Certaines acquisitions d’œuvres musicales revêtent un caractère particulier. C’est le cas me concernant de «
Tanssit On Loppu Nyt » de
Karjalan Sissit, dégotté sur une distroliste israëlienne quelques semaines après sa prestation apocalyptique du 5 septembre 2008 au Klub de
Paris. Car se procurer ce genre d’album édité à quelques centaines d’exemplaires n’est pas une sinécure, il faut chercher, chercher encore ; mais une fois dans le creux des mains, le précieux digibook du combo d’indus martial suédois m’est apparu tel le Saint
Graal.
Formé en 2000 par Make Pesonen, personnage névrosé et misanthrope issu de la scène black metal suédoise et ayant collaboré entre autres avec le regretté Jon Nodtveidt (R.I.P. 1975-2006) au sein de
The Black ;
Karjalan Sissit est un projet de dark ambient/indus martial syncrétisant les vices et la violence que son géniteur ne parvenait plus à exprimer avec le black metal.
Paru en 2006 sur le label québécois Cyclic Law, «
Tanssit On Loppu Nyt » s’avère être la quatrième réalisation de
Karjalan Sissit. L’opus débute par « Tää on Katastroofi, Saatana » et son atmosphère lourde et clinique qui pose les bases d’un indus martial dont l’oppression qui s’en dégage n’a d’égal qu’une violente rythmique industrielle et les vocaux froids et hurlés d’un Make Pesonen semble t-il torturé au plus profond de son âme. A cela s’ajoute une réverbération hallucinée sur les vocaux du misanthrope suédois qui ne fait que décupler le malaise ressenti à l’écoute de ce «
Tanssit On Loppu Nyt » qui s’avérera être un aller simple pour les abymes d’un enfer scandinave synonyme de violence domestique, de dépression, d’alcoolisme et de misère sociale ; thêmes chers à Pesonen sur l’ensemble de son œuvre se voulant être le miroir de son propre vécu. Le vice, la perversion de ce travail thérapeutique qu’est «
Tanssit On Loppu Nyt » réside dans l’intermittence de morceaux apocalyptiques soulignant la folie de l’artiste d’origine finlandaise, et de titres plus introspectifs voyant son âme sombre atteindre un semblant de sérénité.
Effectivement, des morceaux tels « Kiitän Puolestani », « Nagon vacker dag far du Smaka pa finn yxan Jävla rip-off Gubbe » ou encore « …Ja Verkkaritkin Haisee Koskenkorvalle » respirent une émotion mélancolique marquée par des atmosphères lourdes mais non moins esthétiques. Sur ces titres en effet, les murmures lents et froids de Make Pesonen se marient parfaitement au caractère lancinant de magnifiques pistes de contrebasse notamment ; fond sonore probable de crises névrotiques annoncées. Car la violence n’est jamais loin, elle n’oublie jamais de ponctuer cette œuvre à l’image des traumatisants «
Tanssit On Loppu Nyt » et « Kuolema Tulloo » qui une fois de plus rappelle au profane que le suédois d‘Eskilstuna est un personnage et un artiste extrême. Chez Pesonen en effet, la sérénité et l’épanouissement paraissent ne s’inscrire que dans l’éphémère alors que la violence et le tourment choquent de par leur omniprésence.
Bien qu’étant une œuvre assez complexe et difficile d’approche, «
Tanssit On Loppu Nyt » s’avère être une réalisation efficace parvenant aisément à transporter son auditeur vers un cauchemar industriel où les seuls réalités sont la violence sociale, la névrose et l’autosuffisance de l’individu fort et libre au sein d’un environnement hostile et destructeur. Car misanthropie et haine constituent l’essence même de l’indentité de
Karjalan Sissit. Un très bel objet qui diffère des traditionnelles jewel cases, avec notamment une série de 16 photos à l’intérieur du digibook qui permettent de comprendre un peu mieux l’univers torturé et maladif de Make Pesonen. Une cabane enneigée, une bouteille de vodka ou encore un vieux cyclomoteur ; autant d’indices qui illustrent le contexte social au sein duquel a grandi l’homme et évolué l’artiste. A découvrir ou à s’en éloigner…
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