a Aeviturne"), achevant de planter la stèle que des chœurs fugaces évoquaient sur le premier acte "Tide of Terminus". Un
Worship fidèle aux principes qui font toute sa spécificité et sa controverse.
Les quatre actes de "
Terranean Wake" en appellent aux forces telluriques, bien plus que par le passé. Les passages plus épurés, acoustiques et atmosphériques, se retrouvent nettement plus enchâssés dans un carcan austère et monolithique, ne laissant que peu d’espace pour reprendre sa respiration entre deux longues et imposantes séquences d'écrasement en règle.
Worship enfonce le clou.
Par rapport aux précédentes réalisations, les effluves terrestres de "
Terranean Wake" évoquent davantage le granit s'écroulant de toute part que les pelletées jetées sur le cercueil, même si quelque part dans l’au-delà, ces deux sensations se retrouvent liées.
Néanmoins, l'art de
Worship ne s'est pas départi de sa dimension introspective, également reflétée par le processus d'élaboration de cet opéra tragique. Bien que disposant d'un line-up complet, Doommonger s'y est attelé seul, depuis la composition jusqu'au mixage, seulement épaulé par le batteur Claus Legarth alias Sepulchralis pour la phase d'enregistrement. Un art à conjuguer au repli sur soi, dans la création comme dans l’écoute.
Sans réinventer le funeral doom,
Worship poursuit son chemin de croix et reste positionné comme l’un des représentants les plus hermétiques et plombés dans sa catégorie, sans rémission possible.
Kill yourself and
Worship…
Je ne connais pas le groupe mais te lire est toujours aussi agréable et initiateur. Tu n'as rien perdu de ton talent...en espérant te relire très bientôt !
Mais n'ayant jamais écouté une autre de leurs productions, je vais jeter une oreille sur ce petit dernier.
Merci pour la chronique.
@ Doctor_Megalo : tu peux sans problème te jeter aussi sur le "Last ... Before Doomsday". Plus raw et "artisanal" que leurs productions récentes, mais déjà très personnel et terriblement accablant.
Je promet de ne pas me jeter d'un pont une fois que je l'aurais acheté en tous cas ! J'ai réussi à le faire avec les disques de Funeral donc il n'y a pas de raison hu hu hu.
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