Plutôt que de parler des joyeusetés en vogue dans le death metal, comme la putréfaction, le plan de table du banquet des asticots, ou les 2367 façons de mourir, il est des deathsters qui préfèrent s'intéresser à des choses comme la mythologie ou à la littérature romantique. C'est le cas pour Azelma, comme en témoigne leur patronyme, celui d'un personnage féminin des Misérables de Victor
Hugo. Les niçois viennent de sortir "
Swallowed by My Own Sins", paru le 4 octobre chez Nova Lux Production, avec un artwork de Léa Tavolaro, qui est un autoportrait vaporeux, distant et intime, traité à la manière d'une nature morte, j'ai trouvé personnellement.
Le groupe formé en 2023 se compose de Maelan Lopez (Batterie), Tristan Raverdino (chant), Arthur Valerioti (Basse), Romain Viale (Guitare), qui se connaissent depuis le collège et le lycée, et ont voulu mélanger toutes leurs influences respectives. La composition s'est fait vraiment à quatre, en prenant le temps de faire mûrir les morceaux. Les fées qui vont bien se sont penchées sur leur cas, JB Le Bail (
Igorrr, ex
Svart Crown) qui les a pris sous son aile, et pas que, puisque l'EP a été enregistré au Studio Artmusic par Sébastien Camhi (
ACOD, Akiavel, etc.), mixé par Gautier Serre (
Igorrr) puis masterisé par Thibault Chaumont au
Deviant Lab (
Carpenter Brut,
Mass Hysteria,
Igorrr, etc.).
Difficile de se réaliser que les gars derrière les instruments sont tout juste sortis du lycée, tant leur musique s'impose avec une maturité surprenante. Le premier titre, "The Greatest Moment of Your
Life", propulse l'auditeur à tombeau ouvert sur un train fantôme froid et chaotique, au bord de la rupture entre
Cattle Decapitation et
The Faceless. La production peut surprendre avec ces guitares un peu chimiques et cette batterie au son lo-fi qui se rapproche d'un feeling boîte à rythme, ça donne un côté
Ministry hyper speedé, avec une louche de Dillinger
Escape Plan de l'époque "Miss
Machine", augmenté de tech death pour les guitares et les growls. Il peut se passer n'importe quoi à n'importe quel moment, comme ce petit plan basse batterie joué à fond la caisse pour enchaîner sur un autre plan. Rythmiquement, c'est très riche, plein de patterns très bien trouvés et lisibles, de break casse-cervicales à souhait. La vitesse passe parfois la surmultipliée, par exemple sur la troisième piste plus orientée death/grind. Les growls sont efficaces avec une grosse ampleur et privilégient l'impact rythmique et l'agression pure.
On a la sensation de foncer en permanence, pressé par l'imprévisibilité de leur musique et l'étrangeté un peu alien qui émane des accords et du son. L'exécution des riffs est très précise, comme sur "Perception Fatale" qui part plutôt côté tech-death. J'ai apprécié que la musique prenne le temps de développer les parties strictement instrumentales. Les notes de guitares disonnantes donnent une couleur légèrement industrielle du projet, comme sur le refrain surprenant de "Prométhée", psychédélique avec cette rythmique au groove de double pédale déconstruit. "Under the Rug" apporte un côté chaotique, mathcore. Pour les accords utilisés, ça m'a même parfois rappelé
Extol, avec une recherche pour mettre des notes d'étrangeté dans la violence. "I'll Be
Dust Again ", avec ces screams pitchés, cette vibe aérienne à la
Gojira, et la clôture du disque très douce en son cristallin me font penser que j'aurais bien vu ce genre de moments inclus plus souvent dans les morceaux...
Ce premier EP d'Azelma est une bonne surprise, un disque abouti où le combo a évité toutes les erreurs de jeunesse potentielles et imaginables... Sauf une ! Je trouve que l'aspect visuel du groupe (la vidéo du single et la pochette) ne sont pas en phase avec le chaos chirurgical qui se déchaine dans la musique du groupe. J'aurais plus vu soit un aspect visuel qui va dans la même direction, comme peut le faire un
Igorrr... soit que ce soit la musique qui soit plus chaude au niveau des guitares et de la batterie et mettant plus en valeur les mélodies. Cela dit, c'est le luxe d'un combo qui a plusieurs cordes à son arc, tout aussi efficaces, et énormément de choses à exprimer, parfois contradictoires, mais avec talent. On appelle ça le choix du Roi...
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