Bon, soyons honnêtes : sur le papier Moprhinist, ça part plutôt mal : un énième one-man-band de black atmosphérique fondé en 2013 à peine et qui a déjà huit (!) albums à son actif, avouez que ce n’est généralement pas très bon signe.
Trois titres seulement pour 35 minutes de musique, ça aussi ça sentait bon le piège. Bref, a priori,
Morphinist partait mal, et j’étais déjà prêt à dézinguer le projet d’Arwohn sans même en avoir écouté une seule note. Eh bien chers lecteurs, je le confesse, j’ai été médisant, et je m’en excuse : pour son désormais huitième album, le musicien hambourgeois à faire fort, nous proposant un album professionnel (le son est impeccable, ce qui est assez rare pour être noté dans ce genre de productions) et mature aux compositions passionnantes qui nous font voyager tout en douceur.
Terraforming I s’annonce, s’ouvrant sur des notes de claviers grondantes qui imposent une ambiance sombre et menaçante. Puis c’est au tour des guitares de s’inviter, lentes et plaintives, ainsi que de la batterie qui pulse au rythme d’un cœur à l’agonie : à ce niveau-là, il faut bien l’avouer, on se croirait plus dans un album de funeral doom que de black. Puis le rythme se fait un peu moins lent, quelques notes discrètes de guitare viennent aérer l’ensemble et le titre nous entraîne dans une danse mélancolique et solennelle où les instruments fusionnent avec une grâce et résignation.
Impossible de ne pas penser à des groupes comme
Faal ou
Dolorian à l’écoute de ces arpèges vénéneux qui jaillissent comme les étincelles furtives d’une lame au milieu des ténèbres opaques de ce mur de guitare, mais l’ensemble est moins désolé et malade, le ton se fait plus léger dès 4,18 minutes, et quelques secondes plus tard, la facette blast d’Argwohn explose, avec ces hurlements écorchés, ces blasts entêtants et ces riffs à la fois froids et poignants qui évoquent l’immensité fascinante de l’espace. Le morceau se fait virevoltant, presque enjoué, surtout avec cette excellente mélodie folk (!) qui fait son apparition dès 6,30 minutes ; les tempos, les mélodies et les ambiances se succèdent entre accélérations black, parties plus atmosphériques lorgnant parfois vers l’ambiant, longues plages instrumentales doomesques traversées d’arpèges mélancoliques, mais le tout reste d’une étonnante cohérence et d’une fluidité saisissante, conservant un niveau musical et un aspect émotionnel qui forcent le respect. Voilà qu’en un titre à peine,
Morphinist s’impose avec classe, faisant taire les sceptiques, et en toute honnêteté, ces 15,22 minutes valent à elles seules l’achat de ce
Terraforming.
Ce sont les mêmes plages de clavier que sur
Terraforming I qui ouvrent le deuxième morceau, mais moins sombres et menaçantes. Puis le titre enchaîne sur une musique plus aérienne, avec ce jeu de batterie plus fouillé et ces arpèges spatiaux qui nous propulsent la tête dans les étoiles. Ce titre à la fois planant et agressif – toutes proportions gardées - lorsque les vocaux hurlés de l’Allemand interviennent, fait pas mal penser au travail d’
Onirism dans ce rendu assez cinématographique et cosmique, l’aspect symphonique et la complexité musicale en moins.
En définitive, voilà un album tiraillé entre black, post rock et doom qui ravira tous les amateurs de musique atmosphérique, onirique, sombre et lancinante. Comme moi, vous découvrez
Morphinist avec cet album ? Bonne nouvelle la discographie du bonhomme est bien fournie, et d’ailleurs, à l’heure où j’écris ces lignes, Giant, la suite de
Terraforming, est déjà sorti depuis plus d’un mois en autoproduction. Profitez-en, ce n’est pas tous les jours qu’on trouve de la morphine aussi pure et addictive sans prescription médicale…
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