Après 14 ans d’existence et moult coagulations, du sang cérémoniel en provenance de Serbie a fini par éclabousser l’
Europe. Un sang maléfique issu d’une triarchie démonique, cristallisé finalement dans la douleur en 2016, année riche en sorties death metal de qualité. Un chemin de croix parsemé d’embûches, allant de simples difficultés financières retardant le mix aux multiples changements de line up, en passant par la quête habituelle du Saint
Graal : un bon label.
Formé sur les cendres de Androphagous, c’est en 2002 que
Sacramental Blood commence lentement à s’écouler d’une plaie ouverte, en attirant les fans lors de nombreux concerts dans les Balkans. Auteur d’une première démo brutale et assassine en 2004 (
Inception of
Ceremony), fortement typée death US, et reprise intégralement lors d’un split deux années plus tard, le groupe s’attèle ensuite à capturer de nouvelles compos en 2009 lors d’une session d’enregistrement au
Wild Cat Studio. Seulement le combo en ressort largement insatisfait, en plus de connaitre des dissensions internes sérieuses au sein de ses membres, conduisant donc son guitariste leader, Milan Dobrosavljevic, à mettre de côté ce qui devait être leur premier full length.
Mais l’année 2011 voit arriver du sang neuf en la personne de Srdan Todorovic, growler, gratteux, et bonhomme apte à redonner du souffle à une formation peinant à vraiment décoller autrement que localement. S’en suit très vite une seconde démo (The Second
Death), à la production plus puissante que la première et au style davantage affirmé, puis une tournée balkanique avec
Natron et le
Disgorge mexicain. L’apport du nouveau growler est bénéfique et procure au groupe un nouveau son en plus de créer une bonne alchimie parmi les membres. Les conditions sont ainsi propices pour reprendre les compos du full length avorté et organiser une seconde session de capture dans un studio différent (Archsound Studio). Toutes les parties vocales de la session de 2009 sont donc ré-enregistrées en
2012, ainsi que la majorité des soli, le mix final n’étant finalement assuré que quatre années plus tard par les mains expertes de Stefano Morabito, ingé-son de formations très solides telles que
Fleshgod Apocalypse et Hour of
Penance.
Sept longues années donc, pour accoucher de
Ternion Demonarchy, troisième méfait officiel du groupe (après un split en 2013 reprenant la seconde démo), sorti chez le label nippon Ghastly Music, spécialisé dans le brutal death, et fabuleusement mis en image par Juanjo Castellano, déjà responsable des superbes artworks des derniers
Sorcery et
Oniricous : la cover affiche dans une lumière rouge violacée crépusculaire, une triade de démons tirant les ficelles d’une humanité auto-destructrice soumise à des religions aliénantes, dont chacun des papes trônant se fait le gourou. Leur coiffe respective ne laisse évidemment aucun doute quand à l’identité de ces trois cancers.
Largement pensé par son guitariste fondateur, Milan Dobrosavljevic, le propos de
Ternion Demonarchy, est d’une brutalité et d’une vélocité propres à séduire aussi bien le deathster en prosternation devant le death technique à tendance brutale doté d’une production moderne, clean et puissante, que le deathster ne jurant que par le death oldschool et accrocheur des grands anciens qui soutiennent un temple inébranlable. A l’instar des démos, un style fortement ancré dans les early 90’s niveau riffing et rythmiques, mais encapsulé cette fois dans un emballage sonore d’aujourd’hui, et ce, en gardant un certain côté organique sans tomber dans la plasticité.
L’addictif "
Demonized" qui ouvre le disque donne bien le ton : un blast savoureux entrecoupé de parties galopantes et accrocheuses peuplées d’harmoniques pincées captivantes ; puis un passage plombé doté du double pédalage meurtrier d'Ivan Petrovic, un break, un solo, et c’est reparti pour un tour. Une entame d’album agressive et prenante qui va heureusement se répéter sur les morceaux suivants, avec régulièrement une alternance mid-up / blast façon
Sinister (
Cross the
Styx et
Diabolical Summoning surtout), un solo d’excellente facture et ce fameux riff galopant, sujet à maintes variations au cours de l’album, brutal, catchy, qu’on retrouve à foison sur tout le disque et qui confère instantanément une identité mémorable à
Sacramental Blood : "Buildings of
Burning Flesh", "Livid Deaths
Descend", "Imposed
Resurrection" ou "
Destroyer of Thought and Form", peuplé d’infernaux soli. Un type de riffing venu tout droit de quelques-uns des maitres US comme
Suffocation (Pierced from Within à fond) ou
Monstrosity (
Imperial Doom et Millennium essentiellement), deux références absolues pour le groupe.
On pourrait imaginer un léger essoufflement en fin de galette, mais il n’en est rien, tant la doublette finale, l’ultime et inutile outro mise à part, recèle ce qu’il y a de plus terrible dans cet album : le démarrage plombé à la couleur
Morbid Angel de "Livid Deaths
Descend", qui laisse ensuite place au pattern galopant typique de l’album amenant progressivement un riff dissonant, carrément jouissif, auquel succèdent de terribles harmoniques pincées ; "Imposed
Resurrection", sur lequel le batteur brille par la qualité de son jeu, le gros ralentissement peuplé de sweeping, le côté quasi prog et son final à coups de vibrato démoniaques qui rappelle le Demonication de
Luciferion, autre référence de notre trio de Belgrade. Non, vraiment, pas de morceaux faibles, et une belle uniformité si ce n’est l’excellent "Sanctimonius", pièce la plus ambiancée et la plus lente de l’album, à l’aspect ritualiste par son lead inquiétant, martial par son tempo saccadé et ses superbes parties de double, et bestial lors de son finish, morceau d’ailleurs entouré de deux interludes dont l’un n’est, hélas, pas très inspiré ("Eons").
N’oublions pas non plus le chant remarquable et terriblement efficace de Srdan, plutôt inhabituel pour ce type de death brutal davantage enclin aux growls supra graves, qui se veut en effet un mix entre les vocaux écorchés de Schuldiner et Tardy, avec un zeste de Van Drunen, type de chant qu’on voit d’ordinaire plutôt habiter des combos de death technique et progressif, et qui procure dans ce paysage brutal et agressif, un regain d’identité supplémentaire. A noter quelques backings plus gutturaux de la part de Marko Gospavic, en guest sur cet album, très probablement issus de la première session d’enregistrement et qu’on devine conservés pour contrebalancer le chant râpeux de Srdan.
Au final, joli succès à la clé pour ce premier et féroce album des Serbes, qui obtint l’année dernière des critiques dithyrambiques dans la sphère death metal internationale.
Brutal mais à l’agressivité domesticable, technique mais sans tomber dans la démonstration, et délicieusement oldschool, tout en restant moderne et tranchant, un album de tueur qui finalement concilie avec doigté plusieurs écoles, et dont on espère une suite prochainement.
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