Liste des groupes Cyber Metal Humatronic Structures

Les temps sont durs et la crise guette à chaque porte…
Les chances ne sont dorénavant plus reconductibles et il convient de frapper fort dès les premiers instants dans les esprits pour ne pas succomber au poids des dépenses et de la vie en général. Donner vie à une forme artistique est devenu avec le temps plus un suicide économique qu’une possibilité de gain à long terme. Les projets disparaissent dans les limbes aussi rapidement qu’ils naissent et restent ainsi, souvent orphelins d’une unique création, désespérément seule et sans espoir de voir naitre un proche parent. Les couts de fabrication, de mise en accès, le temps introduit à la création, les moyens humains et techniques…autant d’éléments qui ne contribuent pas à la pérennité d’un art devenant de plus en plus underground et isolé, abandonné sur le bord de la route artistique.

Les belges d’Humatronic ont bien compris que pour survivre, ils se devaient de frapper un bon coup dans la fourmilière dès le début. Cependant, contrairement à beaucoup, ils ont aussi pris le temps et se sont donné les moyens de le faire…et débarquent avec un premier opus à la maturité ahurissante pour un si jeune groupe, à la production énormissime et surtout à la personnalité certaine.
En effet, suite à une première demo en 2009, Humatronic a pris le temps de se poser pour offrir un premier véritable opus, nommé "Structures", et ainsi de créer un véritable monde bien à lui, conceptuel et cohérent, se payant même le luxe d’être hurlé intégralement dans la langue de Molière.

Dépeignant un univers électronique et cybernétique mais sans tomber dans l’electro facile ou le cyber actuellement très à la mode, Humatronic délivre une musique industrielle sombre et malsaine, glauque et peu accueillante. Un morceau comme "Styx" représente le summum de cette atmosphère étouffante et antipathique. La basse vrombit pour s’immiscer vicieusement dans votre cerveau, les lignes narratives s’intègrent comme des messages subliminaux que d’innombrables machines vous souffleraient en pénétrant votre cerveau et les mélodies instaurent une pression constante, presque schizophrénique et malsaine. L’importance de la production saute aux oreilles. Puissante, mesurée et grasse, elle convient parfaitement à une musique ayant besoin d’un spectre sonore très large pour faire monter la tension chez l’auditeur et installer une certaine dose de démence.

Évidemment, la totalité de l’album n’est pas à l’image de ce morceau très lent et parsemé d’ambiances (ce qui, en soi, n’aurait même pas été dérangeant) et montre parfois bien plus les crocs, dessinant les contours d’un metal beaucoup plus syncopé et héritier des inévitables Fear Factory ou Strapping Young Lad (en beaucoup moins aliéné tout de même). Ainsi, "Achroma" fait la part belle aux guitares, même s’il garde cette constante d’offrir énormément de champ à la basse et toute les possibilités que peut offrir cet instrument. Formidable prisme aux samples, elle alourdit considérablement les ambiances et rend plus suffocant l’air respirable. Mathieu Huygens, derrière le micro, sans une once de chant clair, tient parfaitement son rôle et délivre un chant hurlé parvenant à sortir quelque peu de la masse actuelle, avec un grain plus fou et écorché, ne se contentant pas de beugler comme un animal du début à la fin mais collant aux émotions musicales. Les belges n’ont pas peur d’étirer leurs compositions, comme en témoigne le plus long "Sables Fertiles", à l’inspiration presque orientale, mais fantomatique et latente, comme si nous traversions un désert inhumain à l’état de pur esprit, et dans la noirceur d’une nuit sans lune. Les samples sont parfaits et permettent à l’auditeur de se plonger complètement dans le paysage tant ils sont bien agencés et délivrent des sonorités inventives, intéressantes mais toujours glaciales et peu engageantes. On en regretterait presque la simplicité des guitares ici, se limitant à un unique riff se répétant un peu trop inlassablement, et n’apportant au final que bien peu de chose à l’ensemble, si ce n’est une lourdeur pas forcément dans le sujet.

"Demiruge" renoue avec la violence du début de l’album et une nervosité toute industrielle qui risque de faire très mal en concert. Avec moins d’originalité mais plus de puissance, Humatronic violente l’auditeur et le brise avec des plans aliénants et syncopés à vous couper en morceaux, à défaut d’être très originaux. Il s’agit probablement de l’un des seuls défauts qui émaille le disque d’ailleurs…ce n’est pas encore très flagrant, mais l’on s’en rend compte en multipliant les écoutes. Si les belges maitrisent parfaitement leur ambiance et se montrent très créatifs et inventifs lors des morceaux les plus lents, ambiants et électroniques, ils peinent un peu à trouver un véritable souffle sur les compositions les plus violentes, où le soufflé retombent bien souvent. On ne retrouve alors qu’une copie, certes bonne, mais impersonnelle des groupes ayant formés le genre voilà plus de quinze ans.

Il s’agira probablement de l’un des défis de groupe à l’avenir, à savoir rester cohérent autant dans les ambiances que la violence, sans en privilégier un plutôt que l’autre, et ainsi disposer d’un ensemble cohérent et complet. Lorsque l’on écoute un morceau aussi angoissant et abstrait que "Limbes" (qui porte très bien son nom tant on semble plonger…), il est évident qu’Humatronic dispose de quelque chose en plus, d’une âme véritable qui est tout à fait capable de créer un concept ambitieux et post-apocalyptique à l’avenir, à l’instar d’un groupe comme Division Alpha. Les multiples bruits, tous plus dérangeants les uns que les autres, cette narration mécanique mais semblant quand même apeurée, ces râles lointains exprimant une souffrance sourde…tout ceci est à la base d’une imagination fertile qui s’épanouie dans l’esprit d’un auditeur rapidement hypnotisé. Il convient désormais de conserver cette hypnose sur l’ensemble du prochain disque…

Humatronic est réellement capable d’excellentes choses à l’avenir. Le prochain défi nécessitera simplement de fluidifier les parties les plus violentes, afin qu’elles s’intègrent de manière plus naturelle dans la musique, et qu’elles sonnent plus personnelles. Ils en sont capables et c’est en écumant les scènes que cette maturité grandira pour offrir de nouveaux horizons aux futurs morceaux. La suite est déjà attendue…le groupe a passé son entretien d’entrée haut la main avec cet excellent disque, à défaut d'être révolutionnaire. Reste maintenant à en fructifier les efforts pour aboutir à un grand disque à l’avenir…