Quand on a affaire au prog ou à l'expérimental, on ne sait jamais sur quoi on va tomber. Et encore moins dans le black metal. Avec des étiquettes simples et claires, on s'attend toujours à aller en terrain connu et on sait à peu près ce qu'on va écouter. Mais là...soit on tombe sur un vrai foutoir, soit on tombe sur de l'originalité.
Atrorum fait partie de cette seconde catégorie.
Formée en 2003, cette entité bicéphale guidée par umbrA et vatroS a déjà dévoilé deux albums autroproduits avant un break en 2007 et une hibernation de presque 8 ans. Une fois sortie de son long coma, le duo s'est remis à la composition de huit morceaux tous aussi expérimentaux les uns que les autres pour la sortie d'un nouveau méfait sobrement nommé "Structurae", sous la houlette d'
Apathia Records, qui s'est aussi chargé de la réédition de toute leur disco. Une bonne initiative pour ce groupe méconnu mais pourtant très talentueux.
Il faut dire qu'
Atrorum sort largement des sentiers battus et ne cherche pas à faire comme le commun des mortels. D'un côté, les musiciens proviennent de formations toutes aussi atypiques, comme
Dreamscape, Azavatar ou encore
Golden Dawn. Il n'est donc pas si étonnant de découvrir ici un black expérimental aussi complexe que varié. La diversité fait partie des maîtres mots d'
Atrorum, qui ne lésine pas sur les changements de structures, les mélanges de styles et de langues. Sept langues se côtoient sans vergogne au sein des morceaux, que ce soit du français, de l'anglais, de l'allemand, de l'espagnol, du russe, du grec ou encore du latin. Chaque titre possède une entité unique propulsant l'auditeur dans un monde à la fois déjanté et structuré.
D'entrée de jeu, on découvre un groupe utilisant aisément des cassures de rythme, du piano, beaucoup de théâtralité et un petit côté néo-classique. Avec "Menschein", on est directement mis dans le bain avec cette ambiance typiquement black metal et ces mélodies bien choisies. Le chant écorché est charismatique, avec un phrasé particulier, et le chant clair apporte beaucoup de fraîcheur et de douceur à cet ensemble chaotique. Les guitares n'en sont pas en reste, avec un enchaînement de notes qui fait mouche et une rythmique lourde. Clairement, cela pourrait faire penser à un mélange de Grand Guignol et de
Carach Angren.
Mais la musique d'
Atrorum va au-delà de tout ça, puisant aussi dans l'électronique, en témoigne un "Große Weiße Welt" dans un style proche d'
Aborym, en plus accessible. Il ne faut pas se laisser impressionner par les treize minutes de cette piste où le piano, toujours le piano, nous emmène dans des contrées lointaines et atmosphériques, soutenu par une basse présente et très classe, et des guitares à la fois torturées et mélodieuses.
Atrorum, c'est aussi beaucoup d'images, telle une fresque obscure dévoilant peu à peu son côté lumineux et chaleureux. Cela se confirme avec "Amapolas" et son début ténébreux, son sympho inquiétant, puis son côté jazzy qui se mélange à des soupçons de folk et à une langue espagnole plus délicate. Et puis on a des choses plus étranges comme "Ψαλμός", qui démarre avec des clavecins dans un style goth metal pour finir vers un black metal influencé par la musique classique et la polyphonie de la
Renaissance à la sauce saccadée.
Par certains aspects,
Atrorum rappelle l'album "
Vitriol" du groupe géorgien
Im Nebel.
Pas sûre cependant que les Allemands s'en soient inspirés, mais on retrouve cette dualité dans les vocaux, l'importance du piano (qui touche d'ailleurs aux mêmes tonalités) et ce côté barré et progressif, parfois symphonique et grandiloquent. Penchez-vous sur un titre comme "Inconsistent Thoughts" ou "Zeitgest" des tbilissiens et vous comprendrez.
Cette chronique pourrait être plus longue mais je préfère ne pas vous gâcher le plaisir de la découverte. Attendez-vous à d'autres passages folk, electro, ambiants, post-rock, avant-gardistes...Si vous connaissez déjà un peu
Atrorum, vous devriez deviner ce qui vous attend, même si ce "Structurae" est moins agressif et beaucoup plus expérimental que ces prédécesseurs. Si les travaux d'
Atrorum vous sont inconnus, alors vous pouvez sans hésiter commencer par cet opus mais attention ; ce "Structurae" s'adresse uniquement aux amateurs d'originalité, de mélanges, de diversité et de curiosité, car vous serez loin d'écouter du black metal conventionnel. Si vous recherchez du satanisme, de la noirceur et de la violence, passez votre chemin. En revanche, si vous cherchez quelque chose qui sort vraiment de l'ordinaire, avec huit titres empreints d'une forte personnalité, alors ce méfait est fait pour vous.
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